Le cerveau musical livre d'autres secrets

Publié par Michel le 02/11/2011 à 00:00
Source: Marie Lambert-Chan - Université de Montréal
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La musique ferait vibrer les mêmes cordes sensibles que la voix, car ces deux stimulus seraient traités par les mêmes circuits neuronaux. (Photo: iStockphoto)
"La musique est la langue des émotions", a déjà dit le philosophe Emmanuel Kant, mettant du coup le doigt sur une énigme qui fascine bien des scientifiques. Pourquoi la musique arrive-t-elle à nous faire pleurer, rire, frémir ? Pourquoi les émotions qu'elle véhicule sont-elles reconnaissables par tous les êtres humains, quelles que soient leur langue et leur culture ?

Une hypothèse veut que la musique fasse vibrer les mêmes cordes sensibles que la voix, outil essentiel à la communication humaine. Toutes deux seraient traitées par les mêmes circuits neuronaux. La musique serait en fait une "voix superexpressive", c'est-à-dire une amplification de l'expression vocale comme le sont les masques pour les visages.

Difficile à prouver. Mais pas impossible, comme l'a démontré William Aubé, doctorant en neuropsychologie au Laboratoire international de recherche sur le cerveau, la musique et le son (BRAMS) de l'Université de Montréal.

"La musique est un moyen d'expression très puissant pour réveiller des souvenirs. Les expressions vocales comme les cris, les pleurs et les rires suscitent tout autant de profondes réactions. J'ai donc testé la mémoire de participants pour ces deux stimulus qui évoquaient tour à tour différentes émotions", explique le jeune chercheur.

Résultat: une étroite corrélation existe entre la mémoire des expressions vocales et la mémoire des expressions musicales chez les mêmes sujets. C'est particulièrement le cas de celles traduisant la peur et la joie. "Cela nous amène à croire qu'il y a une très forte possibilité que la voix et la musique soient traitées de façon similaire par le cerveau", conclut William Aubé.


William Aubé
Il en est encore plus convaincu depuis une étude effectuée en imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) chez 50 participants qui lui a permis de découvrir un chevauchement entre la région du cerveau activée par la musique et celle qui est vouée aux expressions vocales. "Les sujets ont écouté des extraits musicaux, diverses langues, des bruits de klaxon et de claquements de porte, des cris, des pleurs, etc., raconte-t-il. Au terme de l'exercice, on a aussi remarqué que la musique animait un endroit précis du cerveau situé bilatéralement sur le planum temporal. Cette zone est légèrement devant celle consacrée à la voix. C'est la première fois qu'on repère de la sorte une région musicale dans le cerveau."

De la musique semblable au rire

"La majorité des études explorant les liens entre la musique et la mémoire utilisent de longs extraits musicaux, souvent familiers aux participants, remarque William Aubé. Ces stimulus sont généralement divisés en deux catégories: plaisants et déplaisants. On ne s'intéresse pas à la variété d'émotions que peut évoquer la musique, ce qui rend difficile la comparaison avec la voix."

Il s'est donc appliqué à réunir des stimulus comparables. Il a employé des compositions originales d'environ 1,5 seconde et des expressions vocales non linguistiques, comme des rires, des pleurs, des cris et des bâillements. La teneur émotionnelle, les rythmes et la durée des musiques se voulaient semblables à ces sons humains. "La musique joyeuse est syncopée, rapide, comme quelqu'un qui rit. La comparaison n'est pas parfaite, mais les indices acoustiques se ressemblent beaucoup", donne en exemple celui qui est supervisé par Isabelle Peretz, cofondatrice du BRAMS, et Jorge L. Armony, chercheur à l'Institut universitaire en santé mentale Douglas.

Quelque 120 personnes se sont soumises à cette étude comportementale. Les sujets qui se rappelaient les extraits musicaux de peur avaient aussi bien mémorisé les productions non linguistiques liées à cette émotion. Même chose pour la joie. "Les expressions émotionnelles musicales parviennent à moduler certains processus cognitifs comme la mémoire, en dépit du fait qu'elles ne sont pas associées à un épisode autobiographique, au même titre que des expressions vocales et des visages émotionnels", fait observer le chercheur.

Grâce à l'IRMf, il a confirmé un phénomène connu, soit l'activation de l'amygdale par la peur. Cette zone en forme d'amande située dans chaque hémisphère du cerveau agit comme un système d'alarme naturel chez l'homme et l'animal.

William Aubé souligne toutefois que la joie excitait presque autant cette structure cérébrale que la peur. "Des études proposent que l'amygdale est un détecteur de pertinence excité par l'intensité des émotions, indépendamment de leur caractère plaisant ou déplaisant."

Le doctorant poursuit ses recherches. Il souhaite entre autres raffiner son étude en IRMf. "Nous avons récemment enregistré des stimulus musicaux interprétés au violon, au saxophone et au piano. Des versions chantées le seront aussi. Nous nous assurerons que l'effet obtenu est lié à l'émotion inhérente au stimulus plutôt qu'à d'autres variables tel que le timbre. En utilisant un large éventail de stimulus, nous nous rapprochons également de la réalité."

Ces travaux ont été menés en collaboration avec Luis Concha et Arafat Angulo Perkins, de l'Université nationale autonome du Mexique.
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