Pendesinialessandro a écrit : ↑12/01/2018 - 17:03:15
A propos de mémoire.....
De nombreuses affaires (nous fait remarquer B.Croisile) ont rapporté le cas de souvenirs d’inceste « retrouvés » lors d’une psychanalyse ou d’une psychothérapie, souvenirs qui se sont ultérieurement révélés implantés par le thérapeute à la suite de questions trop suggestives. Ces manipulations involontaires est la croyance commune, d’origine psychanalytique, en l’existence de souvenirs masqués, réprimés, refoulés.
Vous confondez le souvenir créé à l'occasion de l'interaction avec un thérapeute, et ce que la psychanalyse nomme le souvenir-écran, qui se produit indépendamment de toute thérapie ou interrogatoire et tend à altérer les faits ou à remplacer des faits refoulés (c'est-à-dire mis hors de portée d'un rappel conscient de l'information). Or tout le travail du psychanalyste consiste justement à distinguer chez les patients entre un souvenir réel et un souvenir « reconstruit », en remontant la chaîne du processus de transformation (ou de création) qui a eu lieu, lequel utilise des représentations, comme matériau, et des mécanismes agissant sur la phonémie, le principe de métonymie, de métaphore, etc. comme outils. Rien n'est ici de l'ordre de la croyance, mais il est parfois impossible de remonter jusqu'au souvenir réel quand les éléments réels qui l'on constitué ont disparu (parent décédé, lieu détruit... ), dans la mesure où le cerveau, quand il mémorise un évènement, est déjà dans un acte d'interprétation plus ou moins fidèle de ce qu'il enregistre.
À l'occasion d'expertises, il arrive, vous avez raison, que le psy se laisse avoir et prenne ce qui est un mécanisme de rationalisation (la personne identifie de façon acceptable pour sa tranquillité le traumatisme vécu, en adoptant des représentations qui l'arrangent) pour des souvenirs refoulés. Mais ces erreurs, dues souvent à une implication émotionnelle inconsciente du psy dans l'affaire traitée, surtout quand il s'agit d'enfants, peuvent normalement être décelées en procédant à des recoupements avec les éléments de l'enquête, et des incohérences dans le discours et les divers souvenirs entre eux.
Mais dans la plupart des cas la psychanalyse a plutôt tendance à déceler les faux souvenirs, c'est d'ailleurs elle qui avait démontré leur existence en son temps, s'agissant notamment des cas d'enfants battus, où la plupart des patients qui se souvenaient avoir été réellement battus avaient en fait inventé le souvenir (fantasmé). Soit dit en passant, que le fait ait eu réellement lieu ou qu'il ait été fantasmé donne le même effet psychologique, jusqu'à ce que la personne prenne conscience de sa propre tromperie bien sûr, et encore. Vous vous retrouvez donc devant une personne qui manifeste les symptômes d'un traumatisme, sans savoir de prime abord si les faits ont eu réellement lieu ou non. Et quand le matériel de l'enquête se montre plutôt restreint, bien malin celui qui pourra y voir clair !