Re: [Dossier] La relativité: principes fondamentaux
Publié : 01/05/2010 - 14:36:38
Leibniz, dans ses "Principes de la nature et de la grâce" posait au XVIIè siècle deux questions
fondamentales:"Pourquoi [y a t'il] plutôt quelque chose que rien ? Car le rien est plus simple et plus facile
que quelque chose. De plus, supposé que des choses doivent exister, il faut qu'on puisse rendre raison pourquoi
elles doivent exister ainsi, et non autrement."
On considère en général que la première question ne relève pas du domaine de la physique, ni plus
généralement des sciences, dont l'enjeu premier serait précisément de répondre à la deuxième.
Pourtant, quelques décennies avant Leibniz, Galilée élucidait la nature du mouvement et posait dans un
même élan le grand programme de la philosophie naturelle ("le livre des lois de la nature est écrit en
langage mathématique" qui allait devenir, sous l'impulsion de Descartes et Newton, ce
que nous appelons aujourd'hui la physique. Pour exprimer sa découverte de la relativité du mouvement
inertiel, Galilée écrivait dans le "Dialogue sur les deux grands systèmes du monde": "Le mouvement
est mouvement et agit comme mouvement pour autant qu'il est en rapport avec des choses qui en sont
dépourvues. Pour toutes les choses qui y participent, le mouvement est comme s'il n'était pas. Le mouvement est comme rien". Il érigea cette constatation en principe de relativité du mouvement : "Posons donc comme principe que, quel que soit le mouvement que l'on attribue à la terre, il est nécessaire que, pour nous qui sommes les habitants d'icelle et par conséquent participants de celui là, il reste parfaitement imperceptible et comme n'étant pas..." Que devient dans ces conditions la première question de Leibniz, appliquée à cette "chose" qu'est le mouvement ? Y-a-t'il vraiment quelque chose plutôt que rien ? Le mouvement, découvre Galilée, est simultanément "rien" et "quelque chose" ! Voilà qu'une question primordiale, semblant relever de la seule philosophie (et pour certains de la croyance religieuse) est mise à mal dans son énoncé même par
la découverte fondatrice de la physique moderne. Où se trouve le problème ? Il vient du fait que
Leibniz ne s'interroge pas sur le sens des concepts eux-mêmes, constitutifs de la question. L'existence
ou la non-existence y sont posés d'emblée comme antinomiques, dans le cadre de la logique du tiers
exclu, sans questionnement sur leur sens.
"Etre ou ne pas être", fera dire plus tard Shakespeare à Hamlet, archétype de l'homme empêtré dans
ses passions, enchaîné dans des alternatives apparemment sans issues. Mais Descartes est-il plus
avancé avec son "cogito ergo sum", quand, sous prétexte qu'existent des pensées, sans aucune analyse
de la nature relative de leur existence, il déduit qu'un "je" est. C'est mettre la charrue avant les boeufs.
Y-a-t'il un "je" qui pense, ou simplement des pensées (et des non-pensées !) elles mêmes n'existant que
de manière relative, à partir desquels le moi s'auto-construit {Ref. 1}? Où apparaissent les pensées,
sinon dans un espace psychique transitionnel, relatif, dont l'essentiel est in-conscient et
incroyablement plus vaste que le moi. La relativité de la position (énoncée au XVIè siècle par
Giordano Bruno), de l'orientation, du mouvement inertiel, puis du mouvement accéléré et de la
gravitation dans la théorie généralisée d'Einstein démontrent s'il en était besoin qu'on ne peut faire
l'impasse sur une analyse du mode d'être, préalable à tout discours sur l'être ou le non-être.
"Etre et ne pas être": telle est la nature de la position, de l'orientation, du mouvement, de la gravitation...
nous révèlent les théories occidentales de la relativité. Telle est la nature de toutes choses, ni existantes,
ni non-existantes, ("la forme est vide, le vide est forme"), enseignait Siddharta Gautama, celui qui
fut appelé de ce fait le Bouddha, "l'Eveillé". La définition de la "vacuité", coeur de la sagesse
bouddhiste, est l'"absence d'existence absolue" ou d'existence propre: c'est très exactement la
définition de la relativité dans la science occidentale ! Nagarjuna écrivait ainsi, quinze siècles avant
Galilée, dans son Traité du Milieu {Ref. 2}: "l'agent de mouvement ne se meut pas", "le mouvement
en cours ne s'arrête pas", "le mouvement, son commencement et sa cessation sont analogues au
mouvement", anticipant ainsi sur les deux découvertes galiléennes de la nature du mouvement inertiel et
de la relativité du mouvement et du repos. Mais, comme il ne s'agissait pas alors de physique, mais de
libération de la souffrance, ce n'était là qu'une étape pour en arriver au vide d'existence propre de l'agent
lui-même: "l'agent de mouvement, le mouvement et le lieu de mouvement n'existent pas [selon leur
nature propre]". Au final, c'est la réalisation de l'absence d'existence intrinsèque du je qui est
libératrice: "Lorsque est détruite l'idée du je et du mien relativement à l'interne et à l'externe,
l'appropriation prend fin, et avec sa destruction, la libération a lieu...".
Citation de "http://www.luth.obspm.fr/~luthier/nottale/arGreen.pdf"
Et continuons en citant "http://www.scale-relativity-corner.org/2007/09/introduction-to-scale-relativity.html":
An essential question that can be addressed in this context is the problem of scales in Nature. This is not a recent question. From Plato, Euclid, and Aristotle, to Leibniz, Laplace, and Poincaré, many philosophers, mathematicians and physicists have thought over scales and their transformations, dilations and contractions. What determines the universal scales in Nature? What is the origin of the elementary particles scales, of the unification and symmetry breaking scales, of the large scale structures in the Universe? Not only are fundamental or characteristic scales observed to occur in the world, but physical laws may in some situations depend themselves on scale: this leads us to the concepts of scaling and of scale invariance.
This scale dependence may in some cases be very fundamental: hence in quantum mechanics the results of measurements explicitly depend on the resolution of the measurement apparatus, as described by the Heisenberg relations; in cosmology, it is the whole set of interdistances between the objects of the Universe that depends on a time varying universal scale factor (this is the expansion of the Universe). Moreover, scale laws and scaling behaviours are encountered in many situations, at small scales (microphysics), large scales (extragalactic astrophysics and cosmology) and intermediate scales (complex self-organized systems), but most of the time such laws are found in an empirical way, since we still lack a fundamental theory allowing us to understand them from fundamental principles.
The key proposal is that such a fundamental principle upon which a theory of scale laws may be founded is the principle of relativity itself. But, by `principle of relativity' we mean something more general than its application to particular laws: we actually mean a universal method of thought. Following Einstein, we shall express it by postulating that the laws of Nature must be such that they apply to reference systems whatever their state. The present theory of relativity, after the work of Galileo, Poincaré and Einstein, results from the application of this principle to space and time coordinate systems and to their state of position (origin and axis orientation) and of motion (which may be eventually included into axis orientation in space-time).
Imagine that the principle of relativity also applies to laws of scale. Taking advantage of the relative character of every length and time scales in Nature, we define the resolution of measurements (more generally, the characteristic scale of a given phenomenon) as the state of scale of the reference system. This allows us to set a principle of scale relativity, according to which the laws of physics must be such that they apply to coordinate systems whatever their state of scale, whose mathematical translation is the requirement of scale covariance of the equations of physics. While the classical domain is apparently unchanged by such an analysis, its fundamental laws being scale independent (but situations where dynamical chaos occurs may call for a reopening of the question), there are two fundamental scale-dependent domains on which this extension of the principle of relativity sheds new light, namely quantum physics and cosmology.
Les derniers développements sont à lire dans "Des fleurs pour Schrödinger"
fondamentales:"Pourquoi [y a t'il] plutôt quelque chose que rien ? Car le rien est plus simple et plus facile
que quelque chose. De plus, supposé que des choses doivent exister, il faut qu'on puisse rendre raison pourquoi
elles doivent exister ainsi, et non autrement."
On considère en général que la première question ne relève pas du domaine de la physique, ni plus
généralement des sciences, dont l'enjeu premier serait précisément de répondre à la deuxième.
Pourtant, quelques décennies avant Leibniz, Galilée élucidait la nature du mouvement et posait dans un
même élan le grand programme de la philosophie naturelle ("le livre des lois de la nature est écrit en
langage mathématique" qui allait devenir, sous l'impulsion de Descartes et Newton, ce
que nous appelons aujourd'hui la physique. Pour exprimer sa découverte de la relativité du mouvement
inertiel, Galilée écrivait dans le "Dialogue sur les deux grands systèmes du monde": "Le mouvement
est mouvement et agit comme mouvement pour autant qu'il est en rapport avec des choses qui en sont
dépourvues. Pour toutes les choses qui y participent, le mouvement est comme s'il n'était pas. Le mouvement est comme rien". Il érigea cette constatation en principe de relativité du mouvement : "Posons donc comme principe que, quel que soit le mouvement que l'on attribue à la terre, il est nécessaire que, pour nous qui sommes les habitants d'icelle et par conséquent participants de celui là, il reste parfaitement imperceptible et comme n'étant pas..." Que devient dans ces conditions la première question de Leibniz, appliquée à cette "chose" qu'est le mouvement ? Y-a-t'il vraiment quelque chose plutôt que rien ? Le mouvement, découvre Galilée, est simultanément "rien" et "quelque chose" ! Voilà qu'une question primordiale, semblant relever de la seule philosophie (et pour certains de la croyance religieuse) est mise à mal dans son énoncé même par
la découverte fondatrice de la physique moderne. Où se trouve le problème ? Il vient du fait que
Leibniz ne s'interroge pas sur le sens des concepts eux-mêmes, constitutifs de la question. L'existence
ou la non-existence y sont posés d'emblée comme antinomiques, dans le cadre de la logique du tiers
exclu, sans questionnement sur leur sens.
"Etre ou ne pas être", fera dire plus tard Shakespeare à Hamlet, archétype de l'homme empêtré dans
ses passions, enchaîné dans des alternatives apparemment sans issues. Mais Descartes est-il plus
avancé avec son "cogito ergo sum", quand, sous prétexte qu'existent des pensées, sans aucune analyse
de la nature relative de leur existence, il déduit qu'un "je" est. C'est mettre la charrue avant les boeufs.
Y-a-t'il un "je" qui pense, ou simplement des pensées (et des non-pensées !) elles mêmes n'existant que
de manière relative, à partir desquels le moi s'auto-construit {Ref. 1}? Où apparaissent les pensées,
sinon dans un espace psychique transitionnel, relatif, dont l'essentiel est in-conscient et
incroyablement plus vaste que le moi. La relativité de la position (énoncée au XVIè siècle par
Giordano Bruno), de l'orientation, du mouvement inertiel, puis du mouvement accéléré et de la
gravitation dans la théorie généralisée d'Einstein démontrent s'il en était besoin qu'on ne peut faire
l'impasse sur une analyse du mode d'être, préalable à tout discours sur l'être ou le non-être.
"Etre et ne pas être": telle est la nature de la position, de l'orientation, du mouvement, de la gravitation...
nous révèlent les théories occidentales de la relativité. Telle est la nature de toutes choses, ni existantes,
ni non-existantes, ("la forme est vide, le vide est forme"), enseignait Siddharta Gautama, celui qui
fut appelé de ce fait le Bouddha, "l'Eveillé". La définition de la "vacuité", coeur de la sagesse
bouddhiste, est l'"absence d'existence absolue" ou d'existence propre: c'est très exactement la
définition de la relativité dans la science occidentale ! Nagarjuna écrivait ainsi, quinze siècles avant
Galilée, dans son Traité du Milieu {Ref. 2}: "l'agent de mouvement ne se meut pas", "le mouvement
en cours ne s'arrête pas", "le mouvement, son commencement et sa cessation sont analogues au
mouvement", anticipant ainsi sur les deux découvertes galiléennes de la nature du mouvement inertiel et
de la relativité du mouvement et du repos. Mais, comme il ne s'agissait pas alors de physique, mais de
libération de la souffrance, ce n'était là qu'une étape pour en arriver au vide d'existence propre de l'agent
lui-même: "l'agent de mouvement, le mouvement et le lieu de mouvement n'existent pas [selon leur
nature propre]". Au final, c'est la réalisation de l'absence d'existence intrinsèque du je qui est
libératrice: "Lorsque est détruite l'idée du je et du mien relativement à l'interne et à l'externe,
l'appropriation prend fin, et avec sa destruction, la libération a lieu...".
Citation de "http://www.luth.obspm.fr/~luthier/nottale/arGreen.pdf"
Et continuons en citant "http://www.scale-relativity-corner.org/2007/09/introduction-to-scale-relativity.html":
An essential question that can be addressed in this context is the problem of scales in Nature. This is not a recent question. From Plato, Euclid, and Aristotle, to Leibniz, Laplace, and Poincaré, many philosophers, mathematicians and physicists have thought over scales and their transformations, dilations and contractions. What determines the universal scales in Nature? What is the origin of the elementary particles scales, of the unification and symmetry breaking scales, of the large scale structures in the Universe? Not only are fundamental or characteristic scales observed to occur in the world, but physical laws may in some situations depend themselves on scale: this leads us to the concepts of scaling and of scale invariance.
This scale dependence may in some cases be very fundamental: hence in quantum mechanics the results of measurements explicitly depend on the resolution of the measurement apparatus, as described by the Heisenberg relations; in cosmology, it is the whole set of interdistances between the objects of the Universe that depends on a time varying universal scale factor (this is the expansion of the Universe). Moreover, scale laws and scaling behaviours are encountered in many situations, at small scales (microphysics), large scales (extragalactic astrophysics and cosmology) and intermediate scales (complex self-organized systems), but most of the time such laws are found in an empirical way, since we still lack a fundamental theory allowing us to understand them from fundamental principles.
The key proposal is that such a fundamental principle upon which a theory of scale laws may be founded is the principle of relativity itself. But, by `principle of relativity' we mean something more general than its application to particular laws: we actually mean a universal method of thought. Following Einstein, we shall express it by postulating that the laws of Nature must be such that they apply to reference systems whatever their state. The present theory of relativity, after the work of Galileo, Poincaré and Einstein, results from the application of this principle to space and time coordinate systems and to their state of position (origin and axis orientation) and of motion (which may be eventually included into axis orientation in space-time).
Imagine that the principle of relativity also applies to laws of scale. Taking advantage of the relative character of every length and time scales in Nature, we define the resolution of measurements (more generally, the characteristic scale of a given phenomenon) as the state of scale of the reference system. This allows us to set a principle of scale relativity, according to which the laws of physics must be such that they apply to coordinate systems whatever their state of scale, whose mathematical translation is the requirement of scale covariance of the equations of physics. While the classical domain is apparently unchanged by such an analysis, its fundamental laws being scale independent (but situations where dynamical chaos occurs may call for a reopening of the question), there are two fundamental scale-dependent domains on which this extension of the principle of relativity sheds new light, namely quantum physics and cosmology.
Les derniers développements sont à lire dans "Des fleurs pour Schrödinger"