Sommeil paradoxal et état onirique: l'activation sélective des neurones de l'émotion révélée

Publié par Isabelle le 10/04/2015 à 12:00
Source: CNRS-INSB
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Traditionnellement, le sommeil paradoxal (SP) est caractérisé par une activation corticale proche de l'éveil combinée à des mouvements rapides des yeux et une paralysie des muscles de la posture. En comparant au niveau cellulaire et moléculaire l'état cortical pendant le SP à celui de l'éveil, l'équipe de Pierre-Hervé Luppi au Centre de recherche en neurosciences de Lyon, révèle de façon surprenante que seules quelques populations de neurones localisés dans les structures limbiques impliquées dans la mémoire émotionnelle sont actives et plastiques au cours du SP. Cette étude est publiée dans la revue Science Advances.

La fonction physiologique du sommeil paradoxal (SP), pendant lequel l'activité onirique prédomine, demeure largement inconnue, plus de 50 ans après sa découverte. Chez l'homme et les rongeurs, le SP se caractérise par une activité corticale rapide et désynchronisée proche de celle de l'éveil, paradoxalement associée à une atonie musculaire et des mouvements oculaires rapides (d'où sa dénomination anglo-saxonne de rapid eye movement, REM sleep). La privation expérimentale de SP est létale en 15-20 jours chez le rat. Par ailleurs, les quantités de SP sont augmentées pendant la nuit suivant un apprentissage alors que les capacités de mémorisation sont altérées après une privation de SP au cours des 4 premières heures suivant l'apprentissage.

Dans ce contexte, l'équipe de Pierre-Henri Luppi a cherché à identifier les populations de neurones activées au cours du sommeil paradoxal par rapport à l'éveil et les mécanismes mis en jeu. Les chercheurs ont manipulé les quantités de SP afin d'identifier les gènes dont l'expression est liée positivement au SP. Trois groupes d'animaux ont été utilisés: des rats témoins, des rats privés sélectivement de SP pendant 72 heures, des rats ayant subi cette privation suivie d'une phase d'hypersomnie en SP. Les modifications d'expression génique ont été déterminées chez ces groupes d'animaux à l'aide des puces à ADN Affymetrix et de l'immunohistochimie ou l'hybridation "in situ" des gènes identifiés. Ceci a permis de montrer que l'expression de marqueurs d'activité et de plasticité neuronale tels que les gènes c-Fos, Cox2, Arc, Bdnf, était augmentée au cours de l'hypersomnie de SP seulement dans quelques structures limbiques, déterminantes pour l'apprentissage et la mémoire: le gyrus dentelé de l'hippocampe (GD).


Figure: Projection active au cours du sommeil paradoxal du noyau supramammillaire sur le gyrus dentelé. De nombreux neurones exprimant le gène cFos sont visibles dans le noyau supramammillaire (noyaux marqués en noir). Dans l'agrandissement, deux de ces neurones sont visibles qui expriment également dans leur cytoplasme le marqueur rétrograde, la sous-unité B de la toxine cholérique (marquage granulaire marron), injectée dans le gyrus dentelé.
© P-H Luppi
Afin de déterminer la ou les voies responsables de l'activation de ces populations de neurones corticaux au cours du SP, les chercheurs ont ensuite combiné l'injection de traceurs rétrogrades dans les structures corticales et l'immunohistochimie du C-Fos après hypersomnie de SP. Ils ont ainsi observé que le noyau supramammillaire hypothalamique (Sum) était responsable de l'activation du gyrus dentelé. Cette hypothèse a été confirmée en observant la disparition du marquage c-Fos dans le gyrus dentelé après lésion neurochimique du Sum. Il a également été montré que le claustrum est responsable de l'activation des autres structures limbiques au cours du SP.

L'ensemble de ces résultats indique que deux structures sous-corticales méconnues, le Sum et le claustrum, activent au cours du SP le gyrus dentelé de l'hippocampe (GD) et les cortex rétrosplénial, entorhinal médial, amygdalien et cingulé. Ces résultats indiquent que l'activation corticale au cours du SP est restreinte à quelques structures limbiques à contrario de l'éveil au cours duquel la quasi totalité des populations neuronales corticales sont fortement activées. Ils indiquent également que cette activation est due à des projections provenant du noyau supramammillaire et du claustrum alors qu'au cours de l'éveil d'autres structures sont impliquées comme les systèmes aminergiques et cholinergiques.

Ces résultats montrent pour la première fois que des populations de neurones localisés dans des structures limbiques impliquées dans la gestion de la mémoire émotionnelle sont activées spécifiquement au cours du SP. L'étude de ces neurones pourrait enfin permettre de comprendre la fonction du SP plus de cinquante années après sa découverte...
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