Il y a 360 millions d'années: des récifs dans la tourmente d'une extinction de masse

Publié par Redbran le 08/01/2017 à 12:00
Source: CNRS
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Depuis l'apparition des organismes multi-cellulaires il y a 540 millions d'années, la vie sur Terre a été frappée par 5 grandes extinctions de masse. Moins populaire que l'extinction qui a marqué la fin du Crétacé et des dinosaures, l'extinction de la fin du Dévonien (- 360 millions d'années) a pourtant rayé de la surface de notre planète 75 % des espèces vivantes. Mais le mode opératoire de cette extinction reste mal connu. Une équipe sino-franco-australienne (1), impliquant des chercheurs du laboratoire Géosciences environnement Toulouse (GET – CNRS / Université Toulouse III - Paul Sabatier / IRD / CNES) à l'Observatoire Midi-Pyrénées, vient de mettre en évidence la réorganisation à l'échelle globale des récifs carbonatés suite à la crise de la fin du Dévonien, événement dit "Hangenberg". Ces résultats sont publiés dans Nature Scientific Reports n°6.


Photo des stromatolites laminaires vue le terrain. Alternances entre des laminations microbiennes claires et foncées d'un stromatolite. © Le YAO (Nanjing Institute of Geology and Palaeontology)
Au Dévonien, les récifs étaient florissants et constitués de bio-constructeurs squelettiques tels que les coraux ou les éponges. Lors de l'événement "Hangenberg", il y a 360 millions d'années, ils ont brutalement disparu pour céder la place à d'autres producteurs de carbonates, les stromatolites. Depuis quelques années, les chercheurs étudient des stromatolites, des tapis microbiens producteurs de carbonates, dans le nord-ouest de la Chine au Qianheishan. Formés dans des environnements marins confinés, ces stromatolites sont datés du tout début du Carbonifère (359-299 millions d'années), juste après l'extinction de masse. Les bio-constructeurs squelettiques du Dévonien, les stromatoporidés (éponges) et les coraux, ont subi de plein fouet l'extinction. Il était généralement admis que, profitant de cette extinction, les carbonates microbiens sont revenus sur le devant de la scène: les stromatolites de Qianheishan sont un bel exemple de ce regain d'activité microbienne. L'ampleur et la signification de cette prolifération des carbonates microbiens à la base du Carbonifère restaient néanmoins inconnues.

Les scientifiques ont étudié la distribution et la composition des récifs et bio-constructions sur un intervalle de 20 millions d'années, centré sur l'extinction de masse. Ils ont construit une base de données qui montre sans équivoque que la prolifération des carbonates microbiens juste après l'extinction est un phénomène global. Juste avant la crise, les carbonates microbiens sont extrêmement rares dans les associations récifales, et les récifs sont quasiment exclusivement formés de bioconstructeurs squelettiques. Par contre, juste après la crise, les carbonates microbiens dominent largement les récifs. Les bio-constructeurs squelettiques, quand il en reste, sont réduits à de simples locataires.

La comparaison avec les autres crises de même ampleur montre que ce phénomène de prolifération de carbonates microbiens aux dépens des bio-constructeurs squelettiques s'observe pour certaines extinctions. Ainsi la plus grande des extinctions, celle de la fin du Permien (- 251 millions d'années) et celle du Frasnien terminal (- 375 millions d'années) montrent les mêmes caractéristiques. Dans le cas des extinctions de la fin de l'Ordovicien (- 444 millions d'années) et du Trias (- 200 millions d'années), les bio-constructions à constructeurs squelettiques restent bien présentes, bien que les récifs formés par des carbonates microbiens soient abondants après les extinctions elles-mêmes. Aucune bioconstruction microbienne n'a été observée dans le contexte de l'extinction fini-Crétacé (- 65 millions d'années), ce phénomène ne peut donc pas être généralisé à l'ensemble des extinctions.

Le remplacement des bio-constructions à constructeurs par des bio-constructions microbiennes est probablement un indicateur important des causes individuelles de chaque extinction de masse, qu'il s'agit à présent de déchiffrer.


Photo panoramique de la coupe étudiée en Chine. Le niveau à stromatolites forme la barre massive de 20 m de large au centre de l'image. La limite Devono-Carbonifère se trouve jusqu'à la base de cette barre. © Le YAO (Nanjing Institute of Geology and Palaeontology)
Notes:
(1)GET (CNRS/Université Toulouse III - Paul Sabatier/IRD/CNES), Nanjing Institute of Geology and Palaeontology et University of Queensland


Contacts Chercheur:
Markus Aretz – enseignant-chercheur à l'université Toulouse III – Paul Sabatier / laboratoire Géosciences Environnement Toulouse, université Toulouse III – Paul Sabatier: Virginie Fernandez.

Publication:
Yao L., Aretz M., Chen J., Webb G.E., Wang X., Global microbial carbonate proliferation after the endDevonian mass extinction: mainly controlled by demise of skeletal bioconstructors. Nature Scientific Reports 6, 39694 (2016) doi:10.1038/srep39694
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