Derrière son apparente simplicité - un cylindre surmonté de tentacules -, l'anémone de mer recèle une grande complexité. Des chercheurs de l'Institut Pasteur, en collaboration avec le CNRS, viennent en effet de découvrir plus d'une centaine de types cellulaires différents chez ce petit invertébré marin, et notamment une incroyable diversité de neurones. C'est en réalisant un véritable atlas cellulaire de l'
animal (Un animal (du latin animus, esprit, ou principe vital) est, selon la classification classique, un...) que les chercheurs ont pu révéler cette étonnante
complexité (La complexité est une notion utilisée en philosophie, épistémologie (par...). Leurs résultats, qui vont alimenter la réflexion sur la façon dont les cellules se sont diversifiées et regroupées sous forme d'organes au fil de l'évolution, ont été publiés dans la revue
Cell.
Poisson-clown juvénile abrité dans les tentacules de son anémone-hôte.
© Suzanne C. Mills
L'anémone de mer Nematostella vectensis a tout pour plaire aux chercheurs - mis à part peut-être ses tentacules urticants. Il s'agit d'un petit invertébré marin facile à maintenir en laboratoire, qui possède un
génome (Le génome est l'ensemble du matériel génétique d'un individu ou d'une...) suffisamment simple pour en étudier les rouages et suffisamment proche de celui de l'homme pour en tirer des enseignements. "Quand le génome de l'
anémone (Les anémones (genre Anemone du grec Άνεμος, vent) sont des...) de mer a été séquencé en 2007, on a découvert qu'il était très similaire à celui de l'homme, tant au niveau du
nombre (La notion de nombre en linguistique est traitée à l’article « Nombre...) de gènes, avec environ 20 000 gènes, que de l'
organisation (Une organisation est), rappelle Heather Marlow, spécialiste en
biologie (La biologie, appelée couramment la « bio », est la science du vivant....) du développement au sein de l'unité
Génomique (La génomique est une discipline de la biologie moderne. Elle étudie le fonctionnement...) et épigénomique du développement des
vertébrés (Les vertébrés forment un sous-embranchement du règne animal. Ce taxon, qui dans sa...) à l'
Institut Pasteur (L’Institut Pasteur est une fondation française privée à but non lucratif qui...) et principale auteure de l'étude. Ces similarités font de l'anémone de mer un modèle idéal pour étudier le génome animal et comprendre les interactions qui se jouent entre les gènes". Autre point fort: sa position stratégique dans l'arbre du vivant. La branche évolutive des cnidaires à laquelle appartiennent les anémones s'est séparée de celle des bilatériens , autrement dit de la plupart des autres animaux y compris l'homme, il y a plus de 600 millions d'années. "L'anémone peut donc aussi nous aider à comprendre l'origine et l'évolution des multiples types cellulaires qui constituent les corps et organes des animaux, et notamment leur
système nerveux (Le système nerveux est un système en réseau formé des organes des sens, des...)", résume Heather Marlow.
Pour tenter d'en apprendre un peu plus sur les anémones de mer - et par conséquent sur l'ensemble du règne animal -, l'équipe d'Heather Marlow a décidé d'ausculter ce cnidaire, cellule par cellule. Grâce à une technique innovante, les minuscules cellules de l'animal - qui ne font pas plus d'1 micron de
diamètre (Dans un cercle ou une sphère, le diamètre est un segment de droite passant par le centre...) - ont été isolées une à une, et leur ARN analysé. Car si l'ADN des chromosomes contient l'ensemble des gènes, l'ARN montre ceux-ci en
activité (Le terme d'activité peut désigner une profession.). "Le développement d'approches génomiques à l'échelle de la cellule unique permet de répertorier avec une grande précision les différents types cellulaires, mais également d'identifier les gènes responsables du fonctionnement de chacune de ces cellules", décrit Heather Marlow. Au total, et contre toute attente, ce sont plus d'une centaine de types cellulaires différents qui ont été identifiés, regroupés dans huit familles principales de cellules (musculaires, digestives, neuronales, épidermiques, etc.). Et l'une des grandes surprises de ces travaux concerne le système nerveux. En effet, près d'une trentaine de type de neurones différents - peptidergiques, glutamatergiques ou encore insulinergiques - ont été identifiés, révélant un système nerveux et sensoriel d'une relativement grande complexité.
Ces travaux devraient ainsi aider les spécialistes de l'évolution à préciser le portrait de l'ancêtre commun dont dérivent d'une part les cnidaires (anémones) et de l'autre les animaux bilatériens (hommes). Ce dernier devait en effet déjà présenter une certaine complexité cellulaire. Par ailleurs, même si l'anémone semble très
différente (En mathématiques, la différente est définie en théorie algébrique des...) de nous, elle nous révèle les règles fondamentales qui permettent aujourd'hui à ses cellules comme aux nôtres de remplir autant de fonctions différentes. "La cellule est l'élément de base qui constitue les êtres vivants. En définissant comment les informations codées par le génome déterminent l'identité de chaque cellule, nous espérons mettre au jour les mécanismes conservés entre tous les animaux qui sont essentiels pour leur développement et leur homéostasie", conclut Heather Marlow.