Stockage magnétique plus performant: cartographier le magnétisme à l'échelle atomique

Publié par Adrien le 23/01/2020 à 08:00
Source: CNRS INP
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Observer et contrôler le magnétisme de surface à l'échelle atomique est un enjeu majeur dans la recherche d'un stockage magnétique de plus en plus performant. Grâce à une molécule magnétique greffée sur la pointe d'un microscope à effet tunnel, des physiciens ont mis au point une sonde versatile donnant accès à une double information sur le magnétisme à l'échelle atomique.

L'électron possède une aimantation microscopique, son spin, qui, en l'absence de toute interaction, peut s'orienter aléatoirement dans l'espace. Au sein des atomes, les spins des électrons s'organisent, certains atomes étant magnétiques, d'autres non. De même, au sein des matériaux, les atomes s'organisent, certains matériaux par exemple à base de fer ou de cobalt se comportant alors comme des aimants. Dans de tels matériaux dits ferromagnétiques, les spins s'alignent grâce à une interaction de proximité appelée interaction d'échange.

À ce jour, la microscopie à effet tunnel (STM) est la seule technique permettant de sonder le spin d'un atome unique et de cartographier les propriétés magnétiques d'une surface à l'échelle atomique. Dans un STM, un courant d'électrons passe entre une pointe sonde et la surface à étudier grâce à un effet quantique appelé effet tunnel (jonction tunnel). Il existe deux manières de visualiser la structure magnétique d'une surface. La première, connue sous le nom de STM polarisé en spin, exploite le courant tunnel d'une pointe magnétique afin de mesurer la résistance de la jonction tunnel, celle-ci variant en fonction de l'alignement des spins sur la surface par un effet de magnétorésistance. La seconde, à l'instar d'un microscope à force magnétique, exploite la déflection d'une pointe magnétique produite par l'interaction d'échange avec la surface. Les deux méthodes souffrent du faible contrôle que l'on exerce sur la structure de la pointe sonde.


Représentation de la jonction du microscope à effet tunnel avec en gris la surface sondée et en orange la pointe en cuivre sur laquelle est greffée la molécule de nickelocène (en vert l'atome de nickel, en gris les atomes de carbone et en blanc les atomes d'hydrogène).
© IPCMS (CNRS/Univ. Strasbourg)

Dans ce travail, les physiciens de l'Institut de physique et chimie des matériaux de Strasbourg (IPCMS, CNRS/Univ. Strasbourg), en collaboration avec le laboratoire PASTEUR (CNRS/ENS Paris/Sorbonne Université) et des laboratoires étrangers dont le Peter Grünberg Institut (Jülich, Allemagne) et le Centro de Física de Materiales (Donostia-San Sebastián, Espagne), ont visualisé le contraste magnétique d'une surface à l'échelle atomique en greffant une molécule magnétique sur la pointe sonde d'un STM. Cette pointe sonde moléculaire émule conjointement un STM polarisé en spin et un microscope à force magnétique par la détection simultanée de la magnétorésistance et de l'interaction échange. La structure bien définie de la pointe sonde moléculaire et sa stabilité facilitent grandement l'acquisition d'une image avec un contraste magnétique, tout en permettant de corréler les deux informations.

Les chercheurs ont sondé des atomes de fer et des nanostructures de cobalt déposés sur une surface de cuivre (non-magnétique) à l'aide de la molécule appelée nickelocène greffée sur une pointe en cuivre (figure). Cette molécule renferme un atome de nickel entre deux cycles carbonés et est magnétique. La nature quantique du spin entraîne l'existence d'un seuil dans la tension électrique appliquée à la pointe: au-delà de ce seuil, les électrons de la jonction cèdent une partie de leur énergie à la molécule, ce qui s'accompagne d'une augmentation du courant tunnel. Un changement de la valeur de la tension seuil traduit l'existence d'une interaction magnétique d'échange entre la surface et la pointe greffée. Les variations spatiales de ce seuil liées à la présence des atomes de fer ou de cobalt déposés sont détectées par la mesure du courant tunnel que l'on cartographie, produisant ainsi une image du contraste magnétique de la surface. Le courant tunnel dépend de plus de la polarité de la tension seuil, ce qui permet de caractériser la magnétorésistance de la structure magnétique.

Le succès de cette approche tient notamment au contrôle et à la stabilité des propriétés magnétiques de la molécule. Facilement adaptable sur un STM conventionnel, cette méthode devrait se généraliser dans le futur et permettre une cartographie magnétique fine à l'échelle atomique.

Références:
Atomic-scale spin sensing with a single molecule at the apex of a scanning tunneling microscope.
B. Verlhac, N. Bachellier, L. Garnier, M. Ormaza, P. Abufager, R. Robles, M.-L. Bocquet, M. Ternes, N. Lorente, L. Limot. Science, le 1 novembre 2019.
DOI: 10.1126/science.aax8222.
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