Une explication aux magnétars à faible champ 🧲

Publié par Adrien,
Source: CEA IRFU
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Les magnétars sont des étoiles à neutrons caractérisées par leurs champs magnétiques parmi les plus puissants de l'Univers, ainsi que par leurs intenses émissions et éruption en rayons X et gamma.

Une équipe internationale de scientifiques, incluant des chercheurs du Département d'Astrophysique du CEA-Paris Saclay, a modélisé la formation de leur champ magnétique, induite par la dynamo de Tayler-Spruit, et son évolution sur des périodes de plusieurs centaines de milliers d'années.


Figure 1 - Configuration des lignes de champ magnétique dipolaire au sein de la croûte de l'étoile à neutrons immédiatement après sa formation, quelques dizaines de secondes après l'explosion de supernova.
Credit: Igoshev et al. 2025

Cette dynamo est générée par la chute de matière sur l'étoile à neutrons juste après sa formation, à la suite de l'explosion de l'étoile parent en supernova. Les résultats des simulations sont en accord avec les observations des magnétars à champ faible ("low-B"), des étoiles à neutrons possédant des champs magnétiques dipolaires de 10 à 100 fois plus faible que ceux des magnétars classiques.

Ces résultats offrent une percée majeure en résolvant une énigme scientifique persistante depuis la découverte de ces magnétars en 2010. Ils indiquent également que les magnétars à faible champ se forment par un processus différent de celui des magnétars classiques, probablement en raison de variations dans les dynamos des étoiles à neutrons lors de leur formation.

L'étude a été publiée dans la revue Nature Astronomy.

Le mécanisme dynamo de Tayler-Spruit...


Les étoiles à neutrons sont les vestiges d'étoiles massives ayant épuisé leur carburant, puis explosé en supernova, éjectant la majeure partie de leurs couches externes. Parmi elles, les magnétars se distinguent par leurs champs magnétiques intenses, pouvant atteindre 1015 Gauss, soit une dizaine de milliards de fois plus puissants que les champs générés par les humains. Ces champs extrêmes font des magnétars de brillantes sources transitoires émettrices de rayons X et gamma. Une question clé demeure: comprendre l'origine précise de ces champs et leur évolution sur des millions d'années.

En 2022, une équipe du Département d'Astrophysique (DAp) du CEA Saclay a proposé un scénario innovant pour expliquer la formation de ces champs magnétiques extrêmes, basé sur la dynamo de Tayler-Spruit, un processus qui convertit le mouvement du plasma en champ magnétique. La dynamo de Tayler-Spruit s'active en particulier lorsque la matière expulsée lors de l'explosion en supernova retombe sur la jeune étoile à neutrons.

En 2023, une étude approfondie utilisant des simulations numériques tridimensionnelles a permis de reproduire les intensités observées des champs magnétiques des magnétars (cf. Figure 1). Cependant, ces simulations se limitaient aux dix premières secondes suivant la formation de la proto-étoile à neutrons. Il restait donc à comprendre comment ces champs évoluent sur de longues périodes.


Figure 2 - Configuration des lignes de champ magnétique et distribution de la température de surface (légende située à droite de l'image) dans la croûte de l'étoile à neutrons, 200 000 ans après sa formation (cf. Figure 1).
La simulation numérique reproduit la topologie complexe du champ magnétique, dont deux caractéristiques essentielles des magnétars à faible champ:
1. Un champ magnétique dipolaire de faible intensité ;
2. La présence de champs magnétiques à petite échelle extrêmement intenses, jusqu'à 50 à 100 fois plus puissants que le champ dipolaire.
Ces résultats concordent avec les observations des magnétars SGR 0418+5729 et Swift J1882.3-1606, caractérisés par des structures magnétiques similaires.Crédit: Igoshev et al. 2025


... donnerait naissance aux magnétars à champ faible


Dans le but d'étudier l'évolution à long terme des magnétars dont le champ magnétique est généré par la dynamo de Tayler-Spruit, l'équipe du Département d'Astrophysique (DAp) du CEA Saclay a collaboré avec des chercheurs des universités de Newcastle et de Leeds, spécialistes de l'évolution des étoiles à neutrons sur des échelles temporelles pouvant atteindre plusieurs centaines de milliers d'années.

Le Dr Andrei Igoshev, auteur principal de l'étude et chercheur à l'École de Mathématiques, Statistiques et Physique de l'Université de Newcastle, précise: "Cette étude montre que ce processus joue un rôle crucial dans la formation des champs magnétiques des magnétars à champ faible grâce à la dynamo de Tayler-Spruit."

Les simulations numériques réalisées dans cette étude (cf. Figure 2) reproduisent les principales caractéristiques observées des magnétars à champ faible ("low-B"), notamment:

- Champs magnétiques dipolaires faibles: Ces magnétars présentent des champs magnétiques de 10 à 100 fois inférieurs à ceux des magnétars classiques, avec des valeurs inférieures à 1013 Gauss.

- Courbes de lumière en rayons X: En raison de leurs températures extrêmement élevées, les magnétars émettent principalement dans la gamme des rayons X. Les simulations reproduisent fidèlement cette émission thermique modulée par des points chauds à la surface de l'étoile.

- Sursauts et éruptions X: Le puissant champ magnétique déforme la croûte de l'étoile à neutrons, provoquant sporadiquement de petites ruptures. Ces déformations déclenchent des flashs lumineux dans les rayons X et gamma. Les simulations montrent que les conditions nécessaires à ces événements sont bien reproduites.

- Périodes de rotation lentes: Comme les magnétars classiques, ceux à champ faible présentent une période de rotation longue comparée à celles des autres étoiles à neutrons. Une hypothèse avancée est que ces magnétars pourraient être des versions vieillissantes de magnétars classiques, dont le champ magnétique dipolaire initialement fort aurait extrait leur moment cinétique avant d'être progressivement dissipé. Cette étude propose une autre explication: leur période de rotation lente résulterait de l'interaction avec la matière environnante provenant du retour de matière après la supernova, qui ralentirait la rotation de l'étoile après avoir généré le champ magnétique.

Une énigme scientifique resolue !


Par cette étude, les chercheurs ont montré que la dynamo Tayler-Spruit, activée par la retombée de matière issue de l'explosion de supernova, comme un mécanisme clé à l'origine de la formation des magnétars à champ faible. Ces travaux montrent que ces objets ne sont pas nécessairement des vestiges évolués de magnétars classiques, mais peuvent résulter d'un processus dynamique dès leur naissance. Ce scénario offre ainsi une explication complète et cohérente des phénomènes observés, tout en résolvant une énigme scientifique persistante depuis leur identification en 2010.

"En connectant directement le processus dynamo aux propriétés observables des magnétars, ces simulations, premières à décrire l'évolution à long terme du champ magnétique à partir d'un champ généré de manière cohérente par un tel processus, ouvrent une nouvelle voie pour contraindre la formation de ces objets mystérieux" s'enthousiasme Jérôme Guilet, chercheur au DAp et un des auteurs de l'étude.
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