Ballons et Dirigeables

Publié par Publication le 06/02/2005 à 21:37

1 - Introduction

Ce dossier nous est proposé par Laurent BOUTIN et Matthieu BARREAU, rédigé pour l'association Inter-Action, d'après une conférence de Laurent BOUTIN lors du Forum "dans l'air" qui eut lieu à l'IUT de Bordeaux les 19 & 20 octobre 2001 pour commémorer le centenaire du vol de Santos-Dumont. Un grand merci à eux.

Pour contacter les auteurs je vous invite à vous rendre sur le site Internet de l'association Inter-Action: lien.

Introduction

Les ballons et dirigeables ont été les premiers aéronefs de l'humanité. Ils ont réalisé avant tous les autres types d'aéronefs un grand nombre des exploits de l'aéronautique civile et militaire:
- vol,
- vol motorisé,
- vol motorisé avec retour au point de départ,
- traversée maritime, traversée océanique,
- tour du monde,
- bombardement, dépose de soldats dans un pays ennemi,
- photographie et observation aériennes,
- altitude, durée de vol, etc.

Ces exploits ont été possibles parce qu'il n'y a pas de puissance minimale à embarquer pour leur vol. Les qualités requises pour l'éventuel moteur d'aérostat sont donc moins critiques, comparées avec celles des aérodynes.

Comme leurs aspects fantasmatiques continuent d'alimenter des discussions, voyons à tête reposée (si cela est possible) ce qu'il en est des ballons et dirigeables, et ce qu'il en sera dans l'avenir.

2 - Rappel: mission fondamentale de transport

Si l'on exclut les véhicules qui ont pour but de situer la position sociale apparente de son utilisateur (et qui sont de plus en plus nombreux, signe des temps), la mission d'un véhicule est de transporter une certaine masse marchande d'un point A à un point B, à une certaine vitesse V:


Les contraintes imposées sont celles du milieu ambiant de transport (eau, air, etc.). Les dépenses (au sens large: énergétique, financière, etc.) incluent:
- les frais d'établissement, d'amortissement ;
- les frais fixes (hangar ou garage, assurance, licence, entretien calendaire) ;
- les frais de consommables et d'entretien horaire.

Les critères de qualité sont toujours les mêmes:
- cohérence du cahier des charges ;
- critères techniques: masse, aérodynamique, propulsion ;
- autres critères: sécurité, coûts, nuisances, etc.

Exemples

Un vélo est très intéressant par ses coûts d'amortissement et d'utilisations réduits, mais ne saura transporter plus d'une ou de deux personnes à vitesse et parcours limités ;

Un avion, un navire, une péniche permettent de limiter le coût des infrastructures aux points de départ et d'arrivée. Un avion peut survoler, de plus, des zones terrestres, arides, montagneuses. En termes d'exploitation, une ligne aérienne ou maritime peut être décidée du jour au lendemain sans aucun frais, ce qui est très avantageux ;

Un véhicule terrestre nécessite une route tout le long du parcours. Historiquement, le réseau routier est apparu en premier, en particulier par le système d'exploitation des esclaves ("travail de Romain").

3 - Définitions et classification

Tous les objets volants de création humaine s'appellent des AÉRONEFS. En attendant les soucoupes volantes à anti-gravité, il en existe deux catégories: les AÉRODYNES et les AÉROSTATS.

Les AÉRODYNES

Ou "plus lourd que l'air" utilisent pour voler les lois de la mécanique de Newton ("action réaction", La somme des forces appliquées à un solide est égale au produit de sa masse par l'accélération de son centre de gravité, etc.) directement (fusées) ou indirectement par action aérodynamique sur des surfaces portantes (avions, planeurs, hélicoptères, autogires) ; ils incluent les Hélicoptères, les Autogires, les Avions et les Planeurs, et enfin les Fusées.

Les Hélicoptères

La portance vient de la mise en rotation par un moteur d'un ensemble de pales horizontales qu'on appelle rotor. L'inclinaison du plan de rotation du rotor permet de diriger l'appareil. Pour les hélicoptères mono rotor à entraînement mécanique direct, un petit rotor arrière anti-couple compense le couple inverse que subit le moteur d'entraînement du rotor principal. Il permet aussi le pilotage en lacet de l'appareil. L'appareil peut voler de manière rigoureusement stationnaire.

Les Autogires

Même principe général que pour les hélicoptères. Le rotor est cependant libre, mis en rotation par vent relatif, créé par l'avancement qu'impose le moteur de propulsion. Par principe, l'appareil ne peut voler en vol rigoureusement stationnaire. L'artifice du prélanceur réduit sensiblement la distance de décollage.

Ces deux catégories (hélicoptères et autogires) ont en commun une forte valeur de la traînée induite par la portance (l'allongement du disque de portance est faible), une relative insensibilité aux rafales (charge alaire des pales très élevée) et, surtout pour l'hélicoptère, un coût élevé en relation avec une complication mécanique importante. Il est à noter que les autogires font l'objet d'un nombre élevé d'accidents (cf. Sites bureaux d'enquête accidents, BEA, NTSB).

Les Avions et les Planeurs

Les Avions et les Planeurs utilisent la réaction aérodynamique sur des plans (ailes, gouvernes). Ils ont tous une vitesse minimale de vol. L'avion emporte un ou plusieurs moteurs pour créer cette vitesse de vol. L'avion en panne de propulsion et le planeur utilisent comme moteur la composante de leur poids projetée sur leur trajectoire toujours descendante (par rapport à l'air).

La Fusée

La Fusée est un cas limite d'avion montant verticalement par la seule action de son moteur. On peut alors économiser les ailes. La condition d'existence d'une fusée est, bien entendu, que la force de propulsion de ce moteur dépasse le poids total de la fusée, pendant toute la durée du vol ascensionnel. La fusée n'est pas un aéronef très répandu en raison des exigences particulièrement sévères sur le moteur (la masse d'un moteur-fusée bien conçu est de l'ordre de quelques grammes par kW fourni).


Tous les aérodynes ont besoin d'une puissance motrice minimum pour voler. Les exigences (essentiellement de masse) pour cette puissance motrice sont assez sévères, ceci explique leur apparition tardive dans l'histoire de l'humanité.

Les AÉROSTATS

Ou "plus léger que l'air" ou "ballons" (sans autre précision), sont des aéronefs qui utilisent la force d'Archimède pour voler.

L'étymologie en indique une propriété: capables de vol immobile. Il n'y a pas de puissance minimale pour le vol. Ceci explique pourquoi les aérostats sont apparus avant les aérodynes. Les aérostats se distinguent suivant qu'ils emportent ou non une source de puissance motrice

Les Aérostats non motorisés s'appellent également "ballons libres", ou "ballons". Ils ne peuvent se déplacer qu'au gré du vent, une fois en l'air. Les ballons captifs sont une sous catégorie des ballons libres. Ce sont des aérostats non motorisés, attachés au sol par un câble sur treuil. Ils font la joie des citadins en mal d'altitude.


Les Aérostats motorisés s'appellent des "ballons dirigeables" ou simplement "dirigeables".

L'emport d'une puissance motrice leur permet (en principe) de suivre une route préalablement déterminée. Comme les aérostats n'ont pas de puissance minimale pour le vol, l'installation, à bord des dirigeables, d'un moteur même assez lourd permet le déplacement aussi lent que l'on veut (ou plutôt que l'on peut...). Au milieu du XIXème siècle, la faisabilité du vol avec des moteurs de plus de 10 kg/kW ne pouvait en effet qu'être le fait de ballons.


Exemple d'équilibre statique à deux fluides:
Zeppelin LZ 127 "Graf" posé sur le lac de Constance


Exemples de routes suivies dans les années 1920
par le "Los Angeles" et le "Graf"

Un peu de VOCABULAIRE

Lest, ballast

Masse morte (eau, sable...) embarquée à bord des ballons, pour être larguée en vol afin de ralentir la chute ou d'accélérer la montée ;

Gaz de sustentation

Gaz de masse volumique inférieure à celle de l'air, contenu dans une enveloppe, permettant à la force d'Archimède de s'exercer ; en larguant du gaz (on dit "soupaper"), on peut accélérer la chute ou ralentir la montée ;

Ballonnet

Les dirigeables, en raison de leur forme et par redondance, sont souvent divisés en plusieurs ballonnets qui sont donc des sous-ensembles de sustentation. Chacun possède sa soupape.

Nacelle

Dans les ballons libres, sorte de grand panier en osier contenant la charge marchande, le ballast et, pour les ballons à air chaud, le carburant ; dans les dirigeables, pièce abritant le commandant de bord, les timoniers, les commandes, la charge marchande, etc. ; pour les gros dirigeables, on distingue la gondole de commandement des nacelles motrices et de celle contenant les passagers ou les bombes ;

Timonier, barreur

Personne en poste à la barre, chargée d'exécuter les ordres du commandant de bord ;

Barre

Dans les dirigeables, volant de commande des gouvernes ; il y a en principe deux barres: celle de profondeur pour cabrer ou pour piquer, et celle de direction. Ce vocabulaire est plus issu de la marine que de l'aviation.

4 - Principe physique

Tous les ballons utilisent le THÉORÈME D'ARCHIMÈDE appliqué dans l'air: "Tout corps immergé dans un fluide subit une force opposée au poids du fluide déplacé".

On nomme cette force "portance aérostatique":



F: Valeur de la portance (dirigée vers le haut) [N].
point d'application: centre de gravité G de l'air déplacé
ρ: masse volumique de l'air déplacé par le ballon [kg/m3]
V: volume d'air déplacé par le ballon (en vert) [m3]
g: accélération due à la gravité (dirigée vers le bas) [m/s2]

Application numérique

F = 1,2 daN par m3 de ballon, avec ρ = 1,225 kg/m3 (niveau de la mer).
À 3 km d'altitude: 75 % de la valeur au niveau de la mer. F = 0,9 daN par m3 de ballon.
À 6,5 km d'altitude: 50 % de la valeur au niveau de la mer. F = 0,6 daN par m3 de ballon.
À 10 km d'altitude: 33 % de la valeur au niveau de la mer. F = 0,39 daN par m3 de ballon.

Note importante

La portance a une valeur numérique très faible. De plus, on n'en exploite qu'un certain pourcentage, puisqu'il faut soulever le ballon lui-même, ses équipements, la motorisation éventuelle, le carburant, le lest, (etc.) avant de soulever la moindre charge marchande. Cette faiblesse a une incidence directe sur la traînée et le coût de l'appareil (énormité des surfaces mouillées). La grande taille est donc la caractéristique essentielle d'un ballon.

Notes supplémentaires

La portance croît avec le volume et non avec la surface (cas des aérodynes), ce qui favorise encore plus cette grande taille et interdit pratiquement l'existence des petits ballons.

La portance diminue avec la masse volumique (ρ). Il est donc illusoire de vouloir réaliser des ballons pour un usage de haute altitude ayant une capacité d'emport importante. La seule possibilité est le ballon-sonde météorologique, où tout est sacrifié: pas de nacelle, pas de moteur, pas de carburant, pas de lest, pas de soupape à gaz, pas d'ancre, enveloppe de gaz jetable, très fine, très fragile et très élastique qu'on laisse se distendre pour augmenter le volume et récupérer une partie de la perte de poussée d'Archimède en altitude. Ce genre de ballon parvient à monter à quelques dizaines de kilomètres. L'instabilité d'altitude qui résulte de l'élasticité de l'enveloppe n'est pas gênante pour cette application, le ballon étant à usage unique et son éclatement en fin de mission prévu (cf. paragraphe sur la stabilité).

La portance ne peut se piloter directement. Elle ne peut se piloter directement ni en direction, ni en sens, ni en intensité. Ce n'est pas le cas de l'avion, où l'équation de portance Fz = ½.ρ.V².Sa.Cz fait apparaître les termes de pilotage primaire (Cz = manche ; V = manette(s) des gaz) et secondaire (Sa = volets).

On parvient cependant à commander l'altitude d'un ballon (tenant compte de l'inertie) en jouant avec:
- le lest (eau, sable...), plus lourd que l'air ;
- le gaz de sustentation, plus léger que l'air (quantité, température...).
Il faut bien entendu tenir compte des charges perdues en vol: carburant, bombes..

L'ÉQUILIBRE du ballon: on égalise son poids et la portance d'Archimède

L'équation d'équilibre s'écrit: F = M.g



F: portance du paragraphe précédent [N]
O: point d'application de la portance F
M: masse du ballon [N]
G: centre de gravité, point d'application du poids M.g
A: métacentre de flottabilité
g: accélération due à la gravité (dirigée vers le bas) [m/s2]

Si la portance dépasse le poids, le ballon monte pour atteindre l'altitude d'équilibre, et inversement. L'altitude d'équilibre est celle pour laquelle la masse volumique de l'air réalise l'équation d'équilibre. La masse volumique de l'air (donc la portance) décroît en effet avec l'altitude.

Exercice 1

Pour voir si vous avez bien assimilé cette notion élémentaire: on place une balle de ping-pong dans un récipient plein d'eau (aquarium par exemple), le tout dans un satellite en apesanteur. Vers quelle paroi de l'aquarium se dirige la balle ?

Exercice 2

Pour voir si vous avez réellement bien compris cette notion élémentaire: le satellite "freine" sur sa trajectoire. Même question...

STABILITÉS

On rappelle que la stabilité est l'étude des (faibles) variations autour de l'équilibre. Avant d'étudier la stabilité, il n'est pas inutile de vérifier la réalité de l'équilibre, sous peine de bonnet d'âne (cf. feu ballon "Avéa", projet dont on mettait en avant les qualités de stabilité en altitude, alors que l'équilibre n'était pas réalisé entre les diverses forces: Poids, Archimède, traction moteurs).

Cette règle est générale ; en électronique, on étudie d'abord le point de repos, avant l'étude des petits signaux ; en mathématique, on étudie le domaine de définition de la fonction avant la dérivée. Il est inutile d'étudier les variations si la fonction n'a pas d'existence.

Stabilité de l'équilibre "poids-portance", ou stabilité d'altitude

L'équilibre réalisé entre la portance et le poids du ballon est toujours stable, dès que le ballon se déforme suffisamment peu (en comparaison avec la compressibilité de l'air), pour présenter un volume pratiquement constant. On rappelle que la masse volumique de l'air ρ décroît avec l'altitude ; si le ballon a tendance à monter, ρ donc la poussée d'Archimède diminuent, et le ballon revient à son altitude d'équilibre.

Ceci est toujours vrai (tissus ou structure métallique rigides), sauf pour certains ballons-sondes météorologiques (cf. plus haut). Mais ce n'est pas vrai avec les sous-marins dont la déformabilité de la coque n'est pas négligeable devant celle d'un liquide peu compressible comme l'eau, ce qui entraîne une instabilité en profondeur.

Stabilité d'attitude

Elle s'étudie comme pour les bateaux. On la réalise en plaçant G en toutes circonstances de vol et de chargement sous le(s) métacentre(s) (voir définition plus bas) de flottabilité A, ici presque confondu(s) avec O en raison du faible gradient de la masse volumique de l'air sur la hauteur totale du ballon (cf. dessin ci-dessus).

Il existe, comme pour les bateaux, un métacentre en tangage et un métacentre en roulis. Il faut donc étudier les deux cas. Le chargement de la quille des ballons résout pratiquement la question de la stabilité d'attitude, question nettement plus facile à résoudre que dans le cas des bateaux.

Stabilité aérodynamique

Cette stabilité n'intéresse que les dirigeables (les ballons libres ne se déplacent pas par rapport à l'air). Elle s'étudie comme pour celle d'un avion: stabilité en tangage, en lacet, en roulis. Elle s'obtient, comme pour un avion, en plaçant judicieusement le centre de gravité par rapport au(x) foyer(s) aérodynamique(s). On s'aide, comme pour un avion, de surfaces aérodynamiques appelées profondeur et dérive, pour la stabilité de tangage et celle de lacet.

L'étude de la stabilité de roulis, pour un dirigeable, revient à l'étude de la stabilité d'attitude en roulis.


--------

Le métacentre est à la flottabilité ce que le foyer est à l'aérodynamique: c'est le point d'application des variations de poussée d'Archimède. Pour plus d'infos se reporter à un cours général ou à un bon livre de vulgarisation sur les bateaux (exemple: "les bateaux" 1969 R. Laffont).

5 - Ballons libres et ballons dirigeables: descriptions

Les ballons libres

Les ballons libres, non motorisés, sont apparus en premier (1783), en raison de leur simplicité (absence de moteur). L'art du pilotage consiste à jouer avec ballast et soupape à gaz pour choisir l'altitude (ballons à air chaud: conduite du brûleur) ; la difficulté consiste à éviter le gaspillage...

Dans la mesure des capacités en lest, en carburant ou en gaz de sustentation, le pilote peut choisir l'altitude pour choisir le vent, s'il dispose de prévisions météorologiques correctes. La navigation reste néanmoins aléatoire.

Les difficultés techniques de réalisation imposent la forme sphérique, qui garantit une surface de paroi minimale pour un volume donné.

Cette forme permet:
- la fuite de gaz minimale (pour les ballons à gaz) ;
- la fuite thermique minimale (pour les ballons à air chaud ou à vapeur d'eau) ;
- le coût de matière minimal ;
- la masse de paroi minimale.

Les ballons dirigeables

Ils sont apparus en raison du caractère aléatoire de la navigation des ballons libres: "Ces [ballons libres] ne seront d'aucun secours tant que l'on ne saura les manoeuvrer". S. Johnson, 1784.

Les dirigeables possèdent tous les éléments du ballon libre ; des moteurs permettent, en plus, de suivre une route préalablement choisie.


Les types de dirigeables

Type souple: valable pour les petits dirigeables (difficulté de reprendre les efforts, dimensionnement des parois, etc.) et facilité relative de construction.

Type semi-rigide: solution intermédiaire pour dirigeables de taille moyenne.

Type rigide: les plus légers capables de transporter des charges importantes, les plus performants, les plus compliqués à fabriquer.

6 - Quelques détails techniques

Gaz de remplissage

Vide

- En principe le plus léger des "corps" (0 kg/m3) ;
- Masse prohibitive de l'enveloppe capable de le contenir (tenue de la pression atmosphérique extérieure). Une difficulté supplémentaire est le sens de l'application de cette pression (de l'extérieur vers l'intérieur), qui rend délicate la tenue au flambage de la paroi ; cette solution techniquement irréaliste a été envisagée par les anciens de la Renaissance (exercice: par qui ?).

Hélium

- Gaz rare (He) en quantité très faible sur Terre ;
- Donc très cher ;
- Léger (0,18 kg/m3 en conditions normales) ;
- Ininflammable, neutre à tous points de vue ;
- C'est le gaz actuellement le plus employé pour les ballons dirigeables ;
- Comme la molécule d'hélium est monoatomique et de très petite taille, le gaz se diffuse facilement à travers les parois (à l'échelle moléculaire, une paroi, c'est un grillage), ce qui est fort dispendieux ; les personnes qui envisagent de boucher le grillage avec un enduit spécial révolutionnaire peuvent "monter" un dossier de subvention publique: ils ont toutes leurs chances.


Hydrogène

- Elément très répandu sur Terre (2 millions de fois plus fréquent que l'hélium) ;
- Bon marché ;
- Molécule (H2) la plus légère (0,09 kg/m3) ;
- Le mélange avec l'air est inflammable dans de fortes proportions (la déflagration se propage à 10 m/s) engendrant un éparpillement par petits bouts, façon Puzzle. C'était le gaz classique de remplissage des ballons dirigeables de l'âge d'or.


L'hydrogène mélangé à l'air est fortement inflammable...


Le point faible de l'hydrogène lors de la seconde guerre mondiale


Gaz de ville

- Mélange essentiellement de méthane (CH4) et d'hydrogène ;
- Bon marché ;
- Assez lourd (environ 0,5 kg/m3) ;
- Inflammable dans l'air ;
- Gaz utilisé par les aéronautes du début, en raison de sa facilité d'approvisionnement ("gaz à tous les étages") .


Vapeur d'eau

- Molécule (H2O) très répandue sur Terre ;
- Bon marché ;
- Assez lourde (environ 0,56 kg/m3 à 100 °C et pression normale) ;
- Nécessite une dépense élevée d'énergie (énorme chaleur latente de vaporisation: plus de 2 MJ/kg) ;
- Nécessite une réserve de bord (masse élevée) ;
- Contraintes structurale et de sécurité importantes: la paroi du ballon est à 100 °C.


Air chaud

- Mélange d'oxygène (02, 20%) et d'azote (N2, 80%) et de quelques autres gaz rares en quantité négligeable ;
- Très bon marché ;
- Lourd (aux températures utilisées, environ 0,9 kg/m3) ;
- Nécessite une dépense d'énergie pour l'entretien de la température ;
- Ne nécessite pas de réserve, disponibilité permanente ;
- La paroi subit moins de contraintes que pour la vapeur d'eau: il y a une couche limite thermique ;


Ammoniac

- Molécule (NH3) répandue, assez lourde (environ 0,7 kg/m3), d'odeur désagréable, bon marché, mais dont la toxicité en a fait abandonner l'usage.

Parois et structures

Suivant la rigidité du ballon, la paroi contenant le gaz aura ou non le rôle de transmission mécanique des efforts pour soulever la charge utile, les moteurs, le carburant, etc.

Pour les ballons souples et semi-rigides (qu'on devrait en fait appeler semisouples), la paroi fait l'étanchéité et transmet les efforts. Elle sert de structure. La forme du ballon est déterminée par la pression qui règne à l'intérieur. Plus le ballon est gros, plus il faut élever la pression pour tenir la forme, et comme le dimensionnement d'une paroi gonflée est directement fonction du rayon de courbure, un gros ballon souple devient rapidement trop lourd. C'est ce qui a justifié la création des ballons rigides, à partir d'une certaine taille.


Dans le type "ballon rigide", on dissocie en effet la fonction mécanique de la fonction "étanchéité au gaz". Cela permet de réaliser une structure mécanique avec les matériaux adaptés les plus légers (aluminium pour les Zeppelins, bois) avec une épaisseur convenable (moment d'inertie élevé pour obtenir la légèreté).

La fonction "paroi d'étanchéité au gaz" ne servant plus à "tenir" le ballon, elle peut se réaliser avec un matériau très léger qui se contente de transmettre l'effort statique du gaz de remplissage, localement, à la paroi rigide.

On a utilisé pour cela dans les zeppelins du coton couché de baudruche. La baudruche est la paroi de l'intestin de vache, dont la structure lipidique la rend assez étanche aux gaz de petite taille moléculaire. Des masses de paroi de 90 g/m2 ont ainsi été atteintes.



Remarque

Un LZ129 utilisait 16 ballonnets de 50 000 baudruches chacun, cela fait dans les 800 000 vaches à trouver, par appareil, et à renouveler tous les 18 mois, en moyenne ! Il a existé aussi des ballons à paroi d'aluminium (masse d'une tôle d'1 mm d'épaisseur: 2,7 kg/m2 !).

Les ballons, objets aériens pour lesquels la masse est un critère majeur, ont utilisé tous les matériaux classiques de la construction aéronautique: bois, bambou, osier, duralumin, etc.

7 - Historique des ballons et dirigeables

3ème siècle avant Jesus-Christ

Archimède et son théorème fondamental de la statique des fluides. Son théorème est tellement simple de formulation qu'il est inclus dans le premier cours de Physique, enseigné en classe de seconde, avec les unités de mesures.

Le théorème s'intitule ainsi: "Tout corps immergé dans un fluide subit une force verticale ascendante et de norme égale au poids du volume de fluide déplacé". On nomme cette force "portance hydro ou aérostatique".

La formule s'écrit: F = ρ.g.V avec:
F: valeur de la portance (dirigée vers le haut) [N].
Point d'application: centre de gravité G de l'air déplacé
ρ: masse volumique de l'air déplacé par le ballon [kg/m3]
V: volume d'air déplacé par le ballon (en vert) [m3]
g: accélération due à la gravité (dirigée vers le bas) [m/s2]

17ème siècle

Pascal

Première réflexion correcte sur la pression, unité de mesure de celle-ci.

Barométrie (Florin Périer)

Même remarque générale que ci-dessus.

1673

C. Huygens propose un moteur à poudre. On commence à avoir l'intuition que les moteurs "à feu" permettent d'embarquer une source d'énergie remarquable par sa densité (J/kg), paramètre essentiel pour des véhicules autonomes.

1783-1785

Années charnières pour le vol humain. Presque simultanément, les deux techniques principales (air chaud et gaz) sont expérimentées, ainsi que l'essentiel des points de détail.

Montgolfier

Premier ballon à air chaud.

Charles

Premier ballon à gaz (hydrogène). Invention des éléments suivants: soupape, nacelle, lest, enduit d'imperméabilisation, usage du baromètre pour la mesure de l'altitude.
Note: l'usage mixte du gaz hydrogène (!) et de l'air chaud a sans doute été la cause du premier accident d'aéronef.

Meusnier

Il pose deux problèmes fondamentaux des ballons:

19ème siècle

À partir des bases posées précédemment, il y a foisonnement des idées concernant les structures, les motorisations, dans le domaine théorique comme dans le domaine pratique. Les premières et les records s'accumulent.

1824, Carnot

"Réflexions sur la puissance motrice du feu et sur les machines propres à la développer". Base théorique incontournable des moteurs thermiques.

1852, Giffard

Premier vol propulsé (27 km), dirigeable à hydrogène de 2500 m3, moteur à vapeur de 3 CV, vitesse de croisière 9 km/h.

1860, Lenoir

En 1860 apparaît le moteur Lenoir, moteur à combustion interne (hélas sans compression préalable, qui aurait permis un meilleur rendement).

1863, Jules Verne

En 1863 paraît "5 semaines en ballon" et plus tard, "Robur le conquérant" de Jules Verne. Cet auteur a parfaitement compris l'intérêt dominant des ballons (pour ne pas dire l'unique intérêt), i.e. son aspect fantasmatique. Jules Verne fait partie intégrante de l'histoire moderne des sciences et des techniques, ballons inclus.

1870, Gambetta

En 1870, l'épisode des Prussiens à Paris et la fuite de Gambetta en ballon ont rajouté une couche d'exploit lié aux ballons.

1883, Tissandier

En 1883, Tissandier fait voler un dirigeable à moteur électrique.

1884, Renard & Krebs

En 1884, Renard & Krebs réalisent le premier vol en circuit fermé avec le dirigeable "la France" à moteur électrique. Il a fallu un siècle pour pouvoir remonter le vent. On devine que l'énormité de la traînée des ballons doit y être pour quelque chose !

Théorie sur les moteurs

En 1860 et 1880, Beau de Rochas (F) et Otto (T) établissent les bonnes bases des moteurs à combustion interne avec compression préalable. Ci-dessous, copie du mémoire de Beau de Rochas.



En 1897, Rudolf Diesel (F/T) rédige son ouvrage: "Théorie et projet d'un moteur thermique rationnel". Ce titre est révélateur d'une méthode de travail rare (même de nos jours), l'étude d'un objet avant sa réalisation.

1900: premier vol du premier Zeppelin

Premier vol d'un dirigeable rigide: Zeppelin LZ1. Avec l'apparition des dirigeables rigides zeppelins, plusieurs problèmes sont correctement posés puis résolus:
- la tenue mécanique de l'enveloppe, dissociée de la tenue du gaz (voir plus haut);
- l'adaptation d'une propulsion convenable pour des engins aériens: on ne bricole plus avec ce qu'on a sur l'étagère, mais on conçoit des propulseurs pour la mission.

On rappelle que Zeppelin avait pour prénom Ferdinand et non Led, de même que le prénom d'Einstein était Albert et non Frank.



Ludwig Dürr: l'ingénieur - Karl Maybach: le motoriste

1900-1914: Bouillonnement des idées

De nombreux expérimentateurs cassent du bois... Heureusement, la photographie existait aussi !


Le "Santos Dumont n°2" et le "Roma"


Le LZ5 contre un pommier, en 1909

Note: le pommier en question est le plus rentable de l'Histoire, il a donné lieu à la fabrication de souvenirs en quantité dépassant largement le volume de bois initial. Un vrai miracle. De plus, l'aéronef a décollé après une réparation en apparence sommaire.

1901 Santos Dumont

Le 19 octobre 1901, un léger vent d'ouest (10 noeuds) souffle sur Paris. A 14h30, Alberto Santos-Dumont à bord de son dirigeable N°6 ordonne le "Lâchez tout ". Le dirigeable s'élève en direction de la Tour Eiffel, neuf minutes après son départ il passe et contourne la Tour, mais le moteur a des ratés et ralentit, Alberto sans harnais de sécurité quitte sa nacelle, progresse sur la quille et atteint le moteur. Le moteur redémarre, plus une minute à perdre, cap sur Saint-Cloud, 29 minutes et 30 secondes plus tard il passe la ligne d'arrivée, 1 minute plus tard il se pose et remporte la coupe Deutsch de la Meurthe.

Santos Dumont fut prolifique et ne se laissa pas décourager par ses échecs.

1914-1918: évolution darwinienne des zeppelins


Evolution des zeppelins au cours de la première guerre mondiale

Pendant la première guerre mondiale, l'amélioration des zeppelins porte simultanément sur la motorisation, l'aérodynamique et la masse. Le meilleur dirigeable ayant existé, en terme d'opérabilité, est le LZ114 (rebaptisé "Dixmude"), dont on remarque l'exceptionnelle capacité d'emport, de plafond, de vitesse.



Le poste d'observateur en nacelle était très apprécié des équipages
car c'était le seul enfroit où l'on pouvait fumer une cigarette

L.-72 ; LZ114 "DIXMUDE"

- Dimensions: longueur, 226,50 m ; largeur, 24 m ; hauteur, 28 m.
- Propulsion: 6 moteurs Maybach de 260 ch chacun.
- Ballonnets: 16, formant un volume total de 68 500 m3 d'hydrogène.

- Enveloppe: en toile de coton vernie, tendue sur une carcasse en poutrelles de duralumin.
- Nacelles: a l'avant, nacelle de pilotage avec un moteur accouplé à une hélice à sa partie arrière. Le long de la carène sont disposés dans des nacelles latérales deux moteurs à bâbord et deux à tribord. A l'arrière et dans l'axe, une nacelle portant le sixième moteur.
- Communications: radiotélégraphie de portée de 500 milles.
- Navigation: sextant gyroscopique Fleuriais ; navigraphe Le Prieur ; compas liquide.
- Equipage: état-major, 5 ; arrimeurs, 10 ; mécaniciens et radios, 24 ; soit 39 au total.
- Passagers: 6 places disponibles.
- Performances: masse à vide de 30 t ; masse maximale de 80 t ; masse normale de 56 t permettant d'emporter 10 t d'eau et 16 t d'essence ; rayon d'action avec 24 t d'essence et les 6 moteurs à 1 000 tr/min de 10 000 km à 77 km/h ; autonomie de 144 h à vitesse de croisière sur 4 moteurs et 36 t d'essence ; altitude maximale de 6 000 m ; taux de montée moyen de 7 m/s.
- Mise en oeuvre au sol: 250 hommes (moins dans des circonstances météo favorables).
- Ravitaillement: en 48 h au hangar.

En vol, les occupants se trouvent dans les nacelles ou dans les postes de repos aménagés à l'intérieur du ballon de part et d'autre de la coursive centrale, elle-même reposant sur la quille axiale qui court de l'avant à l'arrière. L'accès aux nacelles se fait par une échelle, en plein air, ce qui n'est pas sans danger.

Importance de la motorisation (parenthèse)

Bien qu'un ballon n'ait pas besoin d'une puissance minimale pour le vol (elle est nulle), plusieurs éléments militent pour l'amélioration des moteurs:
- un moteur léger et consommant peu, c'est autant de charge marchande en plus ;
- un dirigeable à but fixé doit pouvoir remonter le vent. Il faut donc diminuer les traînées pour une puissance donnée, donc limiter la masse du groupe motopropulseur et de son carburant ; ou inversement, il faut pouvoir augmenter la puissance pour augmenter la vitesse, sans augmenter la masse qui se retrouverait hélas immédiatement en volume de ballon, donc en surface mouillée, donc en traînée ;


Une particularité des ballons est la faible vitesse de croisière obtenue, au regard de la puissance installée (toujours liée à l'énormité des surfaces mouillées). L'obtention d'un rendement de propulsion acceptable est donc difficile à obtenir:



ηp: rendement maximum théorique de propulsion
Ve: vitesse d'éjection des gaz derrière l'hélice [m/s]
V: vitesse du véhicule [m/s]


Noter l'exceptionnel diamètre de l'hélice (de l'ordre de 6 m), par comparaison avec la taille du personnage qui est certainement debout de part et d'autre de l'arbre moteur (LZ 6).

Exercice: Evaluer le régime de rotation de cette hélice en supputant la vitesse d'obturation que l'on suppose être de l'ordre du trentième de seconde (1/30eme)...


Le LZ 127 "Graf": même remarque que précédemment sur le diamètre de l'hélice. Noter également l'écope d'admission d'air du moteur sur la partie supérieure de la nacelle bien dégagée de la couche limite de cette nacelle et qui profite de la pression dynamique.

Noter à quel point les nacelles motrices sont éloignées du ballon afin de ne pas travailler dans l'épaisse couche limite de celui-ci et donc de profiter de la plus grande pression dynamique possible. Cet éloignement permet aussi de bien séparer une source de feu de la paroi du ballon et de l'hydrogène.

On aperçoit aussi un mécano sur l'échelle permettant d'accéder en vol à la nacelle motrice. Pas de rambardes = sélection naturelle des bons mécanos acrobates !

Age d'or (1918-1940) et période moderne

Comparaison de quelques véhicules pour un trajet donné (l'Atlantique nord, par exemple):
- Un Boeing 747 est capable de transporter 600 passagers bien tassés à 1000 km/h en dépensant 90 t de pétrole.
- Le LZ 129 était capable de transporter une cinquantaine de passagers dans le luxe (et 70 hommes d'équipage dans un luxe moindre) à une vitesse pouvant atteindre 100 km/h en dépensant 70 t de pétrole. Sa productivité spécifique n'était donc que d'un pour cent de celle du Boeing 747.

On comprend pourquoi ces ballons ont disparu et que les oiseaux sont tous de type "aérodyne" !

8 - Inconvénients techniques et coûts

Inconvénients techniques

Ce titre et le suivant (10. Coûts) laisse entendre que les seuls avantages des ballons sont fantasmatiques, et que les inconvénients techniques sont rédhibitoires. Si ce n'était pas le cas, il y aurait davantage de ballons en vol, car le fantasme, ça finit par coûter cher dans un monde réel confronté à des problèmes "bêtes" (ne pas mourir de faim ou de froid, etc.).

Tous les inconvénients techniques proviennent de la limitation absolue de portance, en raison de la masse volumique de l'air, qui est très faible (voir application numérique plus haut).

Avant d'examiner les ballons quant aux critères techniques, on rappelle la loi de similitude sur un cube (cf. certificat d'études primaires):


L'inconvénient technique absolu de faible portance engendre deux corollaires:
- inconvénient économique: énormités des surfaces, des volumes, des traînées, des coûts ;
- inconvénient de sécurité: cette énormité des surfaces rend tous les ballons très sensibles à l'atmosphère.

On rappelle à ce sujet que l'atmosphère réelle est composée d'oxygène et d'azote mais aussi de:
- vents, rafales, tourbillons ;
- pluie, neige, glace, grêle, nuages ;
- poussière, cendres volcaniques, cailloux, météorites ;
- radiations solaires et cosmiques ;
- autres aéronefs, oiseaux...

Une parfaite connaissance de l'atmosphère est le préalable à tout vol en ballon.


"Los Angeles" après le passage d'une rafale
(hauteur totale enviton 250 m)


Usure mécanique, gaz perdu au dégonflage (Hornes, 1903)

Noter le filet entourant l'enveloppe. Il permet de diminuer les contraintes par diminution locale du rayon de courbure de l'enveloppe. Il sert également à transmettre la portance à la nacelle.


Akron ou Macon dans l'Ohio. Hangar Goodyear.

Taille léviathanesque des hangars (pour les modèles ne se dégonflant pas). On ne doit pas omettre, comme contraintes, toutes celles liées à la motorisation et au stockage d'énergie (masse et coût des moteurs, du carburant, etc.), qui sont critiques pour tout engin aérien.

Coûts de fabrication et d'amortissement élevés

L'énormité de la taille entraîne l'énormité des usines, des hangars, du nombre de personnes pour assembler les ballonnets.


Fabrication des ballonnets, BBC Hulton Picture Library

Les coûts d'exploitation sont dus aux éléments suivants:
- vitesse faible, parfois négative compte tenu du vent (-30 à +150 km/h) ; d'où difficulté de respecter des horaires ;
- pour les ballons libres, le personnel au sol peut avoir des difficultés à suivre le ballon libre.
- faible durée de vie des immenses parois: agressions mécaniques, agents atmosphériques, ultraviolets (quelques mois à plusieurs dizaines de mois) ;
- pour les dirigeables: consommation d'énergie énorme (traînée aérodynamique par siège 100 à 10000 fois supérieure à celle d'un avion), assez élevée pour les ballons à air chaud ;
- fuite de gaz inévitable pour les ballons à gaz (molécules parfois coûteuses très petites, diffusant facilement) ;
- nécessité de beaucoup de personnel et de matériel au sol, à chaque étape (cf. photo ci-dessous).


Manoeuvre d'amarrage du Zeppelin LZ129 "Hindenburg" à Lakehurst

9 - Avantages fantasmatiques

Les inconvénients techniques des ballons, énumérés dans la partie précédente, sont tels que l'on peut se demander pourquoi ces engins ont existé, et pourquoi énormément d'argent a été dépensé pour les construire et pour les utiliser.

La raison principale de ce fait est aussi liée à la taille des ballons. Le nombre élevé d'accidents, l'aspect spectaculaire, film du LZ129 brûlant à Lakehurst, tout cela remplit les librairies et les cerveaux, et les fantasmes s'entretiennent automatiquement (chaque génération d'ingénieurs a droit à son projet fantasmatique de dirigeable...).



La seule manière de financer un programme de dirigeable étant le fantasme, voyons quels ont été les fantasmes des différentes nations.

Le Fantasme allemand (réalisé)

Traverser l'atlantique en deux jours (LZ 129 Hindenburg).


Aller en Amérique du sud le plus vite possible (avant guerre) dans un confort digne de l'orient express.


Le fantasme de la marine américaine (réalisé)

Le dirigeable porte avion (USS AKRON - 1931).


La longueur du crochet d'amarrage est nécessaire pour dégager l'avion de la couche limite du ballon. L'avion en effet arrive en vol !

Le fantasme italo-norvégien (réalisé)

Le dirigeable au pôle nord (Le Norge du colonel Italien Umberto Nobile).


Le second dirigeable de Nobile "Italia" s'est abîmé sur la route du pôle en 1928, probablement par décrochage dynamique, lié à la surcharge en glace accumulée sur la paroi. Le sauvetage tragique des occupants de ce dirigeable occupe encore les esprits: mort d'Amundsen et de Guilbaud dans le Latham 47/02, liaison radio avec un amateur russe, brise-glaces Krassin etc.

Le fantasme anglais

Toujours teinté de "comfort", c'est indiscutable: aller aux Indes le plus rapidement possible...


Le R101

Hélas, hélas, hélas, le "comfort" n'empêche pas les catastrophes: le R101 qui sur la route Angleterre-Inde s'est écrasé sur la première colline sérieuse, à Beauvais (Oise), pendant la traversée inaugurale en est un exemple de plus, si le Titanic n'a pas suffit.


Noter la structure de l'appareil et ce qui reste de l'entoilage (actuellement au musée de Cardington).

L'accident du Hindenburg

C'est surtout l'accident du Hindenburg qui a alimenté tous les fantasmes de grandeur et de chute, en raison de la présence de caméras.



LZ 129 "Hindenburg" en train de brûler en 1937 à Lakehurst. Le feu se propage a une vitesse d'environ 10m/s, il ne s'agit pas d'une explosion. Echelle: longueur de l'appareil 250 m.


Le même "Hindenburg" en train de brûler en couleurs (ça rajoute au spectaculaire fantasmatique).

Le fantasme est encore tellement présent que la ville de Lakehurst est probablement plus connue pour son accident de dirigeable que pour tout autre chose.


Le "Shenandoah" a lui aussi contribué au fantasme en faisant la fortune des tailleurs du coin (à vendre: imperméables en toile de dirigeable).



Note: le chargement des ballonnets à l'hélium n'a pas empêché les dirigeables américains de tomber eux aussi, par rupture sous rafales, talonnage dans l'eau, etc. Il est remarquable de noter que l'accident de l'un des dirigeables porte-avion a fait plus de deux fois plus de morts que celui du "Hindenburg" pourtant gonflé à l'hydrogène.

10 - Intérêt des ballons et dirigeables

Mais alors, direz-vous, à quoi ça sert, un ballon ? Simple, il faut utiliser les inconvénients comme avantages, là où les critères rationnels ne fonctionnent plus !

La propagande et la publicité


Le dirigeable est gros, énorme, coûte très cher, est rare, ne peut sortir que par beau temps calme, et alimente toutes les discussions...

Le pouvoir extraordinaire que possède le ballon, pour fasciner les esprits a parfaitement été compris de tous les organismes de propagande: "Goebbels affirmait que les Zeppelins gardaient encore un rôle très important. Non pas, certes, dans le domaine militaire, il était forcé d'en convenir, mais dans celui de la propagande. Ne voyait-on pas l'effet produit sur l'étranger par les exploits sensationnels de ces appareils? A l'occasion des plébiscites et des référendums faisant le fond de la politique hitlérienne, n'y aurait-il pas moyen d'employer rentablement ces aérostats impressionnants? Et le grand chef du Propaganda Staffel d'évoquer les grandes machines survolant le Reich, lançant jour et nuit des proclamations enflammées en faveur du régime, faisant pleuvoir les tracts et les émissions mégaphoniques sur les populations extasiées...." (Extrait de "l'étrange histoire des zeppelins" Maurice Role France Empire 1972).


A gauche: Zeppelin LZ129 survolant la porte de Brandebourg (Berlin) en 1936
A droite: Reichstag survolé par le "Graf"


Notez les anneaux olympiques sur les flancs du Hindenburg

Propagande: leur grande taille absolument fascinante les rend visibles de loin. Les dirigeables étant lents et volant bas, le message est, de plus, bien visible et longtemps. De nuit, on peut en faire des lanternes chinoises géantes.

Pour les même raisons, les dirigeables sont utilisés dans notre époque moderne comme support de publicité.


Petits (40 m) dirigeables publicitaires

Les promenades

Si les publicitaires peuvent se payer des objets de fascination pour la masse, il existe également une "niche" de personnes capables de payer le prix d'un billet transatlantique pour faire une promenade sur un lac.

Le sentiment de faire partie d'une élite rare, de survoler la masse avec puissance, lenteur et majesté vaut bien quelques sacrifices. Les limitations d'emploi (basse altitude de vol, lenteur, ne volant que par beau temps calme) sont autant d'arguments favorables pour ces belles ballades aériennes.


Pour les aéronautes ayant compte en banque fourni, soucieux d'aventure et de vol silencieux, une autre forme de promenade réside dans l'art de ne pas trop savoir dans quel lieu atterrir, à l'aide d'un ballon libre (variante moins coûteuse: ballons captifs, sans ballast et sans impedimenta).

Si l'on est vraiment riche et que l'on dispose de temps, on peut faire le tour du Monde comme cela...


Concours international de ballons de Stanton Harcourt Keystone in Cessac & Tréherne, Physique 2èC, 1966

Usage météorologique

À condition d'éliminer tout ce qui ne sert pas (pas de moteur, pas de carburant, pas de pilote, pas de nacelle), de gonfler avec un gaz bon marché, de revenir à un ballon rustique à coût minimal, il existe un usage intéressant du ballon, celui du sondage atmosphérique, déjà cité. En utilisant des parois très élastiques qui se distendent avec l'altitude, on a pu atteindre 40 km.


Noter sur la photographie de droite: l'absence d'équipement superflu, le parachute de récupération, la beauté des nuages (le photographe a sans doute utilisé un filtre orangé pour assombrir le ciel).

11 - Les rêves...

Rêves passés

Les quelques vues ci-dessous donnent une idée bien partielle de l'ambiance à bord du Zeppelin LZ 127 "Graf", seul ballon dirigeable ayant été exploité sans accident.


Coupe horizontale de la gondole du LZ127 "Graf".
"L'avion, c'est du transport, le dirigeable, c'est du voyage"

Image de gauche

Salle de commandement du "Graf". Notez la présence des deux barreurs: profondeur à gauche, direction en centre Voyez également les commandes des salles des machines, l'altimètre, le téléphone de liaison.

Image de droite

Salle de navigation du "Graf". Si tous les aéronefs avaient de telles salles de navigation...


Les voyages à bord du Graf Zeppelin devaient plus se rapprocher des romans de Jules Vernes (Robur le conquérant, Vingt mille lieux sous les mers) que du transport actuel dans des compagnies charter. Dans un décors années vingt, on pouvait prendre son thé en contemplant à travers les baies vitrées le coucher de soleil sur l'océan, le tout en écoutant une mélodie de Mozart sur un disque 78 tours.


Salle à manger du "Graf"

Au matin, collation servie par un maître d'hôtel en livrée dans un service en porcelaine ultra légère siglée Zeppelin puis petite promenade digestive le long des coursives inférieures (près d'un demi kilomètre aller -retour). Pour les plus sportifs, il était possible d'accéder aux plates-formes supérieures situées au sommet de l'enveloppe du dirigeable, et de là, "chevaucher" cet énorme cétacé dans l'infini bleuté de l'azur.


Chambre du "Graf"

Rêves du futur

Tout projet de ballon devra bien avoir intégré les inconvénients inhérents au principe physique utilisé, se placer dans les "niches" mercatiques qui peuvent en absorber les coûts élyséens et, du point de vue technique, faire mieux que le LZ114 "DIXMUDE".


- année 1918, fabriqué en 6 semaines ; méthode de fabrication classique, éprouvée, sans surprises ; matériaux connus (aluminium) ;
- masse à vide de 24 700 kg ; masse maximale au décollage de 79 760 kg ;
- vitesse maximale de 131 km/h ;
- puissance installée de 6 x 179 kW ;
- distance franchissable de 12 000 km ;
- plafond atteint de 6 200 m.

Méthode

En avoir et l'appliquer (Descartes) ; modélisation de système ; utiliser des critères de qualité ; ne pas confondre innovation et amélioration.

Moteurs

- mieux que Jumo, Nomad, Sultzer ;
- masse spécifique < 0,5 kg/kW ;
- consommation spécifique < 0,18 kg/kW.h ;
- technique de fabrication classique, éprouvée ;
- durée de vie se comptant en milliers d'heures ;
- coût faible ;
- entretien non folklorique.


Rêvons mais restons lucides quant au FUTUR...


Monument à la mémoire du "Dixmude"
dans le Var (France)


Le R101

Dans le fracas de la pluie, on entend légèrement l'écho de la musique de bal ! Le dirigeable Anglais R101 en route vers son funeste destin sur les collines de Beauvais...
Page générée en 8.185 seconde(s) - site hébergé chez Contabo
Ce site fait l'objet d'une déclaration à la CNIL sous le numéro de dossier 1037632
A propos - Informations légales | Partenaire: HD-Numérique
Version anglaise | Version allemande | Version espagnole | Version portugaise