La couche détachée de Titan est particulière et diffère de celles trouvées sur les autres corps car elle semble être quasi-permanente et globale. Il s'agit d'une "coquille" de brume continue à toutes les longitudes couvrant la couche principale du pôle sud à la région polaire nord, où elle fusionne avec la couche polaire d'hiver (Figure 1). Elle a été observée par l'instrument ISS des sondes Voyager en 1980 et 1981 puis de nouveau par ISS sur Cassini en 2004. Entre ces deux dates, la couche est montée d'une altitude de 350 km à 515 km ce qui paraîssait, au départ, mystérieux. Les modèles de climat montrent que cette couche est modelée par les vents et constitue un révélateur de la circulation atmosphérique. C'est aussi l'endroit où convergent et se mélangent les produits de la chimie (molécules organiques et prébiotiques, précurseurs d'aérosols) formés à très haute altitude et les aérosols déjà anciens de la couche principale. Cette théorie a cependant été contestée et mise en concurrence avec d'autres scénarii basés sur le rôle des processus microphysique uniquement.

Figure 1: Photos de Titan recomposées en couleur à partir des observations de l'imageur ISS à bord de Cassini. A gauche: Vue globale de la couche détachée, fin liseré bleuté recouvrant entièrement la couche principale de Titan. A droite: Détail de la couche où l'on voit les stries probablement produites par de l'activité ondulatoire au dessus de la couche détachée. Crédit: NASA/JPL-Caltech/SSI/B. Seignovert
La réapparition, attendue au solstice, a eu lieu en réalité au début de 2016. Par une coincidence incroyable, Robert West était au GSMA pendant cette nouvelle phase du cycle saisonnier, invité pendant 4 mois grâce au programme "Expertise de chercheur invité" de la région Champagne-Ardenne. Nous avons donc pu analyser cette structure en train d'apparaître, en profitant d'un accès direct aux données et de son expertise sur ce type d'analyse. Une structure cohérente a pris forme à l'échelle de la planète et gagne en intensité au cours du temps. La surprise vient du fait que cette première couche tombe ensuite d'une centaine de kilomètres en une année et disparait, laissant place à une autre couche qui réapparait plus haut et semble plus stable (Figure 2). Mais, la fin de la mission Cassini, en septembre 2017, est venue interrompre ce suivi et nous ne saurons donc pas ce qu'il se passe ensuite. Seuls les modèles de climat pourront compléter l'histoire, avec l'aide de futures observations d'occultations stellaires, sensibles à la signature thermique de cette couche, et en attendant une nouvelle mission.

Figure 2: Carte de l'extinction de la brume à l'équateur en fonction du temps (niveau de couleur) et altitude de la couche détachée établie à partir des profils I/F de Cassini (disques rouges, losanges cyans, carrés jaunes), de Voyager (triangle bleu) et d'occultation stellaire (étoiles violette et verte). La taille des cercles rouges est proportionnelle à l'épaisseur verticale de la couche de brume détachée. Les lignes pointillées verticales indiquent les emplacements des images que nous avons utilisées pour établir la carte des contours.

Figure 0: Petite collection de couches détachées observées dans le système solaire. De haut en bas et de gauche à droite, sur terre, Mars, Vénus, Jupiter, Saturne et Pluton.