aux recherches interminables, dirigées par des statisticiens
Je suis moi-même statisticien. J’ai participé à des études avec des médecins, et je puis assurer que ce n’est jamais le statisticien qui dirige ! Pas plus d’ailleurs dans d’autres domaines, comme l’agronomie dans laquelle j’ai aussi sévi., etc, etc. Le rôle du statisticien est précisément d’empêcher le spécialiste de se lancer dans des conclusions un peu hâtives (même chez les scientifiques la tendance est grande de passer de la corrélation à la causalité quand ça va dans le sens de vos convictions…).
Que le tabagisme soit la cause de cancers n’est pas absolument démontré par la simple corrélation, nous ressassait un de mes profs : ce sont les expériences de laboratoire fournissant une explication avec l’identification des produits cancérigènes qui renforce les présomptions. Car on pourrait tout autant imaginer que par exemple l’on fume pour calmer une certaine anxiété qui pourrait avoir des effets somatiques, ou je ne sais quoi encore de plus farfelu a priori.
Il faut toujours aborder les enquêtes avec des pincettes.
Je me souviens d’avoir eu à dépouiller une enquête pratiquée auprès d’agriculteurs qui devaient mesurer le pourcentage de noir dans la pomme de terre (dont l’évolution vers la hausse inquiétait les organismes spécialisés…). La corrélation la plus importante était constatée entre le fort pourcentage de tubercules atteints et l’équipement en machine pour trier par calibre. Il aurait pu sembler évident que le traumatisme du passage dans cet instrument était une cause importante de l’apparition du noir dans la pomme de terre. Sauf que le taux de noir était mesuré après les opérations précédant la mise en cageots, mais aussi juste après l’arrachage. Et c’est ce taux avant toute manip qui était le plus significatif ! Il va de soi que je n’avais pas découvert la machine à remonter le temps ! Mon explication la plus vraisemblable était que l’utilisation d’une telle machine était corrélée à une certaine industrialisation de la méthode de culture et du traitement après récolte. Ce qui a été confirmé par une analyse de données qui permettait de segmenter les producteurs en deux grosses catégories : les fermes à l’ancienne et celles engagées dans une évolution vers e méthodes plus modernes (je précise que ça se passait dans les années 70…). Autant dire que cette enquête n’a pas beaucoup fait avancer le schmilblick. Mais le rappel de se souvenir m’a parfois permis de tempérer l’ardeur interprétative de certains spécialistes…
Alors ne jetez pas la pierre sur les statisticiens. Les bons (et il en existe quand même quelques-uns) ne sont pas les terroristes du chiffre comme on se complaît de les représenter, ce qui arrange bien certains.
Quant aux théories du professeur, même si a priori sa lutte contre le système me rend ce personnage plutôt sympathique, je n’ai aucun moyen de trancher en leur faveur ou non…
Je me retire donc lâchement du débat !