Le festival de Woodstock, j’aurais ben voulu y aller. Mais faute de fric, j’pouvions point.
Alors mon festival de 1969, c’est celui d’
Amougies.
https://www.youtube.com/watch?v=dfGr23WeE5I
Je me souviens du car qui m’avait conduit au pied du Mont de l’Enclus, où les seuls cinq ou six tickets achetés par des mécènes involontaires mais finalement bienveillants, petits coupons circulant en catimini de main en main lors du contrôle par le conducteur cheminant le long de l’allée centrale, m’avaient permis un voyage gratuit ainsi qu''à beaucoup d'autres passagers.
Je me souviens de l’arrivée en pleine nuit, avec la lueur estompée par la brume de la tente d’où s’échappait assourdie la musique lancinante des Pink Floyd (Pink Floyd que j’avais revu plus tard en 1973 au Palais des Sports dans un concert avec le ballet Roland Petit où je m’étais plutôt emmerdé, force m’est de l’avouer).
https://youtu.be/avK4PtjXWHw
Je me souviens du mouvement tournant pour éviter la caisse et l’entrée dans la tente en soulevant un pan de toile sur le côté.
Je me souviens de me les être caillées dans la nuit - j'étais venu les mains dans les poches - jusqu’à ce qu’une âme hospitalière me permettre de me blottir contre son sac de couchage et de profiter de la chaleur animale.
Je me souviens du déjeuner à cinquante centimètres de Frank Zappa accoudé lui aussi à l’étal du camion et mordant dans le même mauvais sandwich que le mien, l’air rêveur sous l'aube naissante.
Je me souviens des hauts parleurs demandant d’évacuer la tente, car des clandestins s’étaient incrustés sans payer (quelle honte !) et du groupe d’une centaine d’irréductibles refusant de sortir dont je faisais partie (non pas en tant que rebelle en peau de lapin, mais plutôt par curiosité), de l’hélicoptère de la police vrombissant au-dessus du toit, de la petite nénette BCBG faisant partie de l’organisation qui pleurnichait « Sortez, sortez, vous allez tout gâcher… », puis du retour des bien obéissants : que la fête continue !
Je me souviens de la rencontre de têtes connues du Quartier Latin, comme Mouna qui poursuivait son prêche dans les rues d’Amougies, mais aussi comme une gamine paumée que j’avais vu quelques jours auparavant traînant dans la rue Saint-Séverin prête à suivre n’importe qui n’importe où dans l’espoir d’un joint.
Je me souviens de la découverte de la richesse du Free Jazz.
Je me souviens de la vibration jouissive dans des bœufs non pas sur le toit mais sous la toile.
Je me souviens de la rencontre avec des musiciens de Martin Circus au retour vers Paris.
Je me souviens du métro le matin…