Hum, je me risque à un "
petit "

discours sur ce thème qui est apparemment en vogue ici et ailleurs sur le fil des blogs (et curieusement, particulièrement sur les blogs scientifiques...).
Je préviens d'abord que je ne prétends pas faire le tour de la question !
Magie, ésotérisme, occultisme, parapsychologie, ont affaire à l’étrange.
Comme tu le disais Sonic "tout ce qui n'a pas d'explication scientifique". Mais pourquoi donc ????
Je mets d’abord à part la
magie. Le mot « magie » est fréquemment accolé à la sphère de l’occultisme et de l’ésotérisme. Il doit en être distingué même si certains tours de magie évoquent la divination, la parapsychologie, la télékinésie, etc… Dans la magie, l’étrange est ressenti par le public, pas par le magicien. Ce dernier est un artisan qui met en œuvre des techniques très précises et concrètes qui créent l’illusion de l’étrange (manipulations, illusions d’optique, mécanismes, calculs et méthodes). Cela s’appelle un « effet ». C’est un résultat très précisément prédéfini par le magicien. Ces techniques sont reproductibles, et chacun (avec une bonne dose d’effort), peut les acquérir. Il y a des cours pour cela.
L’étrange renvoie à l’inexplicable. L’inexplicable est insupportable et menaçant ; il présente le risque de ne pouvoir être maîtrisé. Dans un mouvement défensif contre ce danger incernable, l’homme lui cherche spontanément une signification et ce mouvement l’induit à le percevoir comme une manifestation du sens caché des choses qui appelle une lecture, un décryptage, une interprétation. Ces derniers termes n’ont rien à voir avec une démarche scientifique ; ils procèdent de la pensée magique, de la superstition.
Les représentations archaïques de l’étrange sont généralement menaçantes :
1.
forces vues comme surnaturelles et toutes-puissantes, omnipotentes, omniscientes, porteuses des peurs et émotions humaines. Ces forces peuvent être élémentaires (feu, orage, tempêtes), géophysiques (montagne, volcan, mer, fleuves …).
2.
Phénomènes ou évènements inexplicables : catastrophes naturelles, drames humains ou sociaux (morts inexpliquées, épidémies, malchance). Ces catastrophes sont éprouvées non comme le résultat d’un hasard, mais en tant qu’expression d’un châtiment. Manifestations étranges inquiétantes (mirages, rêves, hallucinations, …). Phénomènes physiques inexpliqués (réactions physiques ou chimiques, …), …
On peut trouver d’autres catégories de représentation de l’étrange (animaux => chat, certains humains : étrangers dotés d’étranges pouvoirs => aujourd’hui les extra-terrestres, rousses => sorcières…), …
Quelles sont les réponses trouvées par l’homme à ces situations ?
1. (point 1 ci-dessus) Les personnifier en dieux, âmes des morts. En les humanisant, il est possible de les rendre accessibles afin de se les concilier (imprécation, prière). Les transférer dans une incarnation concrète (dieux vivants égyptiens), ou moins concrète (fantômes, apparitions, démons, fées…).
2. (point 2 ci-dessus) La catastrophe est un châtiment. Il s’agit alors de procéder à un sacrifice afin de racheter la faute (offrande - punition du coupable).
3. Maîtriser le phénomène en réduisant sa portée et en identifiant ses signes précurseurs. Ceci peut se concrétiser de différentes manières :
- a. lui trouver un équivalent concret : le soleil inca meurt chaque soir => seul le sacrifice d’un être humain peut garantir sa renaissance.
- b. réduire la portée négative du phénomène par un biais culturel : au Japon, dormir la tête au nord est déconseillé car c'est ainsi que l'on enterre les morts (du même coup, pour les vivants, l’idée de la mort se trouve ramenée à « dormir la tête au nord », ce qui n’est après tout pas si grave),
- c. transformer un porteur d’esprit mauvais en prestataire de service : dans certaines sociétés, les guérisseurs sont eux-mêmes d’anciens malades,
- d. transformer le phénomène en son essence, le traduire en sa représentation, ce qui permet de le résumer à l’une de ses composantes parfois infime :
- matérielle : amulette, relique, statue ou image, réduction qui présente tous les attributs et qualités de son origine déifiée, objet sacré,
- physique ou chimique : onguent, remède, source sacrée, substance magique,
- symbolique : lecture des signes, danse, geste, costume, masque, formule magique (le mot pour la chose, le mot devient la chose, le mot prend la force de la chose et on peut le lui opposer).
Avec le symbolique, on en arrive au langage. C’est une étape importante dans la compréhension du travail de construction de la représentation humaine de l’étrange et de la manière dont l’homme s’y prend pour composer avec. Les symboles ont la propriété de se prêter au renversement total du sens et particulièrement :
- du bien vers le mal : l'eau est le liquide de la vie, mais aussi de la mort (eau gelée, stagnante)
- et vice-versa du mal vers le bien : le soleil est symbole de vie, mais aussi de mort (il apparaît et disparaît).
Le renversement du sens des mots est un trait majeur des langages archaïques (si j’ai le temps je vous en donnerais des exemples) qui demeure encore très présent dans toutes les langues du monde. C’est aussi un mécanisme de réflexion tout à fait particulier qui fonctionne dans un sens exclusif au niveau conscient mais qui maintient ses deux facettes contradictoires au niveau inconscient. De ce fait, c’est un mode de pensée qui comporte un fond d’angoisse et qui s’exprime forcément de manière défensive (c’est d’ailleurs son rôle essentiel).
Toute la mécanique (la structure) de la croyance est construite sur ces fondations. C’est pour cela qu’il est impossible de réfuter une croyance ou de prétendre entamer une discussion critique raisonnée avec un interlocuteur porteur d’une conviction : il n’entendra que le « pour » et le « contre » au regard de son intime conviction. Il ne pourra jamais se situer dans le doute (dans le « gris »), ni se maintenir longtemps dans une position de curiosité ou de découverte. Il sera impossible de le déloger de sa position ni par étapes progressives, ni par une démonstration « définitive », à moins de « détruire » sa représentation du monde. Cette éventualité serait d’ailleurs pour lui une épreuve extrêmement douloureuse car il lui faudrait affronter toutes les peurs qui justifiaient ses croyances. C’est une raison pour laquelle, la croyance est malheureusement parfois intimement liée à la violence.
Ceux qui croient ont d’importantes raisons personnelles de le faire et de s’y maintenir.
Tout cela m'amène à une heure bien avancée de la nuit !

Mon texte est limite trop long. Donc, on arrête là.
