On sait depuis longtemps que la baisse d’insolation estivale il y a 2,7 millions d’années est un élément essentiel pour l’installation d’une calotte pérenne au Groenland grâce aux calculs de forçages astronomiques de Jacques Laskar. Par contre, la question se posait de savoir quelle était l’évolution du CO2 atmosphérique pendant cette période de temps.
Pour étudier cette question, une équipe internationale a mis au point une nouvelle technique de couplage asynchrone afin de coupler le modèles de climat IPSL et le modèle de calotte de glace précédemment développé au LGGE. Cette méthode de couplage asynchrone, utilisée pour la première fois par J.B Ladant en 2014 (Ladant et al., Paleoceanography, 2014) pour l’englacement de l’antarctique il y a 35 Ma. Elle consiste à faire interagir ici le modèle de climat couplé de l’IPSL (AOGCM IPSL CM5A) avec le modèle de calotte de glace GRISLI. Les chercheurs ont validé les simulations réalisées avec ce modèle couplé en les comparant aux reconstructions de températures de surface des mers et des débris emportés par les glaces. Ils ont ainsi pu simuler le développement et le maintien d’une calotte de glace groenlandaise à partir de la reconstruction du CO2 atmosphérique. Or, il se trouve que la reconstruction de la teneur en CO2 de l’atmosphère est, grâce aux bulles piégées dans les glaces, très précisément connue. Par contre, au-delà de cette limite on reconstruit cette longueur à partir de différents indicateurs (stomates des plantes, isotopes du Bord, alkénone...). Cette nouvelle méthode permet de tester les différentes reconstructions qui existent pour la période Plio-Pléistocène (3.0-2.5 Ma).

Simulations de l’épaisseur de la calotte groenlandaise. Ces simulations sont forcées par les reconstructions de pCO2 issues de Martinez-Boti et al. (scénarios moyens) pour les périodes suivantes: 2,9 Ma (a), 2,8 Ma (b), 2,72 Ma (c) et 2,6 Ma (d).
Le long déclin du CO2 atmosphérique au cours des 40 derniers millions d’années (passant de plus de 1000 ppmv à 300 ppmv) a ainsi permis l’installation d’une calotte dans l’hémisphère Nord dans des conditions nettement moins favorables que pour l’Antarctique. En effet, le continent Antarctique est directement en position polaire, il est de plus entouré d’un courant circumpolaire très puissant qui l’isole, ce qui constitue un très fort pôle froid.
Comme pour les simulations climatiques futures, plusieurs scénarios d’évolution du CO2 ont été testés. Cela a permis de montrer toute l’importance de l’évolution du CO2 pour maintenir une calotte groenlandaise pendant cette période. Il s’agit ici d’un basculement vers un climat froid et de l’établissement d’une calotte de glace pérenne au Groenland, deux phénomènes qui vont favoriser les oscillations glaciaires-interglaciaires du Quaternaire.
Ce projet est issu de longues années de collaboration franco-norvégienne dans le cadre du projet OCCP (Ocean controls on high-latitude climate sensitivity - a Pliocene case study). Il a également bénéficié d’un financement du projet LEFE "ComprendrE" (How and why glaciation/interglacial cycles were triggered at the Plio-Pleistocene boundary) de l’INSU et fait partie du projet ANR HADOC (Human ancestors dispersal: the role of climate) soutenu par l’Agence Nationale de Recherche ANR-17-CE31-0010.
Ces simulations ont pu être menées en utilisant les ressources HPC de GENCI-TGCC.
Références:
Ladant, J.-B., Donnadieu, Y., Lefebvre, V. & Dumas, C. The respective role of atmospheric carbon dioxide and orbital parameters on ice sheet evolution at the Eocene-Oligocene transition. Paleoceanography 29, 810-823 (2014).
Source: CNRS-INSU