Les électrons de Dirac au niveau de Fermi ont des propriétés singulières: tout se passe comme si leur masse était nulle, leur conférant la possibilité de voyager à une vitesse constante, comme la lumière. Cette propriété permet d’expliquer l’effet Hall quantique observé dans le graphène.
a) Image STM montrant la structure du feuillet phosphorène bleu déposé sur cuivre.
b) Courbes dI/dV correspondant à la densité d’états électroniques la surface propre du cuivre et après dépôt du feuillet du phosphorène bleu. Ces courbes montrent que le phosphorène présente un caractère métallique puisque le dI/dV correspondant ne révèle pas de gap électronique (densité électronique non-nulle).
c) Figure ARPES après dépôt de phosphorène bleu, montrant deux dispersions linéaires sous forme de cône de Dirac, signature de la présence d’électrons de Dirac typiques de ceux rencontrés dans le graphène.
d) Modèle atomique du feuillet de phosphorène bleu défini à partir de l’image STM en a) et utilisé pour les calculs DFT. Les atomes en bleu foncé (première couche) et bleu clair (deuxième couche) correspondent au phosphorène et les atomes jaunes correspondent au cuivre.
© ISMO, SPEC, SOLEIL.
Trois équipes du plateau de Saclay, issues de l’Institut des Sciences Moléculaires d'Orsay (ISMO, CNRS / Université Paris-Saclay), du Synchrotron SOLEIL (SOLEIL, CNRS) et du Service de physique de l'état condensé (SPEC, CEA / CNRS), en collaboration avec une équipe de l’Université Centrale de Floride et une équipe de l’université Mohammed 5 au Maroc, ont réussi, pour la première fois, la synthèse d’une monocouche de phosphorène bleu présentant cette fois-ci une structure électronique à caractère métallique similaire à celle rencontrée dans le graphène. Leurs travaux sont publiés dans Advanced Functional Materials.
Pour cela, les chercheurs ont déposé par évaporation sous ultravide des atomes de phosphore sur un cristal de cuivre orienté (111). Ils ont ainsi pu identifier la structure atomique et électronique d’un feuillet de phosphorène bleu en combinant des outils d’analyse de pointe tels que la microscopie et spectroscopie à effet tunnel (STM-STS), la diffraction d’électrons lents (LEED), la spectroscopie de photoélectrons (PES) et la spectroscopie de photoémission résolue en angle (ARPES) sur la ligne TEMPO du synchrotron SOLEIL.
La microcopie et la spectroscopie à effet tunnel ont permis de montrer que le feuillet de phosphorène bleu est très ordonné et que sa corrugation naturelle est réduite par l’interaction avec le substrat de cuivre, ce qui le rapproche de la forme naturelle du graphène. La spectroscopie à effet tunnel révèle également un caractère métallique, alors que la spectroscopie de photoémission résolue en angle (ARPES) a permis d’identifier les états électroniques présentant une relation de dispersion linéaire sous forme de cône, caractéristiques d’un cône de Dirac (Figure 1). Ce cône constitue de manière totalement analogue au graphène une signature indubitable de la présence d’électrons de Dirac au sein du feuillet de phosphorène bleu.
Des calculs dans le cadre de la Théorie de la Fonctionnelle de la Densité (DFT) ont permis de valider cette structure et son caractère métallique.
Cette découverte, qui appelle d’autres études sur les propriétés de Dirac du phosphorène bleu, ouvre des perspectives fascinantes tant d’un point de vue fondamental qu’appliqué dans l’étude d’un nouveau matériau bidimensionnel polyvalent présentant un cône de Dirac.
Références:
Dirac fermions in blue phosphorene monolayer,
Youness Kaddar, Wei Zhang, Hanna Enriquez, Yannick J. Dappe, Azzedine Bendounan, Gérald Dujardin, Omar Mounkachi, Abdallah El kenz, Abdelilah Benyoussef, Abdelkader Kara, and Hamid Oughaddou, Advanced Functional Materials, paru le 20 février 2023.
DOI: 10.1002/adfm.202213664
Source: CNRS INP