[Dossier] Vol AF447: comprendre la note du BEA, les nouvelles pistes

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[Dossier] Vol AF447: comprendre la note du BEA, les nouvelles pistes

Message par jyb » 29/05/2011 - 17:09:20

Le BEA a révélé vendredi des informations sur le contenu des boites noires du vol Air France AF447. La note publiée fait suite à la divulgation de plusieurs rumeurs qui ont été diffusées dans la presse et qui mettent à la fois les familles de victimes dans des situations délicates et les enquêteurs sous pression. Le BEA a d'ailleurs tenu à indiquer qu'il n'a reçu aucune pression, que ce soit des autorités, d'Airbus, d'Air France mais que c'est la presse qui par la diffusion de rume...

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Rappel du vol et déroulement avant le début des anomalies

Message par jyb » 29/05/2011 - 17:10:56

L'équipage est composé de trois personnes qui se relaient : - le commandant de bord - deux copilotes L'avion n'a besoin que de deux personnes pour être piloté, mais sur les vols de longue durée comme les vols transatlantiques, il faut du personnel supplémentaire afin que personne ne dépasse les durées maximales de pilotage. Les avions effectuant ce type de parcours sont équipés d'une cabine de repos pour le personnel avec notamment de vrais lits. Le commandant de bord est présent...

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Premier incident: l'avion entre dans une zone de perturbations

Message par jyb » 29/05/2011 - 17:13:00

Ce premier incident se produit à 2h 10 et 5 secondes : - chute de la mesure de vitesse côté gauche à un niveau ridiculement bas - perte de la vitesse de l'instrument de secours ( l'ISIS ) - l'avion part en roulis vers la droite - débranchement du pilote automatique - débranchement de l'auto-manette - déclenchement de l'alarme de décrochage à deux reprises Le pilote navigant (PF pour Pilot Flying, celui qui tient les commandes) tire la manette vers la gauche et vers l'arrière. Le BEA...

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02:10:16 : l'avion monte et perd de la vitesse

Message par jyb » 29/05/2011 - 17:15:30

Onze secondes après le début du premier incident, l'autre pilote (dont le rôle est d'observer les autres évènements non directement liés au pilotage) annonce « On a perdu la vitesse » puis "alternate law [...]" . A ce niveau, l'avion continue de rendre le contrôle aux pilotes. La vitesse ne peut plus être mesurée, les systèmes passent en alternate law : l'ordinateur n'exerce plus de contrôle sur les commandes, en cas de dépassement de l'enveloppe de vol, des alarmes ret...

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02:10:51 - 02:11:07 : nouvelle alerte de décrochage

Message par jyb » 29/05/2011 - 17:22:35

L'alarme de décrochage retentit une nouvelle fois. Les pilotes poussent les manettes de gaz à fond mais maintiennent un ordre de cabrer à l'avion (c'est à dire continuent à orienter l'avion vers le haut). Les plans horizontaux réglables passent de 3 à 13 degrés en position de cabrer (il s'agit de plans normalement faits pour compenser le centrage de l'avion). A ce moment de vol, le BEA ne précise pas si l'avion a toujours une tendance à faire des roulis (tendance qui s'expliquerait ...

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02:11:40 : le commandant dans le cockpit, l'avion chute

Message par jyb » 29/05/2011 - 17:29:54

A ce moment, l'avion repasse les 35 000 pieds, soit 10675 m. L’assiette de l'avion est à 15°, mais l'incidence de l'air (l'angle fait pas l'air sur l'avion) est de 40°. La vitesse mesurée passe sous 60 nœuds, les moteurs tournent pourtant à plein régime. La vitesse verticale est de -10 000 pieds / minute, soit une descente à 183 km/h. L'alarme de décrochage s'arrête. Les roulis sont plus violents et atteignent parfois 40°. A priori, certaines informations peuvent apparaître c...

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02:12:17 : poursuite de la chute, tentative de correction ?

Message par jyb » 29/05/2011 - 17:33:25

2h 12mn et 2 secondes Les pilotes annoncent tour à tour « je n’ai plus aucune indication » et « on n’a aucune indication qui soit valable ». Les manettes de gaz sont en position IDLE : c'est le point minimum, mais les moteurs fournissent encore 55% de leur poussée maximale. 2h 12mn et 17 secondes L'un des pilotes pousse le mini-manche ce qui réduit l'incidence de l'avion. Les indications de vitesse repassent au-dessus de 60 nœuds (110 km/h), l'alarme de décrochage se réenclen...

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La dernière minute du vol

Message par jyb » 29/05/2011 - 17:38:16

Jusqu'à 2 h 13 min 32 secondes Le rapport ne dit pas ce qui se passe durant la minute qui suit mais précise que les actions des pilotes sont majoritairement de tirer le mini-manche et de faire cabrer l'avion durant cette phase de vol, pas d'information sur d'éventuels changements de poussée moteur. 2 h 13 min 32 secondes Le pilote indique « on va arriver au niveau cent ». Ce qui correspond au passage des 10 000 pieds, l'avion est alors à 3050 m d'altitude et a donc perdu plus des deux...

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Récapitulatif des évènements, éléments de reflexion

Message par jyb » 29/05/2011 - 17:42:30

De manière générale, on note : - seul l'indicateur de vitesse semble avoir été perturbé - il n'y a pas eu une multitude d'alarmes dans le cockpit, seulement l'alerte de décrochage - les autres indicateurs (altitude, cap, horizon artificiel) ont fonctionné normalement - les turbulences sont violentes et obligent les pilotes à se concentrer dessus pour éviter que l'avion ne parte en roulis, il s'agit certainement d'un élément très perturbateur pour la prise de décision Les derniers...

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Conclusion et nouvelles pistes

Message par jyb » 29/05/2011 - 17:45:01

Les sondes de Pitot, qui ont été mises en avant dans la presse, n'ont pas forcément joué un rôle aussi grand que supposé au début. Par contre, leur panne de départ ajoutée à d'autres éléments rendant des informations « étonnantes » ont pu contribuer à rendre la situation moins compréhensible pour les pilotes. Les pilotes ont aussi été perturbés par les turbulences qui les forçaient à faire en permanence des actions pour contrebalancer les mouvements de roulis. La grande n...

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Re: [Dossier] Vol AF447 : comprendre le crash, les nouvelles pistes

Message par jyb » 29/05/2011 - 17:45:25

page réservée

Neptune
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Re: [Dossier] Vol AF447: comprendre la note du BEA, les nouvelles pistes

Message par Neptune » 31/05/2011 - 20:32:35

Excellent dossier, très clair.
Attendons maintenant les autres informations en provenance du BEA.

proteus
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Re: [Dossier] Vol AF447: comprendre la note du BEA, les nouvelles pistes

Message par proteus » 01/06/2011 - 11:18:03

Excellent travail.

Pascalito
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Re: [Dossier] Vol AF447: comprendre la note du BEA, les nouvelles pistes

Message par Pascalito » 01/06/2011 - 11:30:20

Bravo pour ce dossier très clair et très complet.
Ayant travaillé dix ans dans la programmation des simulateurs d'Airbus notamment ceux utilisés par Air France, je m'interroge sur un point: est-ce que l'effet aérodynamique du décrochage est simulé sur la prise d'air dynamique des sondes pitots?
Je n'en suis pas certain et il serait intéressant de le savoir. En effet, si cela n'est pas simulé (ou pas suffisamment finement), dans le simulateur les indications pitos pourraient rester valides pendant le décrochage et l'alarme correspondante "STALL STALL" entendue dans le cockpit ne cesserait pas, même à basse vitesse. Pour m'être "amusé" à décrocher sur simulateurs avec des A330 ou des A340, je ne me souviens pas que le "STALL WARNING" cessait en dessous d'une certaine vitesse (mais cela remonte à plus de dix ans et ma mémoire est peut être défaillante).
Je serais vraiment très intéressé si, lisant ces lignes, quelqu'un travaillant encore sur ces simus (ou ayant spécifiquement travaillé à la simulation des sondes pitots) pouvait confirmer ou infirmer cette hypothèse.
Si elle se vérifiait juste, cela expliquerait l'attitude des pilotes: ayant entendu l'alarme cesser, ils ne croyaient pas être en décrochage et se concentraient sur les problèmes d'indication de vitesse "aléatoires" lié au givrage des sondes et sur les problèmes de roulis.
En revanche, puisqu'apparemment ils tenaient compte des indications d'altitude (mais était-ce vraiment le cas?), leur choix de garder l'avion cabré en dessous de 10'000 ft reste pour moi très énigmatique.
Il y a certainement un ou plusieurs éléments cruciaux qui manquent dans ce premier rapport du BEA car j'ai du mal à croire que des pilotes aussi bien formés que chez Air France aient conservé aussi longuement un avion à cabrer si ils avaient eu conscience du décrochage.
L'enquête nous le dira peut-être.

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Re: [Dossier] Vol AF447: comprendre la note du BEA, les nouvelles pistes

Message par jyb » 01/06/2011 - 11:46:21

Pascalito a écrit :Bravo pour ce dossier très clair et très complet.
Ayant travaillé dix ans dans la programmation des simulateurs d'Airbus notamment ceux utilisés par Air France, je m'interroge sur un point: est-ce que l'effet aérodynamique du décrochage est simulé sur la prise d'air dynamique des sondes pitots?

Je n'en suis pas certain et il serait intéressant de le savoir. En effet, si cela n'est pas simulé (ou pas suffisamment finement), dans le simulateur les indications pitos pourraient rester valides pendant le décrochage et l'alarme correspondante "STALL STALL" entendue dans le cockpit ne cesserait pas, même à basse vitesse. Pour m'être "amusé" à décrocher sur simulateurs avec des A330 ou des A340, je ne me souviens pas que le "STALL WARNING" cessait en dessous d'une certaine vitesse (mais cela remonte à plus de dix ans et ma mémoire est peut être défaillante).

Je serais vraiment très intéressé si, lisant ces lignes, quelqu'un travaillant encore sur ces simus (ou ayant spécifiquement travaillé à la simulation des sondes pitots) pouvait confirmer ou infirmer cette hypothèse.

Si elle se vérifiait juste, cela expliquerait l'attitude des pilotes: ayant entendu l'alarme cesser, ils ne croyaient pas être en décrochage et se concentraient sur les problèmes d'indication de vitesse "aléatoires" lié au givrage des sondes et sur les problèmes de roulis.

En revanche, puisqu'apparemment ils tenaient compte des indications d'altitude (mais était-ce vraiment le cas?), leur choix de garder l'avion cabré en dessous de 10'000 ft reste pour moi très énigmatique.

Il y a certainement un ou plusieurs éléments cruciaux qui manquent dans ce premier rapport du BEA car j'ai du mal à croire que des pilotes aussi bien formés que chez Air France aient conservé aussi longuement un avion à cabrer si ils avaient eu conscience du décrochage.

L'enquête nous le dira peut-être.


Tout d'abord, merci beaucoup pour le retour d'expérience :jap: .

La note du BEA (http://www.bea.aero/fr/enquetes/vol.af.447/info27mai2011.fr.php) indique clairement que sous une certaine vitesse, les alarmes de décrochage se désactive car les valeurs d'incidence sont considérées comme non conformes, ce qui a pour effet de couper l'alarme de décrochage. Il faut dire que les valeurs de vitesses alors transmises étaient inférieures à 30 noeuds, une vitesse qu'un avion n'est pas sensé atteindre en vol ...

Par contre, je ne sais pas ce qui est implémenté sur les simulateurs à ce niveau là ...

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Re: 02:10:16 : l'avion monte et perd de la vitesse

Message par Bap2703 » 01/06/2011 - 12:35:12

Quelques petites critiques (pinaillage ? :D) :

jyb a écrit :Résumé de la note du BEA

Image
Illustration: Techno-science.net

A ce moment, l'assiette de l'avion augmente et dépasse les 10°, la trajectoire devient fortement ascendante avec une montée à 7000 pieds / minute soit une vitesse verticale ascendante de 128 km/h alors même que l'appareil se trouve déjà à une haute altitude. Le pilote pousse ensuite sur le mini-manche, ce qui réduit l'assiette, la vitesse ascensionnelle passe alors à 700 pieds / minute, soit 12,8 km/h.


Petite incohérence : l'image indique 10% alors qu'il s'agit de degrés (d'après le rapport du bea).
Toujours sur les images, j'ai du mal à comprendre ce que sont sensées représenter les flèches noires :??:
J'imagine que celles verticales symbolisent une vitesse angulaire (tangage) alors que celle vers l'arrière une accélération, c'est ça ?
D'ailleurs la flèche rouge symbolise assez mal un tangage. Elle semble plutôt indiquer un mouvement vertical de l'avion.

Ensuite pourquoi systématiquement mentionner l'action sur le manche et le but cherché ? Si le pilote tire sur le manche on sait qu'il va cabrer et inversement s'il cabre on sait qu'il tire le manche.

Il est aussi étrange de parler d'écoulement "normal" de l'air sur les ailes. Un terme moins ambigu serait le bienvenu.

Et enfin on écrit "piqué" et non "piquet" :D



Mis à part ces corrections, je découvre avec étonnement que les pilotes ne reçoivent pas l'information sur l'angle d'incidence. Certes en situation courante sur un avion de ligne ça ne sert peut être pas à grand chose. Ca me semble pourtant être une donnée importante pour voler, surtout l'historique de l'incidence en fait, il doit y avoir une raison que je ne connais pas.

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Re: [Dossier] Vol AF447: comprendre la note du BEA, les nouvelles pistes

Message par Isabelle » 01/06/2011 - 13:17:48

Coquille corrigée, j'ai été chargée de la relecture mais pas vu le "piqué" , désolée :siffle:

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Re: 02:10:16 : l'avion monte et perd de la vitesse

Message par jyb » 01/06/2011 - 13:34:38

Bap2703 a écrit :Quelques petites critiques (pinaillage ? :D) :

jyb a écrit :Résumé de la note du BEA

Image
Illustration: Techno-science.net

A ce moment, l'assiette de l'avion augmente et dépasse les 10°, la trajectoire devient fortement ascendante avec une montée à 7000 pieds / minute soit une vitesse verticale ascendante de 128 km/h alors même que l'appareil se trouve déjà à une haute altitude. Le pilote pousse ensuite sur le mini-manche, ce qui réduit l'assiette, la vitesse ascensionnelle passe alors à 700 pieds / minute, soit 12,8 km/h.


Petite incohérence : l'image indique 10% alors qu'il s'agit de degrés (d'après le rapport du bea).
Toujours sur les images, j'ai du mal à comprendre ce que sont sensées représenter les flèches noires :??:
J'imagine que celles verticales symbolisent une vitesse angulaire (tangage) alors que celle vers l'arrière une accélération, c'est ça ?
D'ailleurs la flèche rouge symbolise assez mal un tangage. Elle semble plutôt indiquer un mouvement vertical de l'avion.

Ensuite pourquoi systématiquement mentionner l'action sur le manche et le but cherché ? Si le pilote tire sur le manche on sait qu'il va cabrer et inversement s'il cabre on sait qu'il tire le manche.

Il est aussi étrange de parler d'écoulement "normal" de l'air sur les ailes. Un terme moins ambigu serait le bienvenu.

Et enfin on écrit "piqué" et non "piquet" :D



Mis à part ces corrections, je découvre avec étonnement que les pilotes ne reçoivent pas l'information sur l'angle d'incidence. Certes en situation courante sur un avion de ligne ça ne sert peut être pas à grand chose. Ca me semble pourtant être une donnée importante pour voler, surtout l'historique de l'incidence en fait, il doit y avoir une raison que je ne connais pas.


Effectivement et bien vu, il s'agit de 10°, je corrigerai dés que possible. Les flèches noires représentent les mouvements de l'avion, il a ici tendance à se braquer et perd de la vitesse (flèche noire vers l'arrière).

Pour ce qui est de l'angle d'incidence affiché dans le cockpit, d'après les informations que j'ai, il s'agit d'une option proposée lors de la vente de l'avion que peu de compagnies aériennes prennent. Cependant, en cas de décrochage, les seules alarmes, altimètre ainsi qu'une bonne procédure de sortie de décrochage sont en théorie suffisants. L'enquête du BEA nous en apprendra sans doute plus.

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Re: [Dossier] Vol AF447: comprendre la note du BEA, les nouvelles pistes

Message par le fennec » 01/06/2011 - 14:12:14

sympa le résumé.

en gros, j'ai l'impression que les pilotes ne pensaient pas être dans une situation de décrochage...
d'où, question aux pilotes de Techno-science:

-comment savoir qu'on est en décrochage, si :
1) l'alarme de décrochage ne fonctionne pas
2) pas de visibilité
3) pas de sensation de chute (fort roulis, chute progressive...)
4) pas d'indications d'incidence, ni de vitesse ?

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Re: [Dossier] Vol AF447: comprendre la note du BEA, les nouvelles pistes

Message par Adrien » 01/06/2011 - 14:26:24

L’altimètre qui indique une altitude qui baisse inexorablement ? Mais comme dit dans le dossier, peut être que les pilotes n'avaient (par erreur) plus confiances en cet instrument.

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Re: [Dossier] Vol AF447: comprendre la note du BEA, les nouvelles pistes

Message par jyb » 01/06/2011 - 14:42:26

le fennec a écrit :sympa le résumé.

en gros, j'ai l'impression que les pilotes ne pensaient pas être dans une situation de décrochage...
d'où, question aux pilotes de Techno-science:

-comment savoir qu'on est en décrochage, si :
1) l'alarme de décrochage ne fonctionne pas
2) pas de visibilité
3) pas de sensation de chute (fort roulis, chute progressive...)
4) pas d'indications d'incidence, ni de vitesse ?


Je ne suis pas pilote (mais sais très bien où me renseigner)

Pour 1), c'est pas tout à fait exact puisqu'il a bien fonctionné d'un point de vue technique sauf lorsque l'avion était à un niveau de chute pratiquement jamais atteint pour un avion de ligne. Les déclenchements intempestifs de départ semblent dus à de fortes turbulences et ne semblent pas avoir duré longtemps. Mais il est vrai que son arrêt alors que l'avion chute a certainement contribué à des confusions

Le 2) est en gros la norme en haute altitude

Les 3) et 4) sont exacts et ont sans doute contribué à un effet de confusion.

Au début de la chute, effectivement, rien ne dit que les pilotes savent ce qui se passe réellement. Par contre, au niveau 100, ils semblent être parfaitement conscients de ce qui se passe. Ce devait déjà être le cas pour l'un d'entre eux lorsqu'il baisse le nez de l'avion à un moment de la chute.

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Re: [Dossier] Vol AF447: comprendre la note du BEA, les nouvelles pistes

Message par le fennec » 01/06/2011 - 16:24:54

et quand les 4 situations sont présents en même temps ?
1) l'alarme de décrochage ne fonctionne pas
2) pas de visibilité
3) pas de sensation de chute (fort roulis, chute progressive...)
4) pas d'indications d'incidence, ni de vitesse ?

A part l'altimetre (1 seul instrument...) .... il n'y a rien d'autre ????

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Re: [Dossier] Vol AF447: comprendre la note du BEA, les nouvelles pistes

Message par jyb » 01/06/2011 - 17:08:06

le fennec a écrit :et quand les 4 situations sont présents en même temps ?
1) l'alarme de décrochage ne fonctionne pas
2) pas de visibilité
3) pas de sensation de chute (fort roulis, chute progressive...)
4) pas d'indications d'incidence, ni de vitesse ?

A part l'altimetre (1 seul instrument...) .... il n'y a rien d'autre ????


Non, mais l'altimètre est avec l'horizon artificielle et la vitesse les principaux indicateurs de l'avion.

Il est à rappeler que l'avion est entré progressivement dans une phase avec tous ces éléments à la fois, au début du décrochage, il y avait au moins un indicateur de vitesse en cohérence avec l'altitude et l'alarme de décrochage. C'est lorsque le décrochage a pris une très grande ampleur que l'indicateur de vitesse est devenu à nouveau invalide.

Mine de rien, les pilotes semblent s'être bien rendu compte au moins au niveau 100 et très probablement avant ce niveau que l'avion était en décrochage.

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Re: Conclusion et nouvelles pistes

Message par simon14 » 01/06/2011 - 19:40:17

jyb a écrit :Les sondes de Pitot, qui ont été mises en avant dans la presse, n'ont pas forcément joué un rôle aussi grand que supposé au début. En revanche, leur panne de départ ajoutée à d'autres éléments rendant des informations « étonnantes » ont pu contribuer à rendre la situation moins compréhensible pour les pilotes.

Les pilotes ont aussi été perturbés par les turbulences qui les forçaient à faire en permanence des actions pour contrebalancer les mouvements de roulis.

La grande nouveauté qu'apporte la note du BEA est la persistance des pilotes à maintenir l'avion cabré. Cette action a maintenu l’appareil dans une situation de décrochage et a prolongé sa chute jusqu'à l'impact.

Reste à savoir pourquoi avoir entrepris de telles actions ? Là encore, nous ne pouvons faire que des hypothèses qui restent à vérifier :
- au début, les pilotes ont pu ne pas s'apercevoir qu'ils étaient en chute, mais ce n'était plus le cas au moins à partir de 2h 13 minutes et 32 secondes, lorsque l'avion passe sous les 3000 m
?? - application d'une procédure non adaptée au cas d'un décrochage prolongé (lié à la formation des pilotes et des procédures enseignées par la compagnie)
?? - erreur dans l'application des procédures (mais il est à priori étonnant qu'aucun des trois membres d'équipages présents ne l'ait remarqué)
- l'inversion contre-intuitive de la réaction de l'alarme de décrochage lorsque l'un des pilotes met l'avion en position moins cabrée a pu renforcer la conviction des pilotes sur l'action à faire
- les turbulences et la tension ont pu provoquer un stress très important et certainement perturber les pilotes dans leurs décisions, tout comme le doute sur le bon fonctionnement des instruments.

Comme déjà énoncé, le BEA n'a pas communiqué l'ensemble du contenu des boites noires. Les enquêteurs ont donc en main d'autres éléments, mais surtout, là où nous nous contentons d'expliquer la note et d'énoncer certaines hypothèses ou pistes, le BEA devra démontrer ses conclusions. Il s'agit d'un travail de longue haleine qui reste à accomplir.


Bravo pour ce dossier, vraiment excellent, et notamment aux précisions essentielles, que je n'avais pas perçues jusqu'alors, qui concerne l'alarme de décrochage :
- qui se déclenche au début alors qu'il n'y a probablement pas vraiment de décrochage ("vent vertical suffisamment violent pour que l'incidence de l'écoulement d'air sur les ailes soit perturbé")
- qui retentit à nouveau ("02:10:51 - 02:11:07 : nouvelle alerte de décrochage") : "L'altitude continue de monter, montrant que l'avion n'est pas complètement en décrochage. .. " mais cette alerte pourrait indiquer un danger très proche de décrochage : "Avec un angle de 16°, l'avion a un angle de cabré digne d'un avion au décollage, bien au delà de ce que peuvent indiquer des procédures. L'avion est donc à cet instant dans une position dangereuse."
- qui s'arrête (02:11:40 : le commandant dans le cockpit, l'avion chute) parce que l'incidence est trop forte et/ou la vitesse -horizontale- est trop faible ("les tubes de Pitot qui ne peuvent alors plus mesurer correctement la vitesse. ... l'incidence n'est plus prise en compte, ce qui entraine un arrêt de l'alarme de décrochage. ") alors que "la vitesse verticale est de -10 000 pieds / minute, soit une descente à 183 km/h", donc très forte ce qui est bien sûr très paradoxal, et source de grande confusion
- qui se réenclenche alors que le pilote fait ce qu'il convient de faire (!!) (2h 12mn et 17 secondes : "L'un des pilotes pousse le mini-manche ce qui réduit l'incidence de l'avion. Les indications de vitesse repassent au-dessus de 60 nœuds (110 km/h), l'alarme de décrochage se réenclenche"), ce qui est encore plus paradoxal, et maintient une grande confusion
- qui disparaît à nouveau probablement lorsque le pilote "continue les mêmes actions à savoir de maintenir un angle de cabré fort", ce qui est toujours paradoxal puisque la vitesse verticale atteint " -10912 pieds / minutes (soit 200 km/h en descente)" alors que la vitesse horizontale est de l'ordre de "107 nœuds (soit 197 km/h)", donc très faible.

Le fait essentiel, à la lecture de l'article, est l'alerte de décrochage qui fonctionne au contraire de ce qui devrait se passer, parce que l'on est sorti du domaine de vol normal (on en est très loin !).
Les sensations inexistantes de chute, les turbulences (focalisant les pilotes sur autre chose : roulis, tangage), et le stress lié à l'absence d'indication de vitesse (ne serait-ce que 1 minute), qui a tendance à ne plus avoir confiance dans les instruments, tout ceci ne peut que renforcer la confusion.
Il est hautement probable qu'il y a dû y avoir des échanges vifs entre les différents pilotes, l'un au moins se rendant compte de la situation (et c'est probablement celui qui avait essayé de mettre l'avion en piqué), alors qu'un au moins un autre, probablement les deux autres, souhaitai(en)t maintenir l'avion très cabré.

En fait il est très probable que plusieurs pilotes aient conclu que l'horizon artificiel donnait de mauvaises indications, affichant un léger cabré alors qu'ils avaient l'impression de foncer à piqué (ce qui expliquait une forte descente). Dans ce cas, la volonté de cabrer correspondait à redresser la position de l'avion, alors qu'elle aggravait le décrochage, donc la chute...
Dans ce cas et s'il n'y avait pas eu stress ou confusion (et flou sur qui commandait, voir ci-dessous), les pilotes se seraient rendu compte de l'aspect illogique de leur raisonnement, puisque pousser sur le balai (peu de temps) n'aurait pas dû déclencher l'alerte de décrochage, ET au contraire dû augmenter la chute.
il est probable que si l'action de pousser sur le manche avait duré un peu plus longtemps, ils se seraient rendu compte que la vitesse verticale diminuait, ce qui montrait qu'ils étaient sur la bonne voie avec cette action.

Mais il faut tenir compte d'un autre élément, essentiel en période de crise (besoin d'un seul chef, encore plus essentiel qu'en temps normal) : du fait que le commandant de bord revenait de son repos, il y a eu une transition pendant laquelle il y avait un flou sur qui était vraiment le chef. Cela n'aurait pas été gênant dans une situation normale, au bout qq instants la situation aurait été rétablie, mais là il a suffi de 3 minutes pour précipiter l'avion dans l'océan.

Si les éléments ci-dessus sont corrects, alors ce serait une nouvelle confirmation de ce que :
- les accidents sont généralement liés à plusieurs causes
- les aspects techniques sont bien moins souvent en cause (ici l'absence d'indication de vitesse n'aura duré qu'une minute) que les facteurs humains ; sauf qu'ici l'alerte de décrochage a sembler fonctionner à l'inverse de la réalité
- la nécessité d'avoir un seul chef

Il est hautement probable que les échanges (non publiés) dans le cockpit donnent des informations complémentaires sur ce que les pilotes croyaient. Et confirmeraient, ou infirmeraient, les éléments exposés ici.

Dans le cas où il y aurait confirmation, plusieurs recommandations découleraient de ces conclusions :
- chercher à reproduire les hypothèses indiquées ci-dessus, sur simulateur, et voir si le simulateur donne des indications conformes à ce qui résulte des boîtes noires.
Si OUI, alors bravo au simulateur, mais il faut modifier l'alerte de décrochage, par exemple avec une indication de son proportionnelle à l'ampleur du décrochage (pour constater si l'on s'éloigne du décrochage en faisant une action, ou si l'alerte disparait du fait d'une absence de mesures pertinentes) ; et vérifier avec des instructeurs ce qu'il faudrait faire ; et probablement modifier les procédures.
Si NON, alors corriger le simulateur, de telle sorte à pouvoir reproduire les phénomènes constatés, et voir plus haut (mêmes autres conclusions, après correction du simulateur).
- essayer de compenser l'absence de mesures fiables par utilisation du GPS, et/ou EGNOS (etc.) pour mesurer l'altitude, et la vitesse horizontale sol, et la vitesse verticale sol ; ou autre source d'information (laquelle ?), pour notamment éviter d'arrêter l'alerte alors qu'elle devient encore plus nécessaire !
- bien sûr imposer d'afficher l'angle d'incidence, alors que cet affichage semble être en option pour les compagnies d'aviation, à l'achat de l'avion
- essayer de trouver un palliatif à la situation du commandant de bord qui revient de son repos : à quel moment reprend il les commandes ?

Voilà, merci de me donner vos commentaires,

Fafoo
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Re: [Dossier] Vol AF447: comprendre la note du BEA, les nouvelles pistes

Message par Fafoo » 01/06/2011 - 20:12:21

Excellent dossier ! Merci

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