Khainyan a écrit :Oui c'est un argument bidon je suis d'accord avec toi. Juste que dans le cas d'Avatar le commercial a conduit a sacrifié une partie du potentiel du film
On est d'accord (en partie) là-dessus. Mais ce que tu semblais vouloir dire plus haut c'est que tous les films de Cameron étaient des "films commerciaux"
Moi non plus, j'avoue que je ne comprends pas trop cette volonté de vouloir opposer "produit commercial" et "œuvre d'art". Pour moi, c'est très symptomatique du mal de l'esprit français. Un oeuvre qui se veut "d'art" a forcément plus de valeur "intellectuelle" (pour faire simple) qu'une autre oeuvre qu'on placera volontairement dans la case "produit commercial", autrement dit pour celui qui le dit, une grosse daube tout juste bonne à divertir le bas peuple qui n'a aucun sens artistique et parfaitement idiot. C'est le côté très snob et arrogant à la française. Et pour tout dire, c'est pourquoi la culture française a aujourd'hui si peu d'importance.
Quand on réclame de la profondeur à un film comme tu le fais au sujet d'un film comme Avatar, d'accord, mais je reviendrai dessus... quand on demande à ce que le scénario soit moins simpliste ou basique, là je comprends pas. La structure narrative du film pour moi est bancale. Tu le dis, je crois, il y a trop de trucs. C'est pas être simpliste ça. Imaginer tout un monde, c'est loin d'être un travail simpliste et quoi qu'on puisse en dire, c'est un travail d'artiste (même si derrière tu as deux mille personnes pour effectuer ce travail d'imagination). Le fait que le film soit bidon (là c'est mon avis), tient juste au fait qu'il y a trop de défaut dans la structure du récit, pas que c'est vide.
Qu'on dise également que ça manque de profondeur... Avatar mais également les autres films de Cameron. Bah, je peux pas être d'accord avec ça. Là encore pour moi, c'est l'esprit snob et pédant à la française qui voudrait qu'une œuvre profonde soit chiante, absconse ou que sais-je encore. Qu'est-ce qu'une œuvre ? qu'est-ce que l'art ? Une œuvre s'adresse à un public, tout est potentiellement de l'art. Le môme de douze ans qui écrit des histoires et rêve d'être raconteur d'histoire, il fait de l'art. L'art, ce n'est pas Picasso, Gaugin et Magritte ; l'art, c'est prendre son pinceau et se lancer dans un travail d'expression. Si l'oeuvre s'adresse à un public et à tous les publics, pas seulement à un public d'esthètes, l'œuvre... est un produit comme un autre. Et on ne peut juger qu'un œuvre soit plus artistique qu'une autre. S'agissant de la "profondeur", je serais d'avis de dire que c'est une manière creuse de parler. Pourrait-on me citer des œuvres... profondes ?! Est-ce qu'une œuvre profonde doit parler de philosophie ? avoir un intérêt métaphysique ? doit-elle avoir une vocation didactique ? Non. Il suffit pas d'aller bien loin pour le comprendre. Il suffit de voir ce qui fait le gros des "grandes œuvres" de la littérature ou du cinéma (par exemple). Hum, cherchons des oeuvres marquantes traitant de philosophie... hum, Voltaire était un grand dramaturge. Il pensait rester dans l'histoire par ses pièces de théâtre. Parlent-elles de philosophie ? ma foi j'en sais rien, on pourrait le supposer vu qu'elles ont été écrite par un philosophe, mais je ne peux pas répondre à cette question, vu qu'elles ne sont pas rentrées dans la postérités. Voltaire était un grand dramaturge, oui par le volume, mais ce qui est resté de lui, ce ne sont certainement pas ses pièces de théâtre. Pour rester dans le théâtre, quels dramaturges sont passés à la postérité (gagnant ainsi leur médaille d'oeuvre d'art) ? Molière ? s'il a une réputation d'auteur chiant dans les écoles, il n'a écrit que des comédies, des farces. Alors bien sûr, on trouverait aujourd'hui des exemples dans son théâtre pour parler... de "profondeur", bah oui, mais tout est profond quand on y regarde de près. Molière s'inspire de la comedia dell arte, va-t-on, me dire que c'est un théâtre profond ? Oui aujourd'hui avec la distance, on voit des choses que le public d'alors ne percevait pas comme ça, mais pour qu'une chose amène le rire, il doit toucher juste, poser le doigt là où ça fait mal. La comédie, la farce, voilà des genres... "profond". La philosophie ? est-elle seulement capable d'inspirer à des auteurs des œuvres pleines ? La métaphysique ? Dans En attendant Godot, on pourra penser qu'il y a quelque chose de profond à attendre quelqu'un qui n'arrive pas, Dieu, peut-être... ça doit être profondément et obscurément profond comme profondeur impalpable... bah non, pour Beckett, Godot est juste un prétexte à décrire des situations cocasses et développer des personnages. Ce qui intéresse, ce qui fait le succès d'une œuvre, je l'ai dit, c'est sa structure, il y a des règles, plus ou moins connues, plus ou moins standard ; et ce sont aussi, comme là, les personnages. Le premier qui a parlé d'identification, c'est Aristote. Pour les Grecs, c'est simple, le théâtre, doit éduquer le peuple à travers des œuvres tragiques, donc comprendre pour l'époque à grand spectacle. L'identification, c'est s'attacher à coller au plus près à l'action, faire que le spectateur y soit immergé, qu'il se joue à être les héros de la fable, parce qu'être à leur place, vivre tous leur cheminement tortueux de héros, ça les élève. Les Grecs élevaient le peuple non pas en expliquant de manière didactique les choses, mais en les mettant en scène à travers des pièces à succès où le moteur est le pathos et l'harmonie.
Il en est de même pour Shakespeare (des grandes pièces historiques où il mêle la comédie, le drame, l'action, l'intimiste, la poésie — il n'y a pas un dramaturge plus profond que Shakespeare, pourtant, c'est le Spielberg de son temps), de Dumas (considéré à l'époque déjà comme un auteur populaire et tellement encensé aujourd'hui). Il y aurait mille exemple pour citer des oeuvres et des artistes prouvant que l'art, c'est du spectacle. Ça devrait être une évidence et pourtant ça ne l'est pas.
Au cinéma, on pourrait revenir aux origines. Qu'est-ce qui fait le public venir dans les toutes premières salles ? Des études explicatives sur des œuvres de Descartes ? non, c'est très vite le cinéma magique des effets spéciaux de Mélies. Qu'y a-t-il de plus profond que de parvenir à faire rêver les gens. Quand on vit par procuration, on s'élève, on apprend, peut-être de manière empirique, mais on apprend. Quand Orson Welles fait Citizen Kane, ah oui, aujourd'hui, on voit ça avec nos yeux habitués à la 3D... un film en noir et blanc, c'est forcément chiant... et profond. C'est profond que si on est ouvert à voir ce qui s'y trouve. Il n'y a que le spectateur pour interpréter ce qu'on lui donne à voir. Le cinéma ne fait que montrer. La maitrise du récit, finalement, c'est important, mais ce n'est qu'un passeport pour faire passer une histoire. Et Orson Welles, qui est-il ? un théoricien du cinéma qui s'est servi de son incroyable intelligence pour montrer des oeuvres profondes au public ? Non, Welles, c'est un acteur escroc qui s'est fait passer à 18 ans pour un vieil acteur de deux fois son âge dans un pays qui n'était pas le sien, c'est l'homme qui a mis en émoi tout un pays avec son émission à grand spectacle inspiré de son presque homonyme HG Wells et en terrorisant l'Amérique tout entière : ça c'était du grand spectacle, mieux que la 3D ! L'Amérique entière croyait vivre l'arrivée des extra-terrestres ! Est-ce que c'est profond ? tout est profond si on se penche dessus et qu'on nous le présente avec talent. Quel était la volonté de Welles ? Divertir son public. Kane ? profond, parce qu'il s'inspire du magnat de la presse de l'époque ? hum, profond pourquoi ? c'est une inspiration, rien de plus. Ce qui est profond, ce n'est pas le lien avec la réalité, c'est les contradictions du personnages. Des contradictions qui nous le font voir de manière plus juste mais aussi plus vraie, plus fascinante. Kane, c'est un spectacle à lui tout seul, c'est n'est pas un puit de sens profond...
Donc Cameron, bien sûr qu'il peut avoir fait des œuvres profondes. Bien sûr que c'est de l'art en même temps que d'être une gigantesque machine commerciale. Ces œuvres peuvent être profondes si elles en valent le coup, si elles sont réussies. Le plus souvent, ce ne sont pas des théoriciens qui décident ce qui marche, c'est le public. Et là concernant Avatar, je peux me tromper, mais avoir du succès ne veut pas forcément dire non plus que les gens ont aimé, et que par conséquent l'œuvre restera à la postérité comme plus importantes que d'autres de ses œuvres. S'il est rare qu'on redécouvre plusieurs années après des œuvres qui n'ont pas connu le succès, il n'est pas rare que des œuvres qui ont eu un succès commerciale tombent dans l'oubli. Si Avatar ne reste pas comme une œuvre majeure, ce sera juste parce qu'elle ne le mérite pas, parce qu'il y a au fond bien mieux ailleurs. On est aujourd'hui ébloui, mais quand ce truc finira de luire on le verra tel qu'il est et tel que beaucoup le voit aujourd'hui. Combien de monde pour voir un film, et combien de spectateur déçus par l'histoire ? Même ceux qui disent l'avoir adoré y trouvent des défauts. Quand à côté, il y a tant d'oeuvre juste nickel qu'on peut revoir cent fois, devant tant... de profondeur. Ce qui fait la réussite, la profondeur, la qualité, d'une œuvre, ce n'est pas sa complexité, mais parfois au contraire sa simplicité. Beaucoup d'artiste le diront : il n'y a rien de plus compliqué que d'arriver à la simplicité. Qu'y a-t-il de plus simple qu'une structure de récit de Jules Verne, de Dumas ? Qu'y a-t-il de plus simple, et de plus profond, qu'un peu de lait qui coule sur une table chez Tarkovski ? qu'un vaisseau spatiale dérivant dans le vide silencieux chez Kubrick, qu'un rire chez Lubitsch ? qu'un scaphandre tombant dans les profondeurs des abysses chez Cameron ?
Oui, il est arrivé à Cameron d'être profond, d'être simple, de montrer un immense talent d'artiste. Il montre ce qui lui plait, ses intérêts sont également ceux du plus grand nombre... est-ce un manque de profondeur ? La démarche commerciale, elle apparait avec la 3D dans Avatar. Est-ce que cela apporte quelque chose de nouveau au cinéma, est-ce que ça rend le film meilleur. Moi je dis non. Lucas n'a jamais eu d'histoire pour son histoire de princesse qui cherche à ramener la pays dans la galaxie avec l'aide de deux droïdes, d'un jeune chevalier et d'un vieux général... on trouve ça simpliste... Sans doute oui, raconter une histoire vieille comme le monde, c'est sans doute dépassé et peu profond. Ça ne fait jamais que trois mille ans que cette histoire est autant dépassée, autant simpliste, et pourtant qu'elle continue invariablement à émerveiller le public qui y voit lui des choses profondes. Les récompenses, on les emporte dans notre tombe ; la postérité, c'est quelque chose qui pourrait faire passer ce qu'on croyait être un simple Beaujolais pour l'un des meilleurs crus de son époque. C'est seulement après qu'on sait souvent... Pour Lucas, il n'y a aucun doute. Pour Cameron, je serai près à parier qu'il en restera longtemps quelque chose, et si le monde ne meurt pas débile, Avatar sera juste invité à s'assoir sur un strapontin dans une rangée où seront assis Abyss, Terminator ou Titanic.
Les amateurs de SF aussi ont droit à leur chef d'oeuvre, à avoir un peu de psychologie (juste nécessaire au développement du personnage et à l'identification du spectateur — là c'est une identification en speed dating...). La SF n'est pas un sous genre qui n'a droit qu'à des histoires débiles, baclées et à des belles images. On a eu 2001, Starwars, Blade Runner... Il faut du temps pour développer un projet de SF. Ce que n'a pas fait Cameron. — Est-ce que Blade Runner est profond ? à quoi pense Deckard quand il a le regard dans le vide, un verre à la main ? c'est vrai ça, à quoi rêve les mouton mécanique ? on en sait rien. Ce qui compte, c'est qu'on se pose la question, parce que se la posant, c'est nous qui avont le regard dans le vague, et ça nous ramène à notre propre vie, notre propre sensibilité. Que peut donc représenter le monolithe dans 2001 ? que signifie la scène de fin ? est-ce que c'est profond ? non ça veut rien dire. C'est à nous de donner un sens là où il n'y en a pas. C'est ce qu'on fait toujours. Et c'est ce qui fait la profondeur des œuvres simples.