Astroblème de Rochechouart-Chassenon - Définition

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Introduction

Astroblème de Rochechouart-Chassenon
Image de synthèse du cratère quelques années après l’impact.
Localisation
Coordonnées
Pays France France
Région Limousin
Département Haute-Vienne, Charente
Arrondissements Rochechouart, Confolens
Géologie
Âge 214 Ma ± 8 Ma
Type de cratère Météoritique
Impacteur
Nature Chondrite ordinaire (H?)
Diamètre env 1,5 km
Vitesse 11 à 23 km.s-1
Angle inconnu°
Densité env 3 350 kg/m3
Cible
Nature Cristallin (granite, gneiss, leptinite)
Densité 2 750 kg/m3
Dimensions
Diamètre 21 km
Profondeur 700 m
Découverte
Découvreur François Kraut (8 mai 1967)
Éponyme Rochechouart, Chassenon

 

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Astroblème de Rochechouart-Chassenon

 

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Astroblème de Rochechouart-Chassenon

L'astroblème de Rochechouart-Chassenon (entre la Haute-Vienne et la Charente, France), aussi surnommé la météorite de Rochechouart, est un ensemble de marques laissées par l’impact d’un astéroïde tombé il y a environ 214 millions d’années.

Un astéroïde d’un kilomètre et demi de diamètre percute la Terre à une vitesse d’environ 20 kilomètres par seconde, au lieu-dit de La Judie, dans la commune de Pressignac en Charente. Il laisse un cratère d’au moins 21 kilomètres de diamètre, et ravage tout à plus de 100 kilomètres à la ronde. Des éjectas retombent à plus de 450 kilomètres de là. L’impact modifie également les roches du sous-sol sur plus de 5 kilomètres de profondeur.

L’érosion a complètement effacé toute trace dans le relief et seul le léger détour de la Vienne vers le sud dans la commune de Chassenon pourrait lui être attribué. Par contre, le sous-sol conserve de nombreuses roches fracturées, fondues, remuées, que l’on appelle des brèches. Ces roches particulières ont été utilisées pour la construction des monuments gallo-romains, comme les thermes de Chassenon, ainsi que des habitations et monuments dans toute la région.

Après avoir suggéré le 8 mai 1967 à l’Académie des sciences de Paris la possibilité d’un impact météoritique à Rochechouart, c’est en 1969, que François Kraut géologue au Muséum national d’histoire naturelle (MNHN) fait officiellement et formellement état de l’existence du cratère d’impact dans la revue de la société Geologica Bavarica en Allemagne. Cette publication mettait fin au mystère qui entourait l’origine de ces roches et durait depuis leur première description à la fin du XVIIIe siècle.

L’astroblème de Rochechouart est la première structure d’impact terrestre à avoir été découverte uniquement par l’observation des effets du choc sur les roches alors qu’aucune structure topographique circulaire n’est identifiable.

Découverte de l’astroblème

Carrière de « lave volcanique pour la construction » à Chassenon (Charente), vers 1910

L’énigme des brèches de Chassenon et de Rochechouart

L’origine des roches avec lesquelles sont fabriqués les thermes de Chassenon ou celles qui constituent la falaise située au pied du château de Rochechouart, et qui sont exploitées dans les carrières de la région, a été sujette à controverse dès que les géologues se sont intéressés à elles.

Nicolas Desmarest, qui sera bientôt membre de l’Académie des sciences, séjourne à Limoges entre 1762 et 1771. Il décrit cette roche en 1809 dans l’Encyclopédie Méthodique. Pour lui, il s’agit d’un granite à bande d’origine plutonique :

« Chassenon : C’est à Chassenon que tous ces effets du feu [souterrain] se sont offerts à moi sur une grande superficie de terrain […] La suite de ce travail m’a fait saisir deux accidents de feu très remarquables : le premier se manifeste par des altérations dégradées autour de plusieurs foyers et centres où le feu parait avoir agi avec plus de violence, sans cependant ouvrir le sol par une éruption marquée.

Le second accident consiste en des déplacements de grandes masses de terrain qui avaient pour centre les foyers dont j’ai parlé, et qui embrassaient une circonférence très étendue. J’observe que la plus grande partie du sol chauffé à Chassenon est un granit à bandes […].

Chabanois : […] On peut observer le granit à bandes depuis Chabanois jusqu’à Saint-Junien. »

Après Desmarest, Pierre Beaumesnil, correspondant à l’Académie des inscriptions et belles-lettres, explore en 1779 la ville de Chassenon à la recherche de la ville antique de Cassinomagus. Il fait état dans ses manuscrits de tuf volcanique à la pierre qui en provient, ainsi que le rapporte ultérieurement l’abbé Jean Hippolyte Michon en 1844 :

« La pointe Est de cette zone, entre Chassenon et Rochechouart, est occupée par un volcan éteint ; c’est, du côté de l’Océan, le dernier cratère du système des volcans d’Auvergne. Les laves qu’il a vomies sont exploitées dans les carrières de Chassenon et fournissent une pierre poreuse, non friable, grise, quelquefois verdâtre, d’une densité moins grande que celle du calcaire. On trouve, dans les blocs qu’on brise, des morceaux de granit, de grès et d’autres matières rejetées par le volcan ou entraînées par la lave, lors des éruptions. Beaumesnil est le premier qui ait parlé de ce volcan. Il donne le nom de tuf volcanique à la pierre qui en provient. »

En 1808, le préfet de la Haute-Vienne publie dans la Statistique générale de la France : département de la Haute-Vienne un passage concernant des roches inconnues récemment découvertes par François Alluaud, un fabricant de porcelaine de Limoges :

« Brèches primitives. On donne cette dénomination à un agrégat qui occupe, dans la commune de Rochechouart, près d’un myriamètre d’étendue. La découverte de cette brèche est nouvelle, et les minéralogistes qui l’ont observée ne sont pas d’accord sur sa nature ; les uns l’ont prise pour un ciment artificiel, les autres pour un produit volcanique.

[…]

On a cru devoir décrire, avec quelques détails, une roche inconnue jusqu’à ce jour. Ce n’est que depuis peu que M. Alluaud, qui en avait détaché quelques échantillons des tombeaux de l’Abbaye Saint-Martial de Limoges, et qui en ignorait le gisement, a éclairci ce fait géologique. »

En 1833, Guillaume Manès (1798-1881) leur donne une origine volcanique ; en 1858, Henri Coquand (1818-1894) et en 1901 Le Verrier (1848-1905) leur attribuent une origine sédimentaire, même H. Coquand doute de cette hypothèse quand il écrit à propos des roches de Chassenon qu’elles ont une origine problématique. En 1859, F. Alluaud apportait des précisions sur ces roches d’origine pyrogène (...) dont le mica semble avoir été rougi par une sorte de calcination, sans conclure sur leur origine toutefois. En 1910 Glangeaud indique l’existence d’une ancienne région volcanique ; en 1935 puis en 1937 François Kraut tente de démontrer une origine volcano-sédimentaire. Mais cette explication ne le satisfait pas car elle ne permet pas d’expliquer la structure cristallographique des cristaux de quartz et feldspath contenus dans ces roches.

En 1952, François Kraut retourne dans la région étudier le filon de quartz clivé de Saint-Paul-la-Roche à 40 kilomètres seulement de Rochechouart. La proximité de ce quartz particulier avec les brèches énigmatiques a de nouveau attiré son attention sur celles-ci.

Découverte des shatter cones, dessin de François Kraut (à gauche B.M. French, à droite F. Kraut)

François Kraut démontre l’origine impactite

Le 19 avril 1966, François Kraut se rend à Nördlingen (Allemagne) exprimer son point de vue sur la similitude entre les brèches de Chassenon et les suévites découvertes dans l’astroblème de Ries. Le géologue français a notamment découvert des quartz et feldspaths présentant des micro-fissurations anormales (quartz choqués), visibles à très fort grossissement, que l’on retrouve aussi à Ries. Malgré le peu d’intérêt des géologues allemands sur cette similitude, l’un d’entre eux, Gerold Wagner, prend contact avec François Kraut pour visiter le site. Cette visite a lieu en 1967 mais l’Allemand meurt juste après dans un accident de voiture. Il avait toutefois eu le temps d’écrire au géologue français deux lettres dans lesquelles il se disait lui aussi très impressionné par ces analogies.

Le 8 mai 1967, Jean Orcel lit à l’Académie des sciences de Paris une note de François Kraut qui fait pour la première fois état d’une probable origine impactite :

« Les brèches « volcaniques » de la région de Rochechouart, en particulier celles de Chassenon, montrent de grandes analogies avec les suévites du Ries. Le quartz qu’elles renferment présente des pseudo-clivages remarquables suivant plusieurs plans cristallographiques. (...) En résumé, (...)
1. La roche de Chassenon est une brèche volcanique. Dans ce cas les verres qu’elle contient seraient des laves vitreuses et les dislocations du quartz, attribuées généralement aux ondes de choc, peuvent être provoquées par une explosion volcanique.
2. Elles sont impactites et les verres résulteraient de la fusion de roches frappées par une météorite. Dans ce cas toute la géologie régionale doit être reconsidérée. »

Kurt Fredriksson, un géologue de la Smithsonian Institution avec lequel François Kraut effectue des recherches sur le cratère de Cachari, fait part des découvertes du Français à son ami Bevan M. French géologue au Goddard Space Flight Center de la NASA, l’un des spécialistes des quartz choqués.

L’équipe Kraut-French est formée et les découvertes s’accélèrent. François Kraut envoie à l’Américain des échantillons de ces roches qui, pour le moment, sont appelées « brèches volcaniques ». Il s’agit pour certains de fragments prélevés dans les ruines du château de Saint-Germain-de-Confolens. Bevan French confirme la présence de ces minéraux choqués et arrive à la même conclusion que François Kraut sur l’origine impactite de ces roches.

Il n’y a toutefois pas encore assez d’éléments pour conclure définitivement, c’est pourquoi l’article qui est présenté en octobre 1968 lors du 31e congrès de la Meteoritical Society à Cambridge (Massachusetts) (USA) par Nicholas Short ne mentionne que la présence probable d’un impact météoritique à côté de Chassenon en France.

En janvier 1969, François Kraut fait une conférence sur les impactites à l’École des mines de Paris. Il aborde notamment les similitudes entre les quartz choqués de Rochechouart et ceux créés par des explosions nucléaires. En avril 1969, il se rend aux États-Unis où il rencontre enfin son collègue américain. Ils mettent au point la visite du site de Rochechouart prévue l’été suivant entre les 8 et 22 août 1969. Outre François Kraut, participeront Bevan French et son épouse, Eugène Raguin et son épouse, les deux géologues Kurt et Becky Fredriksson.

Le 12 mai 1969, François Kraut trouve des pseudotachylites vers Pressignac, un autre type de roche formée par l’impact.

Entre temps, Bevan French avait demandé à Jack Hartung de dater quelques échantillons de brèche de Babaudus. Les résultats arrivent le 13 juin 1969 et indiquent un âge compris entre 150 et 170 millions d’années. Toutefois, Bevan French est persuadé que l’impact a eu lieu il y a plus de 210 millions d’années car on trouve des sédiments datés de cette époque à l’ouest de l’impact, alors qu’il n’y en a pas dans les brèches qu’il a pu observer.

Carte de l’astroblème relevée par François Kraut en 1975

Le 8 août 1969, les géologues américains arrivent en France et après six jours d’exploration, l’équipe découvre des cônes de percussion à proximité du village de Fontceverane. L’instant est immortalisé par François Kraut avec le dessin à droite. Les conditions de la découverte des cônes de percussion (shatter cones) sont racontées ci-dessous par Becky Fredriksson.

« We had been with him (François Kraut) previously in France at Rochechouart, etc. looking for rocks with shatter cones, a most educational field trip and gastronomic as well. (...) At the end of our trip looking for shatter cones we were very discouraged, but made one more stop. And, voila! Francois was standing alongside a wall, when we all turned and immediately saw the shatter cones in the wall! So we had been looking at country rocks instead of houses and fences! We all had a good laugh. »
« Nous étions allés avec lui (François Kraut) en France à Rochechouart, etc. à la recherche de cônes de percussion, un voyage autant éducatif que gastronomique. (...) Nous étions très découragés à la fin de notre voyage en quête de cônes de percussion, mais avons fait un dernier arrêt. Et voilà ! François se tenait le long d’un mur, et quand nous nous sommes tous tournés nous avons immédiatement découvert des cônes sur le mur ! Ainsi, nous les avions recherchés dans les roches du pays alors qu’il suffisait de regarder les pierres des murs et des murets ! Nous avons tous bien ri. »

Avec cette découverte, les géologues ont enfin la certitude que l’origine des énigmatiques roches de la région était un impact météoritique. De la visite ressortent les conclusions suivantes:

  • l’origine impactite est prouvée ;
  • l’extension des brèches dans un diamètre d’environ 10 kilomètres permet d’établir un diamètre de 15 à 20 kilomètres pour le cratère ;
  • l’empilement des diverses brèches correspond bien avec celles d’autres cratères mieux préservés.

En 1969, François Kraut communique à deux reprises dans les Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des sciences, à Paris, sur les brèches de Rochechouart-Chassenon, puis sur les cônes de percussion. Il fait enfin officiellement état de l’existence du cratère d’impact dans la revue de la société Geologica Bavarica en Allemagne. Cette publication mettait un terme au mystère qui entourait l’origine de ces roches qui durait depuis leur première analyse à la fin du XVIIIe siècle.

Les recherches ne s’arrêtent pas pour autant et en mai 1970, François Kraut et Kurt Fredriksson découvrent de nouveaux gisements de cônes de percussion dans la carrière de Champonger et en août à nouveau au voisinage de Fontcéverane. Les 27-30 octobre 1970 lors de la 33e réunion de la Meteoritical Society à Shenandoah (USA), François Kraut et Bevan French présentent ensemble devant le monde scientifique leurs conclusions sur l’astroblème de Rochechouart-Chassenon.

La découverte de l’astroblème est ultérieurement confirmée en 1972 par E. Raguin, puis en 1974 par Philippe Lambert. Ce dernier déterminera plus précisément l’emprise du cratère sur le terrain, mais cette emprise sera contestée par François Kraut.

En 1975, l’astroblème de Rochechouart-Chassenon est à l’honneur lors du 38e congrès annuel de la Meteoritical society qui se tenait à Tours sous l’égide de Paul Pellas. En effet, les 31 juillet et 1er août, 238 scientifiques originaires de 17 pays guidés par François Kraut ont exploré l’astroblème en quête de brèches.

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