Fédération de l'éducation nationale - Définition

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La forteresse enseignante

Un poids incontestable

La FEN obtient un taux de syndicalisation massif d'environ 70%. Couplé à la progression des effectifs, la FEN se renforce, alors même que le syndicalisme ouvrier est en déclin, revendiquant plus de 500 000 adhérents, soit plus que la CGC ou la CFTC, et peut-être même Force ouvrière. Dans les années soixante et soixante-dix, elle joue même assez souvent un rôle de pont entre les confédérations.

C'est en 1976 qu'elle obtient du gouvernement de l'époque (lettre du Premier ministre d'alors, Jacques Chirac) une reconnaissance officielle comme centrale syndicale de fait. Une seconde lettre confirmant cette représentativité lui sera adressée en 1986 par le Premier ministre Laurent Fabius.

La création d'œuvres mutualistes, coopératives et d'associations

Parallèlement, la FEN et le SNI établissent ou sont actifs dans de nombreux organismes annexes: mutuelles, coopératives, banque... comme la MGEN, la MAE, la CAMIF, la CASDEN Banque populaire, qui brassent des sommes considérables. Les militants de la FEN sont également actifs dans des associations périscolaires: Ligue de l'enseignement, Jeunesse au Plein Air, etc. a soutenu le développement de la FCPE pour les parents d'élèves. Unie, la FEN est un acteur économique et syndical incontournable.

En 1948, la création toute récente de la MGEN (décision du congrès du SNI de 1946) avait pesé lourd dans le choix du maintien de l'unité par l'autonomie.

Conclusion : avec l'UNSA, un retour à l'intégration dans une structure interprofessionnelle

Au sortir de la scission, la FEN voit son influence très fortement réduite. En revanche, dès 1993, elle réussit partiellement, l'opération de regroupement de syndicats autonomes (les confédérations restant chacune sur leur pré carré) avec la création de l'UNSA (Union nationale des syndicats autonomes) de caractère interprofessionnel. L'UNSA, qui ne représentait que 0,71% des suffrages aux élections prudhommales de 1997, a atteint plus de 5% des voix en 2002. A contrario, l'audience dans le privé de l'ex-Groupe des Dix est passé de 0,31% à 1,5%  et la CFE-CGC obtient est passée, elle, de 5,85% à 7% des suffrages.

On peut considérer, surtout à partir de 1998 (congrès d'Issy-les-Moulineaux de l'UNSA marquant l'entrée en nombre de militants du secteur privé) que l'histoire de la FEN autonomecommencée en 1948 s'achève et que commence, sur le champ de syndicalisation qui était le sien, l'histoire de l'UNSA Éducation, revenue aux sources interprofessionnelles de la Fédération Générale de l'Enseignement.

La fin du modèle unitaire

Une raison externe : le développement de la concurrence syndicale

Les syndicats de la FEN ont pu être contestés par des syndicats catégoriels (comme le Syndicat national des collèges créé en 1960) ou, chez les personnels non-enseignants, par des syndicats confédérés (essentiellement la CGT qui, longtemps, n'avaient qu'un seul syndicat enseignant : celui de l'enseignement technique professionnel).

L'émergence du SGEN

Né en 1937, le SGEN (SGEN-CFTC puis SGEN-CFDT après 1964) est longtemps resté relativement marginal. Dans les années soixante-dix pourtant, le SGEN-CFDT s'est posé comme une organisation alternative qui mais très minoritaire dans le premier degré, plus présente dans le second degré, en profitant de l'image novatrice qu'avait alors la CFDT et d'orientations pédagogiques innovantes. Il s'est appuyé notamment, dans la période qui a suivi mai 1968, sur des militants de la FEN, souvent proches du PSU qui s'étaient retrouvés au sein d'une nouvelle tendance : Rénovation syndicale, née au congrès du SNI de novembre 1968, qui liait transformation sociale (voire sociétale) et transformation de l'École, ont, notamment au SNES, rejoints le SGEN

L'influence du SGEN, réelle ou supposée, sur le cabinet Savary en 1981 était liée à sa reconnaissance implicite, alors, comme laboratoire d'idées. Si, depuis des années, la FEN ou certains de ses syndicats avait déjà avait travaillé sur la prise en charge par le système éducatif de publics différenciés, mais aussi par des politiques publiques sur leur environnement, l'appellation ZEP, restrictive au demeurant, venait du SGEN-CFDT.

1984 : la remise en cause du pacte de 1948 par Force ouvrière

Depuis la scission confédérale de 1948 qui avait vu les amis de Léon Jouhaux et Robert Bothereau fonder la Confédération générale du travail-Force ouvrière, un accord tacite excluait la concurrence entre les syndicats enseignants de la FEN et les confédérations issues de l'ancienne CGT unifiée en 1935 et réunifiée par les accords du Perreux de 1943. Les militants de la FEN qui appartenaient à la tendance Force ouvrière restèrent fidèles à la majorité fédérale, y compris quand Force ouvrière renonça à la double affiliation et tenta (vainement) de concurrencer le SNI en créant dans les années cinquante un syndicat de directeurs d'école. Si Paul Ruff conserva la tête d'une tendance spécifique au SNES, il fut, de 1947 au milieu des années soixante responsable de l'importe section de la Seine de la FEN au titre du courant majoritaire.

La situation change en 1984 quand Force ouvrière se développe chez les enseignants en bénéficiant de la venue massive et organisée de militants de la tendance EE-FUO reprochant à la fois au SNI-PEGC et à la FEN leur supposé manque d'activisme laïque et, peut-être surtout, une volonté de transformation du système éducative remettant en cause la logique de seule transmission des savoirs (défense de l' instruction/vs l' éducation) et, surtout, l'implication des parents d'élèves (notamment dans le premier degré). Ce positionnement va leur permettre d'agréger les mécontentements et les inquiétudes en cette période de turbulence éducative.

Au-delà de leur environnement militant, les syndicats Force ouvrière réussissent alors une percée électorale aux élections professionnelles de 1984 chez les enseignants. Globalement, les syndicats de la FEN reculent de 7,5% (L'Enseignement public, mensuel de la FEN, janvier 1985), la FEN passant de 66% des voix (scrutin précédent) à 58,5% des suffrages exprimés. FO, quasi inexistant (2,4% au scrutin précédent) atteint globalement 9,5%, mordant même dans le secondaire sur des syndicats plus catégoriels voire marqués à droite.

Cette brèche supplémentaire laisse alors les syndicats de la FEN majoritaires, mais cette majorité n'est plus écrasante et la montée en puissance du SGEN-CFDT dans les décennies soixante-dix/quatre-vingt avait remis en question une quasi-hégémonie fondée sur un très puissant syndicalisme unitaire dans lequel l'importance des débats internes (de tendances ou entre syndicats) primait sur une concurrence externe à l'influence limitée...

désyndicalisation et coordinations

De 1948 à 1967, la syndicalisation de la FEN représentait de 63,1% à 57,7% des personnels. En 1969 (mai 68 est passé par là) le taux tombe à 52,8%. C'est à partir de 1980 qu'il tombe en dessous de 50%, avec une pente brutale dès avant la scission : 49,4% en 1982 ;36,4% en 1985nbsp;; 29% au congrès de Clermont-Ferrand.

La désyndicalisation s'est traduite, dans les années quatre-vingt, par des modes nouveaux d'organisation temporaire&nbp;: les coordinations, regroupant de manière indifférenciée syndiqués (notamment les militants des tendances d'extrême-gauche d'organisations diverses) et non-syndiqués. Elles ont pris à contre-pied les directions syndicales, avec généralement un positionnement jusqu'au-boutiste, mais témoignaient, indépendamment de leur impossibilité à construire un cadre durable d'action permettant de définir des objectifs autres que le simple retrait de telle ou telle réforme, du déplacement du centre de gravité.

À mesure que s'accroît la réalité de la concurrence externe — qu'il s'agisse de syndicats concurrents ou de collectifs temporaires —, la quasi-paralysie de la FEN et la cristallisation des jeux de tendance vont apparaître insupportables pour les militants majoritaires de la fédération — notamment au SNI-PEGC.

L'exacerbation des conflits internes

Le poids croissant du SNES et d'Unité et Action

De 1945 à 1967, à l'exception du SNESup, les syndicats d'enseignants appartenaient à la majorité fédérale. Dans les années soixante-dix, l'opposition entre tendances se doublait d'une opposition entre enseignants de type second degré long et autres enseignants. Le SNI-PEGC et le SNETAA (enseignants des lycées professionnels) appartenaient en effet à la majorité fédérale. À la fin des années quatre-vingt, la majorité du SNETAA se sépare de la majorité fédérale et crée son propre courant de pensée (Autrement) dont l'influence n'excède guère le SNETAA.

Or le renforcement numérique de l'enseignement secondaire par l'allongement et la massification de la scolarité dans le second cyle, combinée à la secondarisation croissante des personnels de collège (en 1987, René Monory, ministre de l'Éducation, décide d'arrêter le recrutement des PEGC), renforcent objectivement U&A qui peut envisager, à terme, de conquérir la FEN, mais refuse de fait la discipline fédérale. Le SNES en particulier récuse toute compétence réelle à la fédération.

La cristallisation des tendances en fractions

En 1973, malgré une décision contraire de la FEN, quatre syndicats de la FEN à direction Unité & Action (SNES, SNEP, SNESup, SNCS) appelant à suivre un mouvement de grève fonction publique lancé par la CGT et la CFDT, alors que la commission administrative nationale de la fédération avait levé son mot d'ordre de grève sur un sujet à l'évidence de compétence fédérale. Le congrès de 1973 adopte un Manifeste pour l'unité et la responsabilité de la FEN qui laisse planer la menace de sanctions en cas de nouveaux dérapages, mais restera sans lendemain tant est grand le choix de l'unité.

Dès les années quatre-vingt, le climat interne se dégrade fortement. D'une part, les militants minoritaires accusent la majorité de préparer une recomposition syndicale qui regrouperait un bloc réformiste composé de la CFDT, de la FEN et de syndicats autonomes appartenant au Groupe des Dix (dont une partie participera en 1993 à la création de l'UNSA, dans un contexte où la scission de la FEN est cependant déjà un fait accompli. D'autre part, les militants majoritaires dénoncent la constitution de facto d'une FEN bis autour des syndicats à direction Unité & Action (SNES, SNEP, SNESup, SNETAP (enseignement agricole public : le syndicat de Michel Deschamps qui sera le premier secrétaire général de la FSU)) et d'un bloc de trente sections départementales du SNI-PEGC à direction Unité & Action — une FEN bis prenant ses propres décisions, adoptant ses propres mots d'ordre et défendant ses propres positions.

Les tendances ne sont plus seulement, pour autant qu'elles l'aient été, de simples courants de pensée favorisant l'expression des idées comme en 1948, elles sont devenues, de part et d'autre, des fractions figées.

La scission de 1992 et ses conséquences

Les clivages deviennent de plus en plus fort, notamment au congrès de Clermont-Ferrand (1991) qui voit s'opposer deux blocs. La majorité fédérale, arithmétiquement menacée, est résolue à engager une restructuration interne à son avantage (syndicat des enseignants). L'enjeu se traduit par l'éviction de Yannick Simbron, secrétaire général de la FEN, jugé attentiste, et son remplacement, quatre mois après sa réélection, par Guy Le Néouannic.

En avril 1992, un conseil fédéral national de la FEN, sur le rapport de la commission des conflits fait un constat de non-affiliation (de fait, d'exclusion) du SNES et du SNEP. La justice, saisie par ces deux syndicats, n'impose qu'une confirmation par un congrès ce qui sera fait à Créteil en octobre 1992.

Dans l'intervalle, le SNI-PEGC est devenu (juin 1992) Syndicat des Enseignants (SE-FEN), en occupant, dans la fédération, le champ laissé libre par la disparition du SNES et du SNEP (à cette occasion, il est rejoint par le SNEEPS et des militants issus du SNES, du SNETAA et du SNEP).

Le SNES, le SNEP, la plupart des autres syndicats à direction U&A, les militants U&A du SNI-PEGC et la majorité des militants École émancipée (ceux des Alpes-de-Haute-Provence restent au SE) vont fonder la FSU, après la création d'un syndicat du premier degré, le SNUipp. Le SNETAA fait partie des fondateurs de la FSU, mais la quitte en 2001.

Ce bloc a perdu la bataille juridique qu'il avait engagée, mais il gagne celle des élections professionnelles de 1993, puis les suivantes. La FSU devance nettement la FEN et en 1996, si le Syndicat des enseignants accède à la commission paritaire des certifiés, il est devancé par le SNUipp chez les instituteurs et professeurs des écoles. La chute de la FEN, devenue UNSA Éducation en 2000, n'est stoppée qu'aux élections professionnelles de 2005 : l'UNSA éducation se positionne alors comme la deuxième fédération du secteur. Mais elle reste majoritaire chez les personnels de direction et d'inspection et fortement implantée chez les personnels IATOSS.

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