Masse de la Terre - Définition

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Bibliographie

Bullen, K.E. (1975). The Earth's Density, Chapman and Hall, London. ISBN 0-412-10860-7.

Expérience de Cavendish

Schéma de la balance de torsion de Michell et Cavendish

Nous avons vu que Newton lui-même avait suggéré deux méthodes pour déterminer la masse de la Terre. Nous avons déjà longuement évoqué celle qui consiste à se servir de l'attraction d'une montagne, et nous avons conclu qu'à cause du phénomène d'isostasie, cette méthode ne pouvait guère fournir de résultats précis. L'autre méthode envisagée par Newton consiste à déterminer directement la constante de gravitation G.

Vers la fin du XVIIIe siècle, John Michell ouvrit la voie à une telle mesure directe de G au laboratoire, évitant les incertitudes attachées aux estimations de l'effet de grandes entités géologiques comme celles impliquées dans les expériences de déviations de la verticale provoquées par des montagnes ou dans les mesures de différences de la pesanteur entre le sommet et le fond d'une mine. Michell construisit une balance de torsion afin de mesurer directement la force d'attraction F s'exerçant entre deux sphères pleines de masses m1 et m2. Si d désigne la distance entre les centres de masse respectifs de ces sphères, la loi d'attraction universelle de Newton requiert que F = Gm1m2/d². En mesurant F, m1, m2 et d, on obtient G. L'appareil de Michell comprenait une barre horizontale AB, de centre C, d'une longueur de 6 pieds, suspendue à un point fixe O au moyen d'un fil vertical OC dont la longueur est de 40 pouces (environ 102 cm). Des sphères de plomb de 2 pouces de diamètre, donc de masse m1 valant(4π/3) (2 x 2,54/2)³ x 11,34 ≅ 778,4 grammes, étaient suspendues en A et B au moyen de deux fils de fer très courts. Cet équipage était logé dans une étroite armoire en bois. À l'extérieur de cette armoire, Michell avait prévu la possibilité d'amener un système composé de deux grosses boules de plomb de 8 pouces de diamètre, chacune ayant une masse 4³ fois supérieure à une petite sphère, c'est-à-dire près de 50 kilogrammes (exactement 49,8176 kg). Ces deux grosses masses m2 se placent de part et d'autre du plan OAB, à proximité des deux petites masses m1 de manière à ce que dans chaque couple (m1, m2) les masses s'attirent chacune avec une force F = Gm1m2/d² agissant approximativement dans une direction horizontale, perpendiculairement au plan OAB. Le fil OC est ainsi tordu par un couple horizontal d'un angle ϑ, que l'on peut mesurer par exemple à l'aide d'un système optique. Soit k la raideur en torsion du fil OC. A l'équilibre on a donc kϑ = 2Gm1m2/d², d'où l'on peut tirer G = kϑd²/(2m1m2), à condition de pouvoir mesurer la raideur du fil de torsion. Pour ce faire, on évalue le moment d'inertie de l'équipage m1ABm1, soit I1, par rapport à l'axe OC et on mesure dans une expérience auxiliaire la période d'oscillation de cet équipage autour de OC lorsque le système des grosses boules de masses m2 se trouve éloigné. Si T1 désigne cette période, on a k = 4π²I1/T1². Ainsi, la constante G est caractérisée en termes des quantités mesurables m1, m2, L, d, ϑ, I1 et T1.

John Michell mourut en 1793, avant d'avoir pu se servir de son appareil pour déterminer la constante de gravitation. Celui-ci passa d'abord à W.H. Wollaston, qui n'en fit rien, mais le confia peu de temps après à Henry Cavendish (1731–1810). Celui-ci y apporta quelques améliorations tout en lui conservant pour l'essentiel la configuration imaginée par Michell. Il isola l'appareil des courants d'air qui pouvaient perturber les mesures, et il ajouta un télescope pour observer les déflexions. Sa célèbre détermination de G fut publiée en 1798. En prenant la moyenne des résultats de 29 ensembles de mesures corrigées de divers effets (et en éliminant une erreur arithmétique signalée plus tard par Bailey), la valeur de G déterminée par Cavendish fournit <ρ> = 5,448 ± 0,033 g/cm³.

De nombreuses autres mesures de G ont suivi celle effectuée par Cavendish. Citons-en quelques-unes soit pour leur intérêt historique, soit pour leur intérêt tout court. Ainsi, F. Reich fit des déterminations de G avec un appareil fort semblable à celui employé par Cavendish. Convertis en valeurs de la densité moyenne de la Terre, les résultats qu'il obtint sont ρ = 5,49 g/cm³ en 1837 et ρ = 5,58 g/cm³ en 1852. D'autre part, F. Bailey obtint en 1842 la valeur ρ = 5,67 g/cm³. A. Cornu et J. Baille trouvèrent en 1873 des valeurs de ρ s'échelonnant entre 5,50 et 5,56 g/cm³. P. von Jolly utilisa une balance ordinaire de haute précision et mesura la différence de pesanteur entre le sommet et le bas d'une tour de 21 mètres de haut. Il obtint ainsi en 1881 la valeur ρ = 5,69 g/cm³. Tout juste un siècle après Cavendish, en 1898, F. Richarz et Krigar-Menzel obtinrent, de manière analogue à von Jolly, la valeur ρ = 5,505 g/cm³. Un peu avant, en 1892, Poynting utilisa aussi une balance (ordinaire) très sensible et précise, dont chaque plateau était chargée d'une masse m1, et plaça une masse m2 alternativement sous l'un des plateaux, puis sous l'autre, de manière à ce que l'alignement entre les masses m1 et m2 fut parfaitement vertical dans un cas comme dans l'autre. La valeur qu'il obtint est ρ = 5,49 g/cm³. En 1895, C.V. Boys modifia l'instrument initial de Michell-Cavendish en remplaçant le fil de torsion OC, initialement en fer, par un fil de quartz. Cette innovation lui permit d'employer des masses (en or) plus faibles et de réduire ainsi divers effets extérieurs à l'expérience mais la perturbant de manière gênante. Par exemple, la variation de l'inclinaison du plancher lorsqu'on bougeait les masses constituait une telle perturbation, qu'il était difficile de chiffrer exactement. Ses mesures avec l'instrument amélioré fournirent ρ = 5,527 g/cm³. En 1896, Braun et Eőtvős Loránd (Roland von Eötvös) trouvèrent un résultat voisin de celui de Boys. Ils utilisèrent aussi une balance de torsion, mais conçue par Eőtvős lui-même. À côté de leur emploi pour mesurer G, les balances d'Eőtvős allaient tout de suite trouver des applications pratiques (et lucratives) en prospection gravimétrique, art qui était alors à ses débuts. Elles restèrent opérationnelles sur le terrain pendant plusieurs décennies, jusqu'à ce que des gravimètres d'un maniement plus aisé les remplacent. À cause de leur sensibilité extrême, les balances d'Eőtvős n'ont pas perdu leur intérêt, ni pour la physique, ni pour la géodésie. Elles ont notamment permis de vérifier avec une très grande précision, de l'ordre de 10–9, l'équivalence des deux types de masse, pesante et inerte. Cette équivalence est un postulat sur lequel Albert Einstein a fondé la théorie de la relativité générale.

Les valeurs de G comptant actuellement parmi les meilleures ont été fournies en 1930 par l'expérience de P.R. Heyl (ρ = 5,517 g/cm³) et en 1942 par celle de P.R. Heyl et P. Chrzanowski (ρ = 5,514 g/cm³). Zahradnicek obtint en 1933 la valeur ρ = 5,528 g/cm³ qui semble un peu moins précise. A l'aide de critères statistiques appliqués à un ensemble de 25 déterminations de G effectuées par Boys et par Heyl, H. Jeffreys déduisit la valeur G = (6,670 ± 0,004) x 10–11 m³kg–1s–2. Cette valeur a servi de référence en physique et, surtout, en géodésie et en géophysique pendant la majeure partie de la deuxième moitié du XXe siècle. Avec GM = 3,986 x 1014 m³s–2, la valeur de G indiquée par Jeffreys conduit à une masse totale M = 5,977 x 1024 kg et à une densité moyenne ρ = 5,517 g/cm³. Des expériences plus récentes ont légèrement changé la valeur de G acceptée pour le moment (à savoir G = 6,672(59 ± 84) x 10–11 m³kg–1s–2, conduisant à la masse de la Terre mentionnée au début de cet article, M = 5,9736 x 1024 kg), mais il convient de noter que de nouvelles expériences, certaines fondées sur des méthodes différentes de celles utilisées jusqu'à présent, sont en cours ou en projet dans divers laboratoires à travers le monde. L'incertitude attachée à la masse M de la Terre, et d'ailleurs à n'importe quelle masse cosmique, est proportionnelle à l'incertitude attachée à la valeur de G. À l'heure actuelle, on connaît le produit GM avec une très grande précision grâce aux satellites artificiels et à la géodésie spatiale, mais les valeurs de G, et donc de M, ne sont connues qu'avec une précision relative de l'ordre de 10–4 à 10–5.

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