Cerveau: Mieux vaut tard que jamais !

Publié par Adrien,
Source: CNRS-INSBAutres langues:
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Jeune, notre cerveau est formidablement plastique. Il crée, défait, complète, réorganise une foule de réseaux neuronaux afin d'y stocker les traces des multiples expériences qui jalonnent notre vie. Cette capacité peut malheureusement décliner avec l'âge et conduire à des troubles cognitifs. Mais tout n'est pas forcément perdu. Malgré un âge avancé, l'enrichissement des conditions de vie peut rendre au cerveau une partie de sa jeunesse. Des chercheurs du Laboratoire de neurosciences cognitives et adaptatives lèvent le voile sur des mécanismes moléculaires que l'enrichissement peut rétablir chez les sujets âgés au bénéfice de leurs capacités cognitives. Cette étude est publiée dans la revue The journal of Neuroscience.


Figure: L'optimisation des circuits neuronaux nécessaires au bon fonctionnement du cerveau est faite en augmentant les stimuli sensoriels, moteurs et cognitifs en réponse aux interactions avec son environnement (thérapie cognitivo-comportementale). Ceci peut être reproduit expérimentalement en laboratoire en exposant des rongeurs à des conditions dites "enrichies" (socialement, physiquement et en augmentant la nouveauté et le changement), à l'aide de grandes cages, dans lesquelles les jouets sont variés, et les rats regroupés par cohortes d'une dizaine. Cette étude montre que les rats âgés répondent encore à un environnement enrichi en favorisant les acétylations de la chromatine et la transcription de gènes tel que le BDNF, qui facilitent la plasticité cérébrale et les apprentissages, en activant des voies spécifiques de réponse à NF-kB.
© Anne-Laurence Boutillier. Jean-Christophe Cassel

Les neurones ont la capacité de modifier durablement l'efficacité de leur transmission synaptique. Cette propriété, qui est à la base de la formation des souvenirs, s'affaiblit avec l'âge. On sait depuis plus de 60 ans que le fait d'exposer des souris ou des rats de laboratoire à un milieu physiquement et socialement enrichi agit positivement sur la stimulation de leurs neurones, sur la signalisation cellulaire et sur la plasticité, notamment dans une structure cérébrale appelée l'hippocampe. Chez le sujet jeune, un facteur neurotrophique du nom de BDNF (de l'anglais Brain-derived neurotrophic factor) joue un rôle crucial dans la médiation des effets de l'environnement enrichi sur le système nerveux. Lorsque le BDNF augmente dans l'hippocampe, il favorise la plasticité. Les niveaux de BDNF sont régulés par des mécanismes dits épigénétiques. Ceux-ci s'appuient, entre autres, sur une réaction chimique appelée acétylation et intervenant au niveau des histones de l'ADN. Lorsque l'acétylation de certaines histones augmente, comme cela se produit aussi au cours d'un apprentissage, la fabrication de BDNF augmente à son tour et la consolidation des souvenirs est facilitée. Ces mécanismes ont été décrits chez des souris ou des rats jeunes, mais on ignore s'ils sont encore opérationnels chez le sujet âgé.

Des chercheurs du Laboratoire de Neurosciences Cognitives et Adaptatives ont comparé deux cohortes de rats âgés de 24 mois, un très grand âge pour un rat. Tous les rats ont été maintenus dans des conditions d'élevage dites "standardisées" (deux rats partagent une cage classique d'élevage) entre les âges de 1 et 18 mois. A 18 mois, une première cohorte a été placée pendant 6 mois dans des conditions d'élevage enrichies (10-12 rats dans une grande cage comprenant de nombreux objets changés tous les jours). L'autre a été maintenue dans les conditions standardisées pendant la même durée. Les chercheurs ont ensuite étudié les événements moléculaires associés à l'acétylation des histones dans l'hippocampe de ces rats en se focalisant sur le gène codant pour le BDNF, et ceci aussi bien dans des conditions de repos qu'au cours d'un apprentissage.

Du fait du vieillissement, la transcription des gènes associés à la plasticité et à la mémoire s'atténue, ce qui explique très probablement les troubles de la cognition liés à l'âge. Les chercheurs strasbourgeois ont montré que l'exposition à un environnement enrichi, même tardive, permet de stimuler cette plasticité cérébrale ainsi que les capacités de la mémoire spatiale des rats âgés. Au niveau moléculaire, ils ont mis en évidence l'implication de l'acétylation de certaines histones et l'association du facteur NF-kB dans la transcription de gènes associés à la plasticité hippocampique. L'exposition de rats à un environnement enrichi pendant 6 mois avant la fin de leur vie induit l'expression et l'activité d'enzymes épigénétiques comme les histones acétyltransférases (par ex. PCAF/KAT2B). Cette induction favorise la transcription de certains gènes de réponse à NF-kB (BDNF et CAMK2D). Il en résulte, entre autres, une augmentation de la neurogenèse et une formation de nouvelles synapses, comme montré en collaboration avec des chercheurs strasbourgeois de l'Institut des Neurosciences Cellulaires et Intégratives. L'originalité des résultats repose sur le fait que les rats âgés ont été capables d'activer ces voies de signalisation spécifiques grâce à l'exposition tardive à un environnement enrichi. La plasticité hippocampique s'en est trouvée améliorée, tout comme la capacité d'apprentissage, et ce malgré l'âge.

Les travaux futurs porteront sur la relation entre les gènes de plasticité induits par l'enrichissement environnemental et les régulateurs transcriptionnels tels que NF-kB. Ces travaux fourniront des données pour le développement de nouvelles stratégies thérapeutiques visant à prévenir ou à retarder le déclin cognitif lié à l'âge. Ils indiquent aussi que pour un vieillissement de qualité, il vaudrait mieux rechercher un fort niveau de stimulations physiques et sociales.
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