Le programme Vision pour l'Exploration de l'Espace de la NASA prévoit un retour sur la Lune comme préparation pour de plus longs voyages vers Mars et au-delà. Mais il y a un danger potentiel: les radiations de l'espace. Les chercheurs réétudient une vieille idée pour protéger les astronautes contre le rayonnement. Des charges opposées s'attirent. Des charges de même signe se repoussent. C'est une des premières leçons d'électromagnétisme et, un jour, il se pourrait qu'elle sauve des vies.
L'espace au delà des orbites basses autour de la Terre est rempli du rayonnement intense du Soleil et des sources galactiques telles que les supernovas. Des astronautes en route vers la Lune ou Mars vont être exposés à ce rayonnement, augmentant le risque de provoquer des cancers ou d'autres maladies. La recherche d'une bonne protection est vitale.
Les supernovas et le soleil produisent des radiations dangereuses
La façon la plus simple de se protéger du rayonnement est de le bloquer physiquement, comme le fait le béton épais autour d'un réacteur nucléaire. Mais la fabrication de vaisseaux spatiaux en béton n'est pas vraiment envisageable. (Par contre, il pourrait être possible de construire une base lunaire à partir d'un mélange de poussière lunaire et d'eau, si tant est que cette dernière puisse être trouvée sur la Lune, mais cela est une autre histoire). Les scientifiques de la NASA étudient beaucoup de matériaux protecteurs tels que l'aluminium, divers types de plastiques ou même l'hydrogène liquide. Chacun a ses avantages et inconvénients propres.
Telles sont les solutions physiques. Il y a cependant une autre possibilité, sans consistance physique mais potentiellement dotée d'un fort pouvoir protecteur: un champ de force.
La majeure partie du rayonnement dangereux dans l'espace se compose de particules électriquement chargées: électrons et protons à grande vitesse en provenance du Soleil, et noyaux atomiques massifs et positivement chargés en provenance des supernovas éloignées. Des charges de même signe se repoussent. Aussi pourquoi ne pas protéger les astronautes en les entourant d'un puissant champ électrique de même charge que le rayonnement entrant, afin d'éloigner ces radiations ?
Beaucoup d'experts sont sceptiques à propos du fait que des champs électriques puissent être utilisé pour protéger des astronautes. Mais Charles Buhler et John Lane, deux scientifiques du Centre Spatial Kennedy, pensent que cela est possible. Ils ont reçu le support de l'Institut pour les Concepts Avancés de la NASA, pour étudier la faisabilité de boucliers électrostatiques pour les bases lunaires.
Bouclier électrostatique au rayonnement, se composant de sphères internes chargées positivement et des sphères externes chargées négativement. L'écran est mis à la terre.
"L'utilisation de champs électriques pour repousser le rayonnement fut l'une des premières idées dans les années 50, quand les scientifiques ont commencé à s'occuper du problème de la protection des astronautes au rayonnement", indique Buhler. "Ils ont cependant rapidement abandonné ces idées car les tensions extrêmement élevées requises et les conceptions plutôt maladroites qui semblaient nécessaires (comme par exemple, de placer les astronautes à l'intérieur de deux sphères concentriques en métal) rendaient un tel bouclier absolument impossible à réaliser en pratique".
L'approche de Buhler et de Lane est différente. Dans leur concept, une base lunaire pourrait être surmontée d'une demi-douzaine de sphères gonflables et conductrices d'environ 5 mètres de diamètre. Les sphères seraient alors chargées à un potentiel électrostaique très élevé: 100 mégavolts ou plus. Cette tension est très grande mais comme il n'y aurait que très peu de circulation de courant (la charge reposerait statiquement sur les sphères), peu de puissance serait nécessaire pour maintenir cette charge.
Potentiels du bouclier
Les sphères seraient faites d'un tissu mince et fort (tel que le Vectran, qui a été utilisé pour les ballons d'atterrissage qui ont amorti l'impact des robots d'exploration de Mars) et seraient enduites d'une très fine couche d'un bon conducteur comme l'or. Les sphères de tissu pourraient être pliées pour le transport et se gonfler simplement lors de leur charge électrostatique: les charges des électrons dans la couche d'or en se repoussant forceraient la sphère à se former.
Le système serait placé très au-dessus des astronautes afin d'éviter tout risque de contact. En choisissant soigneusement l'agencement des sphères, les scientifiques peuvent maximiser leur efficacité à repousser les radiations tout en réduisant au minimum leur impact sur les astronautes et les équipements au sol. Suivant les configurations envisagées, en fait, le champ électrique au niveau du sol pourrait être nul, ce qui éliminerait tous risques potentiels dus à ces puissants champs électriques.
Buhler et Lane recherchent encore le meilleur agencement: une partie du défi réside dans le fait que le rayonnement est constitué aussi bien de particules positives que de particules négatives. Les sphères doivent être arrangées de sorte que le champ électrique soit par exemple négatif loin au-dessus de la base (pour repousser les particules négatives) et positif plus près du sol (pour repousser les particules positives). "Nous avons déjà simulé trois geometries qui pourraient fonctionner", indique Buhler.
Des système portables pourraient même être montées sur des buggies lunaires pour offrir une protection à des astronautes en train d'explorer la surface, d'après Buhler.
Tout cela semble merveilleux, mais il y a beaucoup de problèmes scientifiques et d'ingénierie qui doivent être résolus. Par exemple, les sceptiques notent qu'un bouclier électrostatique sur la Lune est susceptible d'être court-circuité par la poussière lunaire en suspension, qui elle-même est chargée par le rayonnement ultraviolet solaire. Le vent solaire soufflant à travers le bouclier pourrait également poser des problèmes. Les électrons et les protons du vent pourraient se trouver emprisonnés dans le labyrinthe des forces qui composent le bouclier, provoquant de forts courants électriques fortuits juste au-dessus des têtes des astronautes.
"Cette recherche est toujours en phase préliminaire", souligne Buhler. "La poussière, le vent solaire et d'autres problèmes sont toujours en cours d'investigation. Il se peut qu'un genre différent de bouclier fonctionne mieux, par exemple un champ magnétique supraconducteur. Nous devons trier parmi beaucoup d'idées".