Les données collectées par les instrument ACP (Aerosol Collector and Pyrolyser) et GCMS (Gas Chromatograph Mass Spectrometer) de la sonde Huygens lors de sa descente vers la surface de Titan en janvier dernier ont permis aux scientifiques d'effectuer les premières analyses chimiques in situ de l'atmosphère de la lune de Saturne.
Accroissement des quantités d'azote et de méthane au cours de la descente de la sonde Huygens
Deux des principales énigmes posées par Titan sont l'origine de l'azote moléculaire et du méthane dans l'atmosphère, et les mécanismes par lesquels le méthane subsiste alors qu'il est l'objet d'une destruction rapide par photochimie (principalement par les rayons ultraviolets).
Le GCMS a mesuré la composition chimique de l'atmosphère et les quantités d'isotopes présents depuis l'altitude de 140 kilomètres jusqu'à la surface. L'appareil a confirmé que les constituants principaux étaient l'azote et le méthane, et que la brume atmosphérique était principalement constituée de méthane.
À partir des mesures isotopiques, les scientifiques ont obtenu deux résultats principaux. Le ratio des isotopes du carbone (12C/13C) dans le méthane suggère un réapprovisionnement continu ou périodique du méthane dans l'atmosphère, mais aucune preuve n'a été trouvée de la présence de systèmes biologiques actifs.
La proportion des isotopes d'azote (14N/15N) suggère aux scientifiques que l'atmosphère primordiale de Titan était cinq fois plus dense qu'elle ne l'est actuellement, et que par conséquent de l'azote s'est perdu dans l'espace.
De l'argon 36 a été détecté pour la première fois, mais aucune trace de xénon ni de krypton. Cependant, l'argon se trouve en petite quantité, ce qui est particulièrement intéressant en raison de l'énorme quantité d'azote dans l'atmosphère et parce qu'environ 50% de la masse de Titan est constitué de glace d'eau, qui est connue pour être un transporteur potentiellement efficace de gaz nobles. Cette petite quantité implique que l'atmosphère s'est condensée sous forme d'ammoniaque et non pas d'azote. L'absence des autres gaz nobles, qui est étonnante, permettra d'envisager des théories sur l'origine et l'évolution de l'atmosphère de Titan.
Spectre de masse de la surface de Titan et signature de quelques éléments
La composition des vapeurs de surface obtenues par le GCMS après l'atterrissage prouve que Huygens s'est posé sur une surface humide contenant du méthane, qui s'est vaporisé lorsque le sol froid s'est réchauffé sous la sonde brûlante. La surface était également riche en composés organiques non détectés dans l'atmosphère, comme le cyanogène et l'éthane, ce qui montre que le sol, aussi bien que l'atmosphère, possède une chimie complexe.
De l'Argon 40 a été aussi détecté à la surface et sa présence indique que Titan a connu dans le passé et connaît très probablement toujours aujourd'hui, une activité géologique interne.
Analyse des échantillons de particules
Les aérosols jouent un rôle important dans la détermination de la structure thermique de l'atmosphère, en affectant les processus de réchauffage et de refroidissement radiatifs. Ils peuvent être à l'origine des couches chaudes et froides qui à leur tour contribuent à la circulation des vents et déterminent leur force.
L'ACP a obtenu des mesures directes de la composition chimique de ces particules d'aérosol. L'ammoniaque et le cyanure d'hydrogène ont été les premières molécules identifiées. C'est un fait important parce que l'ammoniaque est absent de l'atmosphère en tant que gaz, et par conséquent les aérosols doivent être le résultat de réactions chimiques qui ont pu produire des molécules organiques complexes. Ce ne sont pas simplement des condensats.
Les particules d'aérosol peuvent également agir en tant que noyaux de condensation pour la formation de nuages, et sont les produits finaux d'une chimie organique complexe qui est importante en astrobiologie. Titan offre donc la possibilité d'observer une chimie impliquant des molécules qui peuvent avoir été les premières briques de la vie sur la Terre.