Comment la Terre a observé la descente de Huygens sur Titan

Lorsque la sonde Huygens s'est posée sur la surface du Titan en janvier 2005, une batterie d'instruments et de télescopes de par le monde observaient ou écoutaient l'événement. Les résultats de ces observations sont désormais compilés et pour la première fois publiés. Ces travaux fournissent un contexte supplémentaire permettant d'interpréter les mesures et les résultats transmis par la sonde elle-même.

Des centaines de scientifiques, travaillant sur 25 (radio-) télescopes situés principalement autour du Pacifique, d'où Titan était visible au moment de la descente de Huygens, ont observé le satellite de Saturne avant, pendant et après cette descente. Ce fut l'une des plus grandes campagnes d'observation terrestre ayant jamais eu lieu pour soutenir une mission spatiale.


Les premières observations ont commencé une année avant l'événement, quand les scientifiques ont utilisé le fait que Titan passait directement devant deux étoiles lointaines. Par observation de la façon dont la lumière des étoiles s'affaiblissait, les scientifiques ont pu analyser la densité, les vents et la température de l'atmosphère de Titan, ce qui a leur permis de confirmer que celle-ci était conforme à leurs prévisions.

Un an plus tard, les télescopes ont surveillé l'atmosphère et la surface de Titan aux longueurs d'onde infrarouges durant les jours et les semaines autour de la descente de Huygens. Encore aujourd'hui, ces observations sont d'une importance cruciale pour les scientifiques alors qu'ils continuent à interpréter les données retournées par la sonde. "Nous voulions savoir si le jour de la descente était un jour particulier sur Titan, afin de pouvoir replacer les données de Huygens dans un contexte correct", explique Olivier Witasse de l'ESTEC (European Space Research and Technology Centre).

Les radiotélescopes ont été utilisés pour suivre Huygens. Des observations par interférométrie (VLBI) et par effet Doppler impliquant 17 télescopes avaient été prévues. On s'attendait à ce que le "pistage Doppler" complète l'expérience radio embarquée sur Huygens qui devait utiliser l'orbiteur Cassini en relais. Le projet VLBI avait été initialisé environ deux ans auparavant comme expérience test. Personne ne pouvait tenir pour certain que le signal de Huygens serait détectable mais, s'il était détecté, il aurait très bien pu être l'unique source d'information.

"Un des objectifs de l'observation VLBI était de reconstruire la trajectoire de la descente de la sonde avec une précision de dix kilomètres. Titan étant distant de plus d'un milliard de kilomètres de la Terre, cela équivaut à une précision de trois mètre sur notre propre Lune. Un autre objectif était de démontrer la faisabilité de cette nouvelle technique pour de futures missions ", indique Jean-Pierre Lebreton de l'ESA.

Les expériences radio ont fonctionné au delà des espérances et se sont même avérées être un "filet de sécurité" quand le second canal de réception des transmissions de Huygens est tombé en panne pendant la descente. Les données de certaines des six expériences de Huygens ont été perdues, y compris celles nécessaires pour le suivi des vents pendant la descente entière. Les données Doppler du télescope de Green Bank ont fourni les informations en temps réel sur la dérive de la sonde au grès de ces vents. Le traitement des données du VLBI n'est pas encore achevé mais les résultats préliminaires semblent déjà très prometteurs.

L'analyse combinée des données de Huygens avec celles acquises par Cassini depuis déjà deux ans a permis aux scientifiques de reconstruire la trajectoire de la sonde avec précision. Ils situent précisément son point d'atterrissage en 10,33 degrés sud et à 192,32 degrés ouest. Les données VLBI fourniront une reconstruction indépendante de cette trajectoire, ce qui permettra de confirmer et d'encore affiner la trajectoire entière de la descente et les coordonnées du site d'atterrissage.