Découverte d'une horloge à rayons gamma dans notre Galaxie

Publié par Michel,
Source et illustrations: Coloration HESSAutres langues:
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Les chercheurs du CNRS (laboratoires IN2P3 et INSU) et du CEA-DAPNIA, dans le cadre de la collaboration internationale HESS, viennent d'annoncer la découverte d'une émission périodique de photons gamma de très haute énergie en provenance d'un système binaire.

L'objet responsable de cette émission est un système double appelé LS 5039, constitué d'une étoile bleue massive (20 fois plus que le Soleil) autour de laquelle orbite un objet compact encore non identifié qui pourrait être un trou noir galactique. Lorsqu'il plonge vers l'étoile géante bleue, le compagnon compact est exposé au "vent" stellaire violent et à la lumière intense émis par l'étoile.


Le système binaire LS 5039

Cela permet l'accélération de particules à de hautes énergies, mais, dans le même temps, gêne l'échappement des rayons gamma produits par ces particules (en fonction de l'orientation du système par rapport à nous). L'interaction de ces deux effets produit un motif complexe de modulation. C'est le signal périodique d'énergie la plus élevée jamais détecté, près de 100 000 fois plus que ce que l'on connaissait auparavant.

Cette découverte, publiée récemment dans Astronomy & Astrophysics, permet de mieux localiser la source de rayonnement gamma dans l'environnement de LS 5039 et ouvre la voie à une meilleure compréhension de la dynamique de tels systèmes binaires.

Dans notre Galaxie, plus de 80% des étoiles sont membres de systèmes multiples (doubles, triples, ...) constitués de plusieurs étoiles en orbites les unes autour des autres. Les étoiles isolées, telle le Soleil, sont une minorité. Dans le système LS 5039, les deux astres sont en orbite très serrée, leur distance variant entre 2 et 4 fois le rayon de l'étoile (environ un dixième de la distance Terre-Soleil) avec une période de révolution de 3,9 jours, confirmée par HESS avec une précision meilleure que 0,04%.

L'équipe de HESS a mis en évidence une émission gamma périodique, dont l'intensité est maximale lorsque l'objet compact est en avant de l'étoile et minimale, mais non nulle, lorsqu'il est en arrière (figure ci-dessous). "De plus, nous avons découvert que la distribution énergétique des rayons gamma varie fortement au cours de l'orbite, avec notamment un excès de rayons gamma de haute énergie dans l'état de haute intensité", note Gavin ROWELL, chercheur dans HESS (travaillant alors à l'institut Max Planck de Physique Nucléaire, MPI-K).


Modulation de l'émission de LS 5039 le long de son orbite:
Les mesures obtenues par HESS (chaque point noir intègre un temps de pose
d'une demi-heure) sont distribuées selon une sinusoïde (courbe en rouge)
au cours de la période orbitale (dont deux phases sont représentées)

Cette émission gamma trouverait son origine dans l'interaction violente entre l'objet compact et le vent stellaire (un flux de particules accélérées dans l'atmosphère de l'étoile et responsable, dans le cas du Soleil, des orages magnétiques et des aurores boréales observées sur Terre). L'objet compact, en parcourant son orbite, agirait ainsi comme une sonde de l'environnement électromagnétique de l'étoile: l'intensité du vent stellaire, le rayonnement optique et ultraviolet de l'étoile et le champ magnétique changent en fonction de la distance à l'étoile, ce qui influence le processus d'accélération de particules près de l'objet compact. Une autre implication de cette découverte serait que l'accélération de particules responsables de l'émission a lieu à petite distance de l'étoile, distance similaire à la distance Terre-Soleil.

En outre, un effet géométrique rajoute une modulation au flux des rayons gamma observé depuis la Terre. On sait depuis Einstein et la célèbre formule de l'équivalence matière-énergie (E=mc²) que des paires de particules-antiparticules peuvent s'annihiler mutuellement pour donner de la lumière. Symétriquement, quand les rayons gamma très énergétiques rencontrent la lumière de l'étoile massive, ils peuvent être convertis en matière (une paire électron-positon dans ce cas). Ainsi, la lumière de l'étoile agit comme un brouillard pour les rayons gamma, les absorbant quand leur source — l'objet compact — est en arrière de l'étoile, et alors est partiellement éclipsée. "L'absorption périodique des rayons gamma est une jolie illustration de la production de paires matière anti-matière par de la lumière, mais elle obscurcit aussi notre vue de l'accélérateur de particules dans ce système" explique Guillaume DUBUS, du Laboratoire d'Astrophysique de Grenoble.

La modulation observée par HESS trouverait alors son origine à la fois dans une modulation, le long de l'orbite, des processus d'accélération de particules (et de production de rayons gamma) et dans l'effet géométrique dû au "brouillard". "C'est la première fois dans l'histoire de l'astronomie gamma de très haute énergie qu'on assiste en quelque sorte à une expérience répétée, évoluant, d'accélération de particules dans un environnement bien déterminé" dit Mathieu DE NAUROIS, du Laboratoire de Physique Nucléaire et de Hautes Énergies, à Jussieu.

La découverte de la collaboration HESS de cette horloge orbitale, grâce à la précision de ses mesures, ouvre la voie à une meilleure compréhension de l'environnement des trous noirs, étoiles à neutrons, et plus généralement des sites d'accélération de particules dans l'Univers.

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