Le dernier sursaut des cellules mourantes

Publié par Adrien,
Source: CNRS-INSBAutres langues:
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L'équipe de Magali Suzanne au Laboratoire de biologie cellulaire et moléculaire du contrôle de la prolifération, révèle que loin d'être une simple élimination passive de cellules, la mort cellulaire programmée ou apoptose intervient activement dans la morphogenèse. Avant de mourir, les cellules apoptotiques exercent une force qui augmente la tension cellulaire et dont la transmission aux cellules voisines entraîne un remodelage tissulaire aboutissant à un changement de forme du tissu en développement. Cette étude est publiée dans la revue Nature.


Figure: A gauche, schéma de la force générée par une cellule apoptotique avant de mourir (flèche rouge), et de sa propagation dans le reste du tissu (flèches vertes). A droite, remodelage du tissu et formation d'un pli en réponse à ces forces apoptotiques (en haut) ou absence de morphogenèse si l'apoptose n'a pas pris place (bas), soit au niveau du tissu de patte (tissu, coupes sagittales), soit sur des images issues de la modélisation biophysique du phénomène (simulation).
© Magali Suzanne et Guillaume Gay

L'apoptose est un processus cellulaire essentiel qui permet d'éliminer des cellules potentiellement dangereuses, de réguler le nombre de cellules au sein d'un tissu mais aussi de sculpter différentes structures. Parmi les différents modèles de morphogenèse dépendante de l'apoptose, la formation des doigts chez les vertébrés a été extensivement étudiée. Ceci a permis de proposer que l'apoptose, par la simple élimination de cellules, agirait comme un sculpteur sur pierre qui élimine progressivement de petits fragments afin de révéler une nouvelle forme.

Contrairement à ce rôle passif, l'équipe de Magali Suzanne démontre que les cellules apoptotiques peuvent avoir un rôle actif dans le remodelage tissulaire, notamment dans la formation de plis au sein d'un épithélium au cours du développement. En prenant comme modèle d'étude la patte de drosophile, les chercheurs montrent que chaque cellule apoptotique génère avant de mourir une force reposant sur la formation d'un câble apico-basal d'acto-myosine. La contraction de ce câble entraine la déformation transitoire de la surface apicale de l'épithélium, et en conséquence la stabilisation de myosine II au niveau des jonctions adhérentes et une augmentation de tension dans les cellules voisines. Finalement, la synergie de plusieurs cellules apoptotiques dans un domaine restreint permet une augmentation de tension suffisante pour entrainer la formation d'un pli, permettant de passer d'un tissu bidimensionnel à un tissu tridimensionnel, étape clé dans le remodelage tissulaire ou morphogenèse.

Afin de tester si ces forces apoptotiques constituent le signal initial responsable du changement de forme du tissu, un modèle biophysique de l'épithélium a été élaboré. Dans ce modèle théorique tridimensionnel, il a été montré que les forces apoptotiques (force apico-basale suivie de sa propagation apicale) sont à la fois nécessaires et suffisantes pour entrainer la formation d'un pli, suggérant que ce nouveau mécanisme pourrait survenir dans tout type d'épithélium. Ce travail constitue une avancée importante avec, notamment, la démonstration que les cellules apoptotiques peuvent jouer un rôle moteur dans la morphogenèse.

L'apoptose est également impliquée chez les vertébrés dans la courbure du tube neural et son absence peut entraîner des malformations nommées spina bifida. Il sera très intéressant de tester si les mécanismes cellulaires décrits ici chez la drosophile sont conservés chez les vertébrés.
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