Contrairement aux humains, les plantes ne peuvent ni fuir ni se cacher lorsqu'elles sont exposées à des conditions de stress dans leur environnement. Comment font-elles alors pour survivre? Une nouvelle étude de l'Université de Montréal, dont les résultats sont publiés dans le journal Proceedings of the National Academy of Sciences of the USA, a permis de découvrir un mécanisme important de contrôle des mutations dangereuses des gènes qui assure la continuation des espèces vertes.
"Nous avons découvert un nouveau mécanisme qu'utilisent les plantes pour prévenir l'apparition de modifications dangereuses dans leurs gènes, mais qui pourrait en même temps donner lieu à certaines mutations utiles, a indiqué le Dr. Normand Brisson, professeur de biochimie à l'Université de Montréal, qui a fait cette découverte avec deux de ses étudiants diplômés, Alexandre Maréchal et Jean-Sébastien Parent.
"Les mutations ont joué un rôle essentiel dans l'évolution des plantes, permettant par exemple d'augmenter leur valeur nutritive, leur résistance aux maladies et aux conditions climatiques hostiles, poursuit le Dr. Brisson. Nos résultats ouvrent également de nouvelles voies de recherche pour l'étude de mécanismes similaires de réparation des gènes chez humain."
La mutation des gènes chez les plantes
Tout être vivant est constamment exposé à des stress pouvant entraîner des mutations génétiques; si rien n'est fait, ces mutations peuvent avoir des conséquences désastreuses comme le développement de cancers chez l'humain ou la résistance des tumeurs aux médicaments de lutte contre le cancer.
Les cellules ont développé un arsenal de mécanismes dans le but de corriger ces mutations, notamment en utilisant des stratégies découvertes récemment qui peuvent aussi modifier le nombre de copies de chacun des gènes. Ces mécanismes de correction ont attiré l'intérêt des chercheurs puisqu'ils pourraient jouer un rôle essentiel dans l'évolution des espèces. Par exemple, bien que les gènes du chimpanzé et de l'homme soient pratiquement identiques, des différences dans le nombre de copies des gènes pourraient expliquer certaines distinctions entre ces espèces.
Le Dr. Brisson soupçonnait qu'une famille de protéines qu'il a étudiée pendant des années, appelées Whirlies (du fait de leur structure particulière qui rappelle celle d'un petit moulin à vent) pourrait être importante pour la protection contre les mutations dans les cellules végétales, notamment dans le chloroplaste, le centre de la photosynthèse qui permet aux plantes de transformer le gaz carbonique en sucre et de dégager l'oxygène que nous respirons.
Avec ses étudiants et le Dr. Franz Lang, professeur de biochimie, il a démontré que les Whirlies sont essentiels à la prévention de réarrangements majeurs du matériel génétique pouvant entraîner la création de nombreuses copies de gènes. Cette découverte est importante étant donné que le nombre de copies de chaque gène doit respecter un équilibre précis avec les autres gènes afin que tous puissent bien fonctionner ensemble.
Même si d'un côté la multiplication des gènes peut être préjudiciable, elle peut aussi s'avérer un mécanisme d'adaptation important aux changements environnementaux; il est donc possible que, dans certains cas, ce type de mutations permette en fait aux êtres vivants de survivre dans un environnement en pleine évolution.
"Les effets des changements climatiques et de la pollution industrielle sur la santé des humains nous préoccupent et nous pouvons facilement oublier à quel point l'augmentation de la température moyenne et des concentrations de polluants nuit aussi aux plantes sur lesquelles nous dépendons pour notre survie, a souligné le Dr. Brisson. Ces changements rapides des conditions environnementales créent un stress important sur les cultures, les arbres et les plantes sauvages, et pourraient avoir des effets imprévus sur leurs gènes."