Des chercheurs de l'Institut de recherche sur le cancer et le vieillissement en collaboration avec le laboratoire d'anatomie et cytologie pathologique du CHU de Nice, le Medical Research Council d'Edimbourg, et le Département of Cancer Stem Cell Biology de l'Université d'Osaka, démontrent que le facteur de transcription Wilms' tumor suppressor 1 (WT1), caractérisé initialement comme un suppresseur de tumeur, est un facteur majeur de la néovascularisation et de la progression tumorale. WT1 active la transcription de gènes pro-angiogéniques dans les néo-vaisseaux intra tumoraux et est nécessaire pour la fonction immunosuppressive des cellules myéloïdes au sein du stroma tumoral. Cette étude publiée dans la revue Nature Communications fait de WT1 une cible thérapeutique pertinente pour de nouvelles stratégies anti-cancéreuses.
Le gène WT1 (Wilm's tumor suppressor gene 1), décrit initialement comme un gène suppresseur de tumeur en raison de son inactivation par mutation dans la tumeur de Wilms (néphroblastome), a été récemment proposé comme un promoteur de tumeur en raison de sa surexpression dans les cellules tumorales de nombreux types de cancers chez l'homme. Cette observation a été à l'origine des premiers essais cliniques de vaccination dont les résultats sont encourageants.
Nicole Wagner et Kay-Dietrich Wagner, à l'Institut de Recherche sur le Cancer et le Vieillissement de Nice dirigé par Eric Gilson, étudient le rôle de WT1 dans la néovascularisation, phase cruciale du développement tumoral, et dans l'échappement des cellules tumorales au contrôle immunitaire. Dans cette nouvelle étude, les chercheurs prouvent que la protéine WT1, outre son expression dans les cellules tumorales, est également retrouvée dans la majorité des constituants cellulaires du stroma tumoral. Surexprimé dans les cellules endothéliales des néo vaisseaux tumoraux, le gène WT1 l'est également dans les cellules progénitrices hématopoïétiques et les cellules myéloïdes immunosuppressives, avec un rôle favorisant l'angiogenèse et bloquant la destruction des cellules cancéreuses par les cellules immunitaires.
En comparant les effets de l'invalidation conditionnelle du gène WT1 in vivo sur différents types tumoraux et dans différents modèles de souris transgéniques, les chercheurs démontrent que cette invalidation, spécifiquement dans les cellules endothéliales, ralentit et limite la croissance tumorale en diminuant la néo-angiogenèse. L'invalidation complémentaire de WT1 dans les cellules progénitrices hématopoïétiques et les cellules myéloïdes immunosuppressives, induit la régression tumorale en associant à la régression de la néo vascularisation une activation de la réponse immunitaire, qui participe à l'inhibition de la formation de métastases. Au niveau moléculaire, la protéine WT1 active la transcription du gène Pecam-1 codant la platelet/endothelial cell adhesion molecule 1 et du gène de la protéine c-kit, qui stimulent l'angiogenèse. L'invalidation de WT1 spécifiquement dans les cellules myéloïdes immunosuppressives inhibe leur fonction suppressive sur la prolifération des lymphocytes T.
Cette approche multidisciplinaire désigne donc le gène WT1 comme un acteur majeur de la progression tumorale locale et métastatique. Avec trois niveaux d'action indépendants - activation de la prolifération cellulaire tumorale, stimulation de l'angiogenèse et inhibition de la réponse immunitaire anti tumorale- la protéine WT1 peut être considérée comme une cible prometteuse dans de futurs essais thérapeutiques.
Figure:L'invalidation du gène Wt1 inhibe la croissance tumorale et l'angiogenèse. Photographies et images en microscopie confocale de tumeurs mélanomes B16 trois semaines après l'injection de cellules tumorales dans les animaux transgèniques dont le gène WT a été non-invalidé (gauche) ou invalidé avec le Tamoxifène (droite). Les double marquages du Collagen IV (rouge) et de Pecam-1 (vert) confirment la régression des vaisseaux tumoraux.