La matière approche la vitesse de la lumière à proximité d'un trou noir

Publié par Michel,
Source: Max Planck Institute for Extraterrestrial PhysicsAutres langues:
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Juste avant que la matière ne soit engloutie par un trou noir vorace, elle tourne autour du monstre à une vitesse proche de celle de la lumière, ce qui en provoque l'échauffement et la libération d'une quantité énorme d'énergie sous forme de rayons X. Les différents éléments évacuent l'énergie avec une empreinte particulière que les astronomes peuvent détecter. Des chercheurs européens ont effectué des études sur les atomes de fer lorsqu'ils tournoient autour de trous noirs et ont découvert que leur vitesse provoquait un effet relativiste. L'équipe a fait la moyenne des rayonnements X de 100 trous noirs distants pour faire ressortir la signature significative de la matière prête à être consommée par un trou noir.

Le ciel entier est rempli d'une lueur diffuse et élevée d'énergie: le fond cosmique de rayons X. Ces dernières années, les astronomes ont réussi à associer ce rayonnement à différents objets de la même façon que Galilée, au début du 17ème siècle, a réduit la lumière émise par la Voie Lactée aux étoiles qui la composent. Le fond cosmique de rayons X provient de centaines de millions de trous noirs super massifs, qui sont alimentés par la matière aux centres de systèmes galactiques éloignés. Nous observons les trous noirs dans ce fond cosmique pendant leur phase de croissance. Dans l'univers d'aujourd'hui, des trous noirs massifs sont dénichés aux centres de pratiquement toutes les galaxies voisines.

Quand la matière se précipite dans l'abîme d'un trou noir, elle fonce autour du tourbillon cosmique avec une vitesse approchant celle de la lumière et est échauffée si fortement qu'elle émet son "dernier appel au secours" sous forme de rayonnements hautement énergétiques, avant de disparaître pour toujours. Par voie de conséquence, les trous noirs présumés invisibles sont parmi les objets les plus lumineux de l'univers, s'ils sont suffisamment alimentés aux centres des galaxies actives. Les éléments chimiques de la matière émettent des rayons X de longueurs d'onde caractéristiques et peuvent donc être identifiés par leur empreinte spectrale. Les atomes de fer sont un outil de diagnostique particulièrement utile, car c'est le métal le plus abondant dans le cosmos et qu'il rayonne intensément à haute température.


fig. 1: Image d'artiste de l'écoulement relativiste de matière autour d'un trou noir
tournant rapidement au centre d'un disque d'accrétion (en orange).
À proximité immédiate du trou noir, le rayonnement des atomes se déplaçant
en direction de l'observateur est décalé vers les longueurs d'onde plus courtes (en bleu)
et sont beaucoup plus intenses que celui des atomes qui vont en sens inverse (en rouge).
L'image du disque à proximité du trou noir semble déformée par
la courbure importante de l'espace-temps

De la même manière qu'un radar identifie les voitures roulant trop vite, les vitesses relativistes des atomes de fer entourant le trou noir peuvent être mesurées par la variation de la longueur d'onde de leur rayonnement. Les effets de la Théorie Générale de la Relativité d'Einstein prédisent une raie au profil élargi et asymétrique dans le spectre de rayonnement X des trous noirs. La Relativité postule que des horloges en mouvement ralentissent, et la Relativité Générale prévoit que des horloges ralentissent à proximité de grandes masses. Les deux effets mènent à un décalage de la lumière émise par les atomes de fer dans les plus grandes longueurs d'onde du spectre électromagnétique. Cependant, lorsqu'on observe la matière entourant le "disque d'accrétion" (fig. 1) sur le côté, le rayonnement des atomes qui se dirigent dans notre direction semble décalé vers des longueurs d'onde plus courtes et beaucoup plus intenses que pour ceux qui s'éloignent de nous. Ces effets de la Relativité sont d'autant plus marqués que la matière est proche du trou noir. En raison de la courbure de l'espace-temps, le phénomène est plus important pour les trous noirs dont la rotation est plus rapide. Ces dernières années, les mesures des raies relativistes du fer sont devenues possibles pour quelques galaxies voisines (la première fois en 1995 par le satellite japonais ASCA).

Aujourd'hui les chercheurs regroupés autour de Günther Hasinger du Max Planck Institut en collaboration avec le groupe de Xavier Barcons du Spanish Instituto de Física à Santander et de Andy Fabian de l'Institut d'Astronomie de Cambridge ont découvert l'empreinte relativiste des atomes de fer dans le rayonnement X moyen pour une centaine de trous noirs distants (fig. 2). Les astrophysiciens ont utilisé l'observatoire spatial à rayons X de l' ESA XMM-Newton. Ils ont pointé l'instrument sur un secteur de la constellation de la Grande Ourse pendant plus de 500 heures et ont découvert plusieurs centaines de faibles sources de rayon X.


fig. 2: Spectre X moyen des galaxies actives dans le fond cosmique de rayons X.
Les radiations d'environ 100 galaxies actives éloignées ont d'abord été corrigées
par rapport au reste de la Voie Lactée puis additionnées.
Un modèle spectral sans raie a ensuite été soustrait.
Le spectre résiduel montre une raie relativiste, intense et large de fer,
qui doit provenir de la matière à proximité immédiate des trous noirs

En raison de l'expansion de l'univers, les galaxies s'éloignent de nous avec une vitesse qui augmente avec la distance et leurs raies spectrales apparaissent toutes à des longueurs d'onde différentes ; les astronomes ont d'abord du étalonner le rayonnement X de tous les objets avec le reste de la Voie Lactée. Les mesures nécessaires de distances pour plus de 100 objets ont été obtenues à l'aide du télescope Keck américain. Après avoir corrélé le rayonnement de tous les objets, les chercheurs ont été très surpris du signal inopinément élevé et de la forme très élargie et caractéristique de la raie spectrale du fer.

De la force du signal ils ont déduit la fraction des atomes de fer dans la matière en accrétion. De façon surprenante, la proportion en fer dans la "nourriture" de ces trous noirs relativement jeunes est environ trois fois plus élevée que dans notre système solaire, qui s'est formé sensiblement plus tard. Les centres des galaxies dans l'Univers primordial ont donc dû avoir une méthode particulièrement efficace pour produire le fer, probablement car l'activité violente des étoiles en formation "multiplie" les éléments chimiques bien plus rapidement que dans les galaxies actives. La largeur de la raie indique que les atomes de fer doivent rayonner très près du trou noir, ce qui est compatible avec son extrême vitesse de rotation. Cette conclusion est conforme à celles, plus indirectes, d'autres chercheurs, qui ont comparé l'énergie du fond cosmique de rayons X à toute la masse des trous noirs "inactifs" dans des galaxies voisines.

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