Pas facile de retrouver sa chambre d'étudiant lorsqu'on a quitté l'université il y a 10, 20 ou 30 ans... Mais une fois cette chambre retrouvée, on y retourne aisément le lendemain. En effet, en réactivant ce souvenir, il a été renforcé et mis à jour pour mieux se repérer. Pour cela, le cerveau sollicite de nouveaux neurones, nés une semaine avant la mémorisation de cette information. C'est ce que viennent de démontrer, sur des souris, des chercheurs du Centre de recherches sur la cognition animale (CNRS, Université Toulouse 3), en collaboration avec un chercheur du Centre en neurosciences intégratives et cellulaires (CNRS, Université de Bordeaux).
Une souris qui a appris l'emplacement de la plateforme lui permettant d'échapper à l'eau de la piscine est capable d'y retourner un mois après l'apprentissage
"Vous entrez dans une pièce connue en pensant la connaître parfaitement. Vous vous rendez compte de nouveaux détails, votre mémoire de cet environnement, appelée mémoire spatiale, est alors mise à jour" explique Claire Rampon, chercheur au CRCA (Centre de recherches sur la cognition animale). Cette mise à jour des souvenirs spatiaux érodés et le renforcement de ceux qui sont corrects se ferait notamment grâce aux neurones nouvellement formés lors de la première visite de la pièce en question.
Pour le démontrer, une équipe de chercheurs a marqué les neurones en formation dans des cerveaux de souris. Les souris ont été entraînées à nager dans une piscine où la seule possibilité d'échapper à l'eau consistait à monter sur une plateforme cachée sous la surface de l'eau. Placées aléatoirement dans l'eau, elles apprennent au fur et à mesure des essais le chemin pour rejoindre cette plateforme. Un mois plus tard, les chercheurs les ont remises dans la même situation avant d'observer leur cerveau. C'est alors qu'ils ont pu constater l'implication des neurones marqués formés un mois auparavant dans la mise à jour et le renforcement du souvenir spatial. Les chercheurs ont aussi observé le cerveau de souris qui n'avaient pas appris à localiser la plateforme immergée. Ils ont remarqué qu'une majorité des nouveaux neurones n'ont pas survécu et que ceux qui restent ne sont pas activés.
Des études précédentes avaient mis en évidence la production continue de neurones dans l'hippocampe (centre de la mémoire spatiale dans le cerveau) tout au long de la vie adulte des mammifères. L'étude réalisée par les chercheurs du Centre de recherches sur la cognition animale et du Centre en neurosciences intégratives et cellulaires précise donc le rôle de ces nouveaux neurones dans les processus de mémoire.
Les auteurs de cette publication émettent l'hypothèse de l'existence d'un "étiquetage" des nouveaux neurones immatures présents dans l'hippocampe lors de l'apprentissage initial qui permettrait, lorsqu'une situation identique se reproduit, de recruter ces nouveaux neurones et de mettre à jour l'information préalablement apprise.
Images d'une nouvelle cellule nerveuse (ici en rouge,marqueur BrdU) qui est un neurone mature (marqueur NeuN en bleu) activé (marqueur Zif268 en vert) lorsque l'animal a retrouvé l'emplacement de la plate-forme