Sida: le Cameroun relève le défi

Publié par Michel,
Source: Institut de Recherche Pour le Développement & EurekAlert
Illustration: IRD / Joseph FumtimAutres langues:
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50 % des Camerounais nécessitant un traitement contre le VIH ont aujourd'hui accès à ces soins. Ils n'étaient que 1 % au début des années 2000 et sont passés, en moins de dix ans, de quelques centaines seulement à près de 80 000.


Panneau de sensibilisation au dépistage du sida de l'Université de Yaoundé.

Dès le début de la décennie, la baisse des prix des médicaments antirétroviraux (1) a amorcé la tendance. Puis la décentralisation de l'accès aux soins, entreprise dès 2002 par le gouvernement, et le passage à la gratuité des trithérapies (2), depuis mai 2007, ont permis ce formidable progrès. À la demande du Ministère de la santé publique du Cameroun, les chercheurs de l'IRD et leurs partenaires au Sud et au Nord 3 ont mis en place un programme d'évaluation de cette réforme audacieuse de décentralisation, avec le soutien de l'Agence Nationale de Recherche sur le Sida et les hépatites virales (ANRS, France). Conclusion: aujourd'hui, la prise en charge des patients affiche des performances au moins aussi bonnes dans les services de districts (3) qu'à Yaoundé ou Douala, les capitales politique et économique.

Au Cameroun, la moitié des patients éligibles au traitement du VIH/sida suivent désormais un traitement, contre seulement 1 % d'entre eux en l'an 2000. Pour permettre cette considérable augmentation de la prise en charge des malades, la plus rapide d'Afrique centrale et de l'Ouest, le Cameroun a mis en place au début de la décennie un vaste programme de décentralisation de la prise en charge thérapeutique. A la demande du Ministère camerounais, et avec le soutien de l'ANRS, les chercheurs de l'IRD et leurs partenaires (4) ont évalué cette politique ambitieuse et montrent sa réussite.

Un système plus équitable


Pour mesurer les forces et les limites de ce programme visant à faciliter l'accès aux traitements, l'équipe multidisciplinaire a mis en place dès 2006, sur l'ensemble des dix régions du pays, quatre projets de recherches biomédicales, en sciences sociales et en santé publique.

Assiduité dans la prise de médicaments, restauration du système immunitaire et amélioration de la qualité de vie...: pour tous ces critères, les résultats cliniques pour les patients des établissements décentralisés sont au moins aussi bons que dans les services de soins centraux. Et ce, malgré des ressources humaines moindres et une prise en charge simplifiée. Pour certains critères, ils sont même meilleurs. Par exemple, les patients sont plus assidus au traitement que dans les grandes agglomérations. Le délai entre le diagnostic d'infection et la première consultation thérapeutique est aussi significativement plus court dans les services de districts. Enfin, le dispositif décentralisé renforce l'équité d'accès aux trithérapies: ces établissements touchent logiquement une population plus rurale, de moindre niveau d'éducation et vivant plus souvent au-dessous du seuil de pauvreté.

Par ailleurs, les résultats de l'évaluation soulignent le rôle positif du traitement sur la prise de conscience des malades grâce aux contacts répétés avec le système de soins (médecins, personnels soignants, associations, etc.). Les comportements sexuels à risque avec le partenaire principal sont en effet près de deux fois moins fréquents chez les personnes prises en charge que chez celles qui ne sont pas suivies.

Vers un accès au traitement facilité


Avec, en 2004, un taux de prévalence (5) de 5,5 % pour les 15-49 ans , le Cameroun connaît une épidémie dite "généralisée". Environ 500 000 personnes vivent aujourd'hui avec la maladie. En 2002, le gouvernement camerounais s'est engagé dans une ambitieuse politique de décentralisation de son offre de soins. Objectifs pour la période 1998-2008: réduire d'un tiers la morbidité et la mortalité des groupes les plus vulnérables, mettre en place une structure sanitaire délivrant le "paquet minimum d'activités" à moins d'une heure de marche pour 90 % de la population et une gestion efficace des ressources dans 90 % des structures sanitaires. Grâce aux médicaments génériques et à l'appui de financements internationaux de lutte contre le sida, le Ministère de la santé a pu diffuser la dispensation des trithérapies sur l'ensemble du territoire national. Pour cela, il s'est appuyé sur les structures décentralisées de santé préexistantes au niveau des districts, relançant et étendant les activités de ces dernières. En mai 2007, le passage à la gratuité des médicaments antirétroviraux est venu renforcer le dispositif. Grâce à ces mesures, de quelques centaines en 2001, le nombre de camerounais atteints du sida ayant accès au traitement est passé à 78 000 fin 2009.

Des obstacles restent à surmonter


La poursuite de la décentralisation du système de soins se heurte à différents obstacles: les limites structurelles du fonctionnement du système de santé camerounais, la crise des ressources humaines, avec un très grave déficit en personnels soignants, ainsi que la dépendance aux financements internationaux des programmes de soins, tels que le programme sida, financé à hauteur de 80 % par l'aide internationale. Or, dans le contexte de crise économique actuel, le gouvernement camerounais peut craindre à court terme une baisse de l'aide internationale.

Depuis plusieurs années, les trithérapies ont fait leur preuve dans les pays industrialisés en matière de lutte contre le sida. Pourtant, en Afrique subsaharienne où vivent 70 % des personnes touchées par le VIH, l'accès à ces traitements, de par leur coût et leur complexité, restait extrêmement limité. Bien que des problèmes, notamment financiers, et de ressources humaines, restent à résoudre pour assurer l'extension de l'accès aux antirétroviraux, le Cameroun montre l'exemple de progrès importants d'une politique globale associant plusieurs dynamiques: sociale, scientifique, politique, nationale et internationale.

Notes:

1. Les médicaments antirétroviraux sont l'unique traitement prévenant la transmission du VIH et restaurant le système immunitaire du malade.

2. combinaisons de trois médicaments antirétroviraux dans un même comprimé, permettant de pallier le risque d'apparition de résistance au traitement.

3. Subdivision départementale regroupant de petits villages ruraux.

4. Ces travaux ont été réalisés en collaboration avec des chercheurs des Universités de Yaoundé I et II, de l'Université Catholique d'Afrique Centrale, de l'Université d'Aix-Marseille II, de l'Université de Montpellier I, de l'Université Paris-Nord, du CNRS et de l'INSERM, avec le soutien de l'ANRS.

5. La prévalence est le pourcentage de personnes infectées par un agent pathogène au sein d'une population donnée.
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