Petite révolution dans le domaine de l'électronique de spin: une équipe de chercheurs (1) du Laboratoire de spectrométrie physique a réussi à observer le spin d'un atome de manganèse grâce à un électron excité par un rayon laser. Cette découverte pourrait permettre d'augmenter les capacités de stockage d'informations de nos ordinateurs.
Initiée il y a une quinzaine d'années par les travaux d'Albert Fert, Médaille d'or du CNRS, l'électronique de spin rend aujourd'hui possible la fabrication de mémoires informatiques d'un nouveau genre. Comment ? En agissant directement sur une caractéristique de l'électron qui lui est propre: son spin. On peut alors mieux contrôler le mouvement des électrons dans un matériau magnétique ou semi-conducteur.
Capture d'un atome
Mais le groupe de recherche grenoblois est allé plus loin. Les physiciens ont réussi la prouesse d'emprisonner un seul atome de manganèse dans une boîte en semi-conducteur (du tellure de cadmium) de 10 nanomètres de côté. Et ils ont ensuite visualisé son spin par l'intermédiaire d'un électron.
"La technique consiste à envoyer un faisceau laser sur la boîte nanométrique – ou boîte quantique –, explique Henri Mariette, chercheur à l'origine de la conception de ces nano-objets. Un électron du matériau est alors excité pendant un temps inférieur à une nanoseconde. Il perturbe l'atome confiné lui aussi dans la boîte. Et suivant la valeur du spin qu'avait l'atome à cet instant, l'électron qui se désexcite émet un photon à une énergie bien précise".
Il y a six valeurs du spin, donc six énergies observées en tout et pour tout. Ce qui fait dire au physicien "qu'en fixant la valeur du spin du manganèse, l'électron excité servirait alors en quelque sorte de tête de lecture de l'information codée grâce au spin".
Un nouveau pas vers un ordinateur quantique
Les chercheurs n'en sont pas encore là. Car la technique n'est pas totalement maîtrisée: les physiciens fabriquent d'abord les boîtes nanométriques, une couche atomique après l'autre, grâce à une méthode courante appelée épitaxie par jets moléculaires. Ils y envoient dans le même temps un jet d'atomes de manganèse. Certaines boîtes n'en reçoivent qu'un seul. Il reste alors à placer une plaque percée de trous nanométriques sur le matériau semi-conducteur. De cette manière, le laser n'atteint qu'une seule boîte quantique à la fois.
C'est Lucien Besombes qui a observé pour la première fois les six raies lumineuses, signe qu'un seul atome avait été détecté. Ce jeu de patience en vaut la chandelle: en plus de son application à l'électronique de spin, la technique pourrait être utilisée pour réaliser des bits quantiques, premier pas vers l'ordinateur quantique.
(1). Le groupe "Nanophysique et semi-conducteurs", équipe CNRS / CEA / Université Joseph Fourier de Grenoble. Leurs travaux ont été publiés dans la revue Physical Review Letters du 7 octobre 2004.