La mécanique quantique montre que les particules de notre univers n'ont pas de propriétés fixes comme les objets du quotidien. Elles existent dans un état de superposition jusqu'à ce qu'une perturbation les force à "choisir" une réalité. Ce principe fondamental implique qu'on ne peut pas connaître simultanément avec précision la position et la
quantité de mouvement d'une particule, une limitation connue sous le nom de principe d'incertitude de Heisenberg.
Des physiciens australiens viennent pourtant de réaliser l'impensable: mesurer ces deux grandeurs en même temps sans violer ce principe sacro-saint. Leur secret ? Utiliser des observables modulaires, une approche mathématique qui permet de contourner élégamment la limitation. Au lieu de chercher à connaître la position et la quantité de mouvement absolues, ils se sont concentrés sur leurs variations relatives à l'intérieur d'une échelle fixe, comme si on mesurait seulement les millimètres sur une règle sans s'intéresser aux centimètres.
L'expérience a été menée sur un ion unique, un atome chargé piégé par des champs électromagnétiques. Les chercheurs ont utilisé des lasers pour créer ce qu'on appelle un état de grille, où la fonction d'onde de l'ion se répartit en une série de pics régulièrement espacés. Chaque pic sert de point de référence, et lorsqu'une force minuscule déplace l'ion, l'ensemble du motif se décale légèrement. En analysant ces déplacements relatifs, ils ont pu détecter simultanément les changements de position et de quantité de mouvement.
Notez que la force mesurée, de l'ordre de 10 yoctonewtons (soit 0,00000000000000000000001 newton), n'est pas la plus faible jamais détectée, mais l'innovation réside dans la simplicité du dispositif expérimental. Alors que les records précédents nécessitaient des cristaux massifs et des installations complexes, cette approche utilise un seul atome dans un piège relativement simple. Cette accessibilité ouvre la voie à des applications pratiques dans des domaines comme la navigation quantique, où les systèmes GPS traditionnels échouent.
Christophe Valahu, physicien à l'Université de Sydney et auteur principal de l'étude, explique dans un communiqué que cette avancée pourrait avoir un impact comparable à celui des horloges atomiques. Les
capteurs quantiques ultra-précis pourraient révolutionner non seulement la navigation sous-marine et spatiale, mais aussi l'
imagerie médicale et biologique, en détectant des signaux si faibles qu'ils échappent aux instruments conventionnels.
Cette démonstration prouve que l'incertitude quantique n'est pas une barrière infranchissable, mais plutôt une frontière à redéfinir. En acceptant de perdre certaines informations considérées comme non essentielles, les scientifiques parviennent à extraire des
données jusqu'alors impossibles à obtenir simultanément. Cette philosophie de mesure pourrait inspirer de nouvelles générations de technologies quantiques, rendant possible ce qui semblait hier encore inconcevable.
Le principe d'incertitude de Heisenberg
Formulé en 1927 par le physicien allemand Werner Heisenberg, ce principe fondamental de la mécanique quantique établit qu'il existe une limite
fondamentale à la précision avec laquelle on peut connaître simultanément certaines paires de propriétés physiques d'une particule, comme sa position et sa quantité de mouvement. Cette limitation n'est pas due aux imperfections des instruments de mesure, mais à la nature même de la réalité quantique.
L'incertitude provient du fait que toute mesure en mécanique quantique perturbe nécessairement le système observé. Pour déterminer la position d'une particule avec une grande précision, il faut utiliser un rayonnement de courte longueur d'onde, ce qui transfère une quantité de mouvement importante à la particule, rendant sa vitesse incertaine. Inversement, mesurer précisément la vitesse nécessite une
observation prolongée, ce qui rend la position floue.
Cette relation d'incertitude s'exprime mathématiquement par une inégalité: le produit des incertitudes sur la position et la quantité de mouvement ne peut jamais être inférieur à une constante fondamentale liée à la constante de Planck. Ce principe s'applique également à d'autres paires d'observables, comme l'énergie et le temps, créant des limites fondamentales à ce qu'il est possible de connaître dans l'univers quantique.
Contrairement à une idée reçue, le principe d'incertitude ne signifie pas que les particules n'ont pas de propriétés définies, mais plutôt que ces propriétés n'existent pas de manière déterminée avant la mesure. C'est cette caractéristique qui distingue fondamentalement le monde quantique du monde classique que nous percevons au quotidien.