…Une réflexion relevée sur ce post :
Un fait ne relève pas de la rumeur, en tout cas : il y a quinze ans, l’ancienne Société nationale des chemins de fer a été « réformée », découpée en plusieurs morceaux dont, essentiellement, une société d’exploitation ferroviaire, la SNCF, et Réseaux ferrés de France, une société qui s’occupe de la maintenance des lignes et qui conserve la dette de l’ancienne SNCF afin que ce trésor négatif n’empêche pas la nouvelle SNCF de se développer. Tout cela s’inscrit dans le cadre de l’ouverture du marché ferroviaire à la concurrence au sein de la communauté européenne, mais c’est aussi une astuce pour que la SNCF soit rémunératrice pour des investisseurs privés, pour l’instant par le biais de filiales — ce qui constitue une forme assez sournoise de privatisation : officiellement, l’État est actionnaire unique de la SNCF, mais celle-ci a de nombreuses filiales qui elles sont des sociétés anonymes…
Avec la réforme de 1997, pour résumer, les Français ont perdu la SNCF mais ont conservé sa dette et le droit d’assurer la maintenance du réseau. La SNCF, de son côté, transforme les gares en centres commerciaux, a fait des « contrôleurs » des « agents de service commercial », et des « usagers », ses « clients ». Comme d’autres sociétés qui exploitent le réseau, la SNCF paie une redevance à Réseaux ferrés de France pour l’entretien des lignes, mais la somme n’est notoirement pas suffisante, est prioritairement affectée aux trains à grande vitesse, et l’on attend souvent que les lignes traditionnelles soient dans un état catastrophique pour s’en occuper. La ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse, où a eu lieu l’accident, était connue pour sa grande vétusté et l’âge canonique des trains qui y circulent.
Difficile d’affirmer avec certitude que l’accident aurait été évité si la SNCF consacrait un peu plus de ressources à son cœur de métier — le train —, qu’à des montages commerciaux. Les accidents, ça arrive. Mais quand le public réclame la privatisation ou l’ouverture à la concurrence de certains services publics, il s’expose à ce que ces services ne soient plus gérés à long terme dans l’intérêt des usagers, mais à court terme et dans l’intérêt de leurs actionnaires dans un état de dilution de la responsabilité des missions. Je ne pense pas que tout service public ait vocation à être un monopole d’État — l’ouverture des télécommunications à la concurrence a plutôt été un bienfait, par exemple —, mais il faut bien réfléchir à ce qu’on risque de perdre en détruisant les grandes entreprises publiques : en général, cela n’aboutit qu’à des augmentations de tarifs et à une dégradation du service puisque pour qu’une entreprise soit profitable à ses actionnaires, il faut bien que l’argent soit pris quelque part, soit en augmentant les prix, soit en baissant le coût (et généralement la qualité) du service...
