Je pense que ce qu'il faut, c'est trouver ce qui intéresse l'enfant et lui faire comprendre que pour y arriver il faut avoir des tas d'outils et donc les étudier.
Quelle angélique naïveté !
Cela fait des générations que les soi-disant "spécialistes" daubent sur le sujet, que les soi-disant "experts" des ministères pondent des "réformes" de l'enseignement, et chacune n'a fait qu'aggraver la situation.
Il fut une époque où l'Ecole était perçue comme ascenseur social par les populations, ce qu'elle est toujours (et de mieux en mieux) pour les populations qui se sentent concernées, en gros les populations éduquées et assez conscientes des enjeux pour leurs enfants pour leur avoir transmis le plaisir d'apprendre.
Parce qu'apprendre est un plaisir de chaque jour, un bonheur qui se renouvelle sans cesse, faute de quoi on finit par devenir aussi con que les autres, ceux qui n'apprennent pas.
Et réciproquement.
Ce n'est pas seulement une question culturelle.
Le plaisir d'apprendre transcende les clivages sociaux, même si la proportion de "sauvageons" incultes et à moitié débiles est plus forte dans les populations culturellement déshéritées.
Et hop, une porte ouverte par terre !
A une certaine époque, l'Ecole était le privilège des classes éduquées, la masse paysanne restait inculte (ouais, je sais que le jeu de mots est facile). Avec la Révolution cela commença à évoluer, puis les lois de Jules Ferry visèrent à ce que chaque enfant sache lire, écrire et compter dès l'entrée de l'adolescence, le travail commençant alors à 14 ans.
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Mon grand-père était un gros c.., un mec totalement inculte qui n'avait jamais ouvert un livre, mais il savait lire, écrire et compter, il avait été 1er du canton de Chevroches (58) au certificat d'études, c'était son titre de gloire. Son écriture était rustique dans les contenus mais très belle, avec pleins et déliés, et sans faute d'orthographe.
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Les gens de notre époque (dont moi) n'écrivent plus guère à la main, le clavier est devenu un outil indispensable et le traitement de texte avec "correcteur orthographique" fait écrire des horreurs, les journaux en sont pleins.
C'est triste.
Pourquoi les jeunes seraient-ils motivés pour apprendre à bien écrire à la main, quand ils perçoivent ce plaisir de leurs anciens comme une corvée pénible ?
Paradoxalement, à l'époque où les liseuses font florès sur le marché, on n'a jamais autant vendu de bouquins, donc il y a encore des gens (j'en suis et ma fille aussi) qui achètent de la littérature et certains (nous en sommes aussi) croulent sous les bouquins, mais ne s'en sépareraient pour rien au monde.
Jadis, les gens avaient peu de livres à la maison, et ils les relisaient souvent. Maintenant le Livre s'est démocratisé, c'est un produit de consommation courante pas très cher, et il y a cependant pas mal de gens qui n'en ont pas chez eux.
Comment de telles gens peuvent-ils éduquer leurs enfants et leur donner le goût de lire, donc le moyen de s'instruire ?
Il m'est souvent arrivé de côtoyer des jeunes qui avaient "lu" un bouquin dans l'année, parce que le prof de français les y obligeait, mais ils n'en connaissaient même pas le titre. En fait ils n'avaient rien lu.
Il m'est arrivé de bloquer des jeunes parce que telle ou telle lettre n'était pas assez bien dessinée pour leurs moyens de lecture embryonnaires, par exemple un a confondu avec un o, ou le contraire, qui ne leur permettait pas d'aller plus loin.
On comprendra sans peine que je me sois investie avec les plus jeunes dans des ateliers-lecture, cela me prenait beaucoup de temps et in fine les résultats étaient très décevants, comme prévu : seuls ceux qui savaient déjà lire progressaient, les autres restaient quasiment analphabètes.
Quand je donnais un exercice de géométrie, ces gugusses étaient incapables de lire l'énoncé, le vocabulaire le plus simple n'était pas acquis.
Quand ils avaient à effectuer un calcul numérique, ils donnaient des résultats aberrants sans s'en rendre compte, parce que "la calculatrice ne pouvait pas se tromper". Il ne leur venait pas à l'esprit que les erreurs venaient de la saisie des données, donc d'eux. Je me rappelle une jeune fille de 15 ans qui avait utilisé sa machine pour calculer 2 x 2 et qui avait trouvé 4. Elle était très étonnée parce qu'il n'y avait pas 8 chiffres dans son "résultat" et elle me demandait ingénument si c'était bon.
Mon grand-père était certes très con, mais il connaissait la table de multiplication. Le jeune fille dont j'ai fait état n'était certes pas débile, mais elle avait sans doute quelques neurones pas très bien connectés.
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C'est pourtant par le biais des maths que des jeunes non-francophones avaient les meilleures chances de progresser, en attendant de maîtriser assez la langue française. Minh et Tahar, si vous me lisez, sachez que je ne vous oublierai jamais.
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Ce qui intéresse les jeunes, à notre époque, c'est surtout le foot et la télé, cela ne demande pas de réfléchir et on oublie aussi vite ce qu'on a vu que ce qu'on a entendu en classe. Comme les "experts" recommandent de ne pas donner de devoirs, les mômes s'y habituent très bien en primaire, puis plus tard ils ne rendent pas de devoirs ou alors ils copient ceux des autres, avec une telle maladresse que cela se voit comme une tache de cambouis sur une robe de mariée.
Mais nos "experts" prétendent que la note zéro est traumatisante... comment noter autrement ceux qui ne font strictement RIEN ?
Comme de bien entendu, les lascars qui n'en fichent pas une secousse s'ennuient en classe, alors ils se distraient, comme ils peuvent avec leurs moyens primitifs, et cela pourrit complètement les classes... mais, toujours selon les "experts", ces jeunes-là ONT LE DROIT D'ALLER EN CLASSE, traduction "de pourrir l'existence des autres et de les empêcher de progresser.
C'est une contradiction de la société française actuelle qui n'est pas près d'être levée. Tant que la tendance sera au laxisme, à la lâcheté, au laisser-faire, à l'aveuglement et à toutes les démagogies qui s'ensuivent, l'école continuera à pourrir, des centaines de milliers de jeunes resteront incultes et plus ou moins barbares (au sens propre), sans perspectives d'insertion sociale, et les profs ne penseront qu'à quitter cette galère, comme les rats quittent un navire déglingué qui va sombrer.
On devrait mieux s'imprégner de la philosophie des rats.