Décrypter les interactions entre poissons au sein d'un banc

Publié par Michel,
Source: CNRS-INSBAutres langues:
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Des chercheurs du CNRS, de l'IRD, du CEA et de l'Université Toulouse III - Paul Sabatier viennent de proposer une méthode systématique pour identifier les interactions qui existent entre les poissons d'un même groupe. Appliquée à des données recueillies en aquarium, cette méthode a permis de construire un nouveau modèle mathématique, qui reproduit de manière fiable la diversité des formes de déplacement observées chez des poissons pélagiques ainsi que la réponse d'un banc à certaines perturbations. Ces travaux, publiés dans PLoS Computational Biology, montrent en particulier que la vitesse de nage des poissons contrôle la transition entre les différents modes de déplacement collectif.

De très nombreuses espèces animales se déplacent en groupe. Ces déplacements collectifs s'accompagnent de la formation de structures spatiales et temporelles, dont l'échelle peut atteindre plusieurs ordres de grandeur différents. Dans ces groupes, la coordination des déplacements résulte d'un ensemble d'interactions entre les individus au cours desquelles ceux-ci échangent des informations et y répondent en adaptant leurs mouvements.


Figure: Transition entre deux formes de déplacement collectif observée grâce au modèle lorsque la vitesse de nage augmente dans des groupes de cent poissons nageant dans un espace libre. © CRCA

Pour caractériser les interactions qui existent au sein d'un banc de poissons, les chercheurs ont observé des groupes de Doules à queues rubanées (Kuhlia mugil) dans un bassin expérimental aquatique de quatre mètres de diamètre. Leur approche a globalement consisté à identifier puis quantifier le comportement des individus dans des groupes d'effectif croissant. Dans un premier temps, les scientifiques ont analysé les trajectoires de poissons isolés pour construire un modèle de déplacement en milieu libre et de réaction du poisson aux obstacles présents dans l'environnement. Dans un deuxième temps, ils ont étudié le comportement de groupes constitués de deux poissons dans le but de repérer les informations utilisées par les individus pour coordonner leur déplacement et de reconstruire les fonctions stimulus/réponse individuelles. Enfin, dans un troisième temps, ils ont élargi leur étude à des groupes de plus grand effectif pour examiner l'influence des voisins sur le déplacement individuel de chaque poisson. Cette méthode incrémentale de modélisation a permis aux chercheurs d'établir un lien rigoureux entre le modèle construit et les données expérimentalement obtenues.

L'analyse des résultats a montré que la vitesse angulaire d'un poisson est modulée par trois types d'informations: la distance avant collision avec un obstacle, la position et l'orientation d'un autre poisson situé dans son voisinage. Par ailleurs, l'effet d'alignement des poissons est maximal lorsqu'ils sont proches les uns des autres, alors que l'effet d'attraction est maximal lorsqu'ils sont éloignés, ces deux effets se relayant de façon continue en fonction de la distance qui sépare les individus du groupe.

Les simulations du modèle intégrant l'effet de ces interactions sur le déplacement des poissons ont effectivement reproduit les caractéristiques des dynamiques de nage observées dans des groupes de petite taille, jusqu'à dix individus. Mais au-delà, l'augmentation de la densité de poissons dans le bassin a engendré des modifications de la réactivité individuelle, suggérant une diminution de la tendance des poissons à interagir entre eux lorsqu'ils sont très nombreux au même endroit.

En outre, l'exploration des propriétés du modèle a permis de démontrer que l'augmentation de la vitesse de nage des poissons produit une transition dans le mode de déplacement collectif du groupe. Lorsque les poissons se déplacent lentement, un phénomène de "swarming" est observé: ils restent regroupés mais le degré de polarisation des nages est alors très faible. En revanche, lorsque la vitesse de nage des poissons augmente, le groupe adopte spontanément une direction commune de déplacement.

Ainsi, ces travaux permettent de mieux comprendre les mécanismes comportementaux et cognitifs qui gouvernent la dynamique des bancs de poissons et ouvrent la voie au développement de nouveaux outils de gestion des ressources halieutiques (1). La méthode générale de caractérisation et de modélisation des interactions exposée dans cette étude pourrait également être utilisée pour caractériser et modéliser les déplacements collectifs observés dans différents systèmes biologiques à différentes échelles.


Note:

(1) Les ressources halieutiques représentent les êtres vivants des milieux aquatiques exploités par l'Homme.


Référence:

Deciphering interactions in moving animal groups, Jacques Gautrais, Francesco Ginelli, Richard Fournier, Stéphane Blanco, Marc Soria, Hugues Chaté, Guy Theraulaz, PLoS Computational Biology (2012), 8(9):e1002678, doi:10.1371/journal.pcbi.1002678.
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