Une quinzaine de géo-neutrinos ont été observés dans l'expérience Borexino, installée dans le laboratoire souterrain du Gran Sasso (Italie) et à laquelle participe le laboratoire Astroparticule et cosmologie - APC (Université Paris-Diderot, CNRS/IN2P3, CEA/Irfu, Observatoire de Paris). Ces données ont permis d'affiner les mesures depuis les précédents résultats de l'expérience: elles nous renseignent sur la radioactivité de la Terre et donnent de nouvelles indications sur la production d'énergie thermique terrestre mais aussi sur la formation de notre planète et du système solaire.
Les géo-neutrinos sont des anti-neutrinos provenant des profondeurs de la Terre. Issus des désintégrations de l'uranium et du thorium contenus dans le manteau, ils témoignent de l'origine radioactive d'une grande partie de la chaleur terrestre, liée à l'activité volcanique et aux mouvements des plaques et moteur du champ magnétique terrestre. La détection des géo-neutrinos peut alors être un moyen d'explorer différents processus géophysiques et configurations géologiques de notre planète.
Les données accumulées par l'expérience Borexino, depuis les premiers résultats de 2010 ont permis d'affiner les mesures (1). Borexino a notamment un atout majeur: son niveau inégalé de radiopureté, indispensable pour cette expérience dédiée à la détection des neutrinos solaires de basse énergie.
Si la moisson peut paraître modeste, une quinzaine d'interactions dues aux géo-neutrinos en 3 ans, elle n'en est pas moins particulièrement riche d'enseignements. On peut en retenir essentiellement deux:
le manteau de la Terre est composé d'une quantité significative d'éléments radioactifs appartenant soit à la famille de l'uranium-238, soit à la famille du thorium-232. La présence des deux familles radioactives les plus importantes nous permet d'évaluer la production d'énergie thermique au cœur de la Terre ;
le rapport du contenu en uranium et en thorium dans le manteau semble en accord avec les mesures faites sur les météorites qui arrivent sur la Terre. C'est une confirmation importante de la théorie sur l'origine du système solaire.
Les données de Borexino infirment l'hypothèse selon laquelle il pourrait y avoir un gigantesque réacteur naturel (appelé géo-réacteur) au cœur de notre planète.
L'expérience Borexino est le fruit d'une collaboration entre l'Italie, l'Allemagne, les États-Unis, la Russie, la Pologne et la France, qui regroupe plus de 100 physiciens, ingénieurs et techniciens. En France, les chercheurs du laboratoire Astroparticule et cosmologie (APC) ont rejoint la collaboration en 2000. La présente recherche sur les géo-neutrinos a bénéficié d'un soutien financier du Labex Univearths.
Spectre en énergie des anti-neutrinos observés par Borexino (500 photo-électrons correspondent à 1 MeV). Les données (en noir) sont ajustées à un modèle. Le jaune clair correspond aux géo-neutrinos (que l'on peut diviser en géo-neutrinos venus du thorium (cyan) et géo-neutrinos venus de l'uranium (bleu)). La couleur orange correspond aux anti-neutrinos venus des réacteurs nucléaires. Crédit: Collaboration Borexino
Note:
(1) L'expérience Kamland, située au Japon et utilisant un détecteur similaire à celui de Borexino, avait également observé des géo-neutrinos en 2011, confirmant les résultats de 2010.