Nos compagnons à quatre pattes et les animaux sauvages qui peuplent notre planète développent de plus en plus de maladies que nous pensions réservées aux humains.
Les animaux domestiques comme les chiens et les chats, mais aussi les vaches laitières et les tortues marines, présentent des taux croissants de cancers, d'obésité, de diabète et de problèmes articulaires. Cette augmentation des maladies pourtant non transmissibles chez les différentes espèces animales soulève des questions fondamentales sur notre compréhension de la santé dans le règne animal. Les chercheurs constatent que ces affections chroniques, autrefois considérées comme typiquement humaines, touchent désormais des populations animales très diverses, des animaux de compagnie aux espèces sauvages les plus éloignées de notre quotidien.
Image d'illustration Pixabay
L'analyse des données disponibles révèle que la prédisposition génétique constitue un élément déterminant dans l'apparition de ces maladies. Certaines populations animales présentent des risques accrus en raison de pratiques de sélection intensive. Les chats et chiens de race pure, élevés pour des caractéristiques physiques spécifiques, ainsi que le bétail sélectionné pour sa haute productivité, développent plus fréquemment du diabète et des maladies cardiaques. Ces observations mettent en lumière les conséquences involontaires de nos interventions sur le patrimoine génétique des animaux.
Les pressions environnementales viennent aggraver ces risques sanitaires. Une alimentation inadaptée, le manque d'activité physique et le stress prolongé sont désormais identifiés comme des facteurs communs favorisant les maladies chez différentes espèces. L'obésité touche ainsi plus de la moitié des chats et chiens domestiques, entraînant une augmentation constante du diabète félin. Les animaux d'élevage n'échappent pas à cette tendance, avec environ 20% des porcs élevés intensivement qui développent de l'arthrose.
Les milieux aquatiques révèlent des situations tout aussi préoccupantes. Les bélugas présentent des cancers gastro-intestinaux, tandis que les saumons atlantiques d'élevage souffrent de syndromes cardiaques. Les animaux sauvages exposés à la pollution industrielle dans les estuaires contaminés par des hydrocarbures et des composés chimiques montrent des taux de tumeurs hépatiques variant entre 15% et 25%. Ces exemples illustrent l'ampleur du phénomène à travers différents écosystèmes.
Les activités humaines jouent un rôle central dans cette propagation des maladies. L'urbanisation, la déforestation et les changements climatiques intensifient l'exposition des animaux à des conditions défavorables. Le réchauffement des océans et la dégradation des coraux ont été associés à des taux plus élevés de tumeurs chez les poissons et les tortues marines. Parallèlement, le stress thermique et la pollution urbaine contribuent à l'obésité, au diabète et aux troubles immunitaires chez les animaux de compagnie, les oiseaux et autres mammifères.
L'étude publiée dans Risk Analysis propose un cadre innovant pour mieux surveiller et gérer les maladies chroniques animales. Antonia Mataragka, chercheuse à l'Université agricole d'Athènes, souligne que l'absence de systèmes de diagnostic précoce retarde la détection de ces affections chez les animaux. Alors que l'Organisation mondiale de la santé fournit des données détaillées sur la mortalité humaine due aux maladies non transmissibles, les statistiques équivalentes pour les animaux restent rares, ce qui justifie des recherches plus approfondies.
Le modèle développé intègre deux approches complémentaires: One Health et Ecohealth, qui mettent l'accent sur les interconnections entre la santé humaine, animale et environnementale. En les combinant, cette approche démontre comment la vulnérabilité génétique interagit avec les facteurs écologiques et sociaux pour produire des maladies à travers les espèces. Cette perspective unifiée pourrait aider à identifier les signes avant-coureurs de maladie et à réduire les affections chroniques chez toutes les formes de vie terrestre.
Le concept One Health
L'approche One Health représente une vision intégrée de la santé qui reconnaît les liens étroits entre la santé humaine, la santé animale et la santé des écosystèmes. Cette perspective holistique considère que les maladies ne connaissent pas de frontières entre les espèces et que la protection de la santé publique nécessite une compréhension globale des interactions entre tous les êtres vivants et leur environnement. Les chercheurs et professionnels de santé adoptent cette approche pour mieux anticiper et prévenir les crises sanitaires.
Le principe fondamental de One Health repose sur l'idée que la santé des humains, des animaux et des écosystèmes est interdépendante. Les mêmes agents pathogènes peuvent circuler entre différentes espèces, et les modifications environnementales affectent simultanément la santé de tous les organismes vivants. Cette interconnexion explique pourquoi la surveillance des maladies animales peut fournir des indications précieuses sur les risques sanitaires émergents pour les populations humaines.
La mise en œuvre pratique de One Health implique une collaboration étroite entre médecins, vétérinaires, écologues et autres spécialistes. Ces professionnels travaillent ensemble pour surveiller les maladies, partager les données et développer des stratégies de prévention communes. Cette coopération transdisciplinaire permet d'aborder des problèmes complexes comme les maladies émergentes, la résistance aux antibiotiques ou les conséquences sanitaires des changements environnementaux.
Les applications concrètes de cette approche incluent la surveillance des maladies zoonotiques, la gestion des épidémies et la protection de la biodiversité. En considérant la santé comme un système global, One Health offre un cadre pour développer des solutions durables qui bénéficient simultanément aux humains, aux animaux et à l'environnement, contribuant ainsi à un avenir plus sain pour toutes les formes de vie.