Le "Prix Blue Planet 2008" (1), l'une des plus prestigieuses récompenses internationales dans le domaine de l'environnement, vient d'être attribué à deux chercheurs reconnus pour leur expertise dans ce domaine: le glaciologue Claude Lorius, directeur de recherche émérite CNRS (2), et le professeur brésilien José Goldemberg (3). Premier français lauréat de cette récompense, Claude Lorius est distingué pour avoir, grâce à ses travaux, contribué à faire prendre conscience de l'influence des activités humaines sur l'environnement. Cette distinction lui sera remise à Tokyo en novembre prochain.
Le glaciologue Claude Lorius
"La planète devrait sensiblement se réchauffer au cours du XXIe siècle, au risque d'affecter les ressources en eau, l'agriculture, la santé, la biodiversité et, d'une façon générale, les conditions de vie des humains...", anticipe Claude Lorius au début des années 90. Réellement novateurs à l'époque, ces propos sont aujourd'hui couramment admis. De par ses recherches, ce médaillé d'or du CNRS a contribué à faire prendre conscience des risques que le réchauffement climatique fait courir à l'humanité et de l'impact des activités humaines sur l'environnement. "Le protéger est désormais un défi majeur et urgent", considère-t-il.
Véritable pionnier des forages glaciaires, Claude Lorius a acquis une renommée internationale en établissant, avec l'ensemble de son équipe, le lien entre teneur en gaz à effet de serre (méthane, dioxyde de carbone) et évolution climatique, grâce à l'étude des archives stockées dans les glaces de l'Antarctique. Cette découverte primordiale a permis de reconstruire le climat terrestre et la composition de l'atmosphère sur une période de 150 000 ans d'abord, puis de 420 000 ans (forage de Vostok de 1984 à 1991 (4)). Claude Lorius fut également à l'initiative du forage européen EPICA mené à la station Concordia (Dôme C): avec ce programme, les scientifiques disposent désormais de l'histoire des gaz à effet de serre sur 800 000 ans (voir notre news).
Claude Lorius, un aventurier des pôles
Né en 1932 à Besançon, Claude Lorius est depuis longtemps fasciné par l'Antarctique, sa "terre de prédilection". Ce directeur de recherche émérite CNRS au Laboratoire de glaciologie et géophysique de l'environnement (5), qu'il a dirigé de 1983 à 1988, a participé à de nombreuses campagnes en Antarctique. En quarante ans de carrière, il est parti 22 fois en expéditions, totalisant plus de six ans passés sur ce continent. Parmi ses plus célèbres campagnes:
- deux hivernages en Terre Adélie (station Charcot en 1957, lors de l'Année géophysique internationale, et base Dumont d'Urville),
- de nombreux raids d'exploration ainsi que des campagnes de forages au coeur de l'inlandsis (Dôme Concordia et station Vostok).
Ces travaux de recherche lui ont valu la médaille d'or du CNRS en 2002 ainsi qu'une reconnaissance au niveau international concrétisée par de nombreuses récompenses et distinctions (la dernière étant la médaille décernée par le SCAR en 2008). Membre de l'Académie des sciences depuis 1994, il y préside le comité pour l'Année polaire internationale. Tout au long de sa carrière, Claude Lorius a exercé de nombreuses responsabilités sur le plan national (CNRS, ministère de l'Environnement, Expéditions polaires françaises, Institut français de recherche et technologie polaires...) et international (notamment au SCAR (6) qu'il présida de 1986 à 1990). Fortement impliqué dans la communicationscientifique, il est auteur de plusieurs livres grand public dont les plus récents sont:
- Planète blanche: les glaces, le climat et l'environnement, Jean Jouzel, Claude Lorius et Dominique Raynaud. Éditions Odile Jacob (2008) ;
- Le grand défi des pôles, Bertrand Imbert et Claude Lorius. Éditions Découvertes Gallimard (2007).
Notes:
(1) C'est en 1992, année du sommet de la Terre à Rio de Janeiro que "l'Asahi Glass Foundation" a créé le prix "Blue Planet". Celui-ci récompense chaque année deux lauréats: des personnes ou des organisations à l'origine d'avancées scientifiques capitales en matière d'environnement. Il est doté d'un montant total de 50 millions de yen, soit environ 300 000 €. (2) Médaille d'or 2002 du CNRS conjointement avec Jean Jouzel, directeur de recherche au LSCE-IPSL (CEA/CNRS/UVSQ). (3) Actuellement secrétaire pour l'environnement de l'État de São Paulo au Brésil. (4) Auquel participa notamment Jean-Robert Petit, directeur de recherche CNRS au LGGE. (5) LGGE (CNRS/Université Joseph Fourier Grenoble 1), rattaché à l'Observatoire des sciences de l'Univers de Grenoble depuis 2002. (6) Comité scientifique pour la recherche antarctique (SCAR).