Villes et préservation de la biodiversité n'ont jamais fait bon ménage... Des chercheurs ont étudié les sols autour de la ville israélienne d'Acre (l'ancienne Saint-Jean-d'Acre des Croisés) et montrent que dès l'Âge du Bronze, les écosystèmes ont été dégradés par l'Homme.
Un mythe tenace, entretenu notamment par Rousseau et les néo-romantiques, postule l'existence d'un "âge d'or" de l'urbanisation. Une période durant laquelle les villes se seraient développées en harmonie avec leur environnement naturel... Une étude parue dans Nature Scientific Report montre qu'il n'en est rien. Des travaux menés à Acre, sur la côte nord d'Israël, prouvent que dès l'Antiquité, l'impact des villes a été nocif pour la biodiversité environnante. "La ville d'Acre est intéressante à double titre: d'abord parce qu'elle a été occupée en continu depuis 4000 ans, à l'âge du Bronze, puis par les Grecs, les Romains, les Croisés, les Mamelouks... Ensuite, parce que ses sols sont constitués de sédiments propices à la conservation de son histoire biologique", explique David Kaniewski, chercheur au Laboratoire d'écologie fonctionnelle et environnement (Ecolab - CNRS / Université de Toulouse III - Paul Sabatier / INP Toulouse) et premier auteur de l'article.
Une dizaine de carottages ont été réalisés dans le périmètre de la ville, afin d'étudier niveau par niveau la présence de microfossiles (grains de pollen) et de macrofossiles (graines, charbon de bois) dans le sol. Ces données biologiques ont ensuite été croisées avec les données archéologiques qui documentent l'histoire de la ville. Epoque après époque, la zone révèle un visage bien différent. "Avant l'occupation par l'Homme, on avait une forêt côtière de type méditerranéen, puis le couvert arboré a reculé et les végétaux de type steppique, résistants à la sécheresse et à la pauvreté des sols, ont fait leur apparition", raconte le chercheur. L'agriculture à outrance de la période romaine - vignes, oliviers et céréales cultivées sans période de jachère - a particulièrement appauvri les sols et a laissé la place à la culture de céréales peu exigeantes en eau et en nutriments, puis aux fèves et aux lentilles sous la période mamelouk... Preuve que la ville d'Acre n'a pas attendu la révolution industrielle pour dégrader son environnement naturel.
Référence:
Early urban impact on Mediterranean coastal environments, publié le 18 décembre 2013 dans Nature Scientific Report par David Kaniewski, Elise Van Campo, Christophe Morhange, Joël Guiot, Dov Zviely, Idan Shaked, Thierry Otto et Michal Artzy.