Quand une molécule peut-elle toujours être considérée comme une molécule ?
En utilisant des flashs de rayons X ultra-courts, une équipe internationale de chercheurs a mesuré les sauts d'électrons entre les fragments d'une molécule en train d'exploser. L'étude révèle jusqu'à quelle distance un transfert de charge entre deux fragmentas moléculaires peut avoir lieu. La technique utilisée peut également être généralisée à l'étude de la dynamique des transferts de charge sur de plus grandes molécules. Telles sont les perspectives ouvertes par les résultats obtenus par des chercheurs du Laboratoire de chimie physique - matière et rayonnement (CNRS/UPMC), en collaboration avec des équipes allemandes et américaines. Ces travaux dont les retombées dans le domaine de la photosynthèse pourraient être importantes ont été publiés le 18 juillet 2014 sur le site de la revue Science, apportent un nouvel éclairage sur le comportement de la matière à l'échelle moléculaire.
Le transfert de charge (ou saut d'électron) peut intervenir jusqu'à environ dix fois la distance de la liaison chimique. La question qui se pose est donc de savoir jusqu'à quelle distance interatomique ont peut encore parler de molécule. Jusqu'à quelle distance les composants moléculaires partagent-ils leurs électrons et jusqu'à quelle distance le transfert de charge entre deux fragments moléculaires peut-il avoir lieu ? Cette distance critique marque la transition de la molécule vers le régime atomique.
Pour réaliser cette étude, les scientifiques ont irradié une molécule d'iodométhane (CH3I) constituée d'un atome d'iode et d'un groupement méthyl (CH 3) avec un laserinfrarouge pour rompre la liaison chimique entre les deux partenaires. La molécule se dissociant a ensuite été irradiée par des pulses de rayons X ultracourts qui ionisent sélectivement les électrons des couches internes de l'atome d'iode. Les chercheurs ont utilisé le laser le plus puissant délivrant des rayons X, LCLS, situé à l'université de Stanford en Californie.
Les chercheurs ont fait varier le retard entre l'impulsion infrarouge et le pulse de rayons X entre quelques femtosecondes (un millionième de millardième de seconde) et une picoseconde (un millième de millardième de seconde). Plus ce retard était important et plus la distance entre les fragments était importante. Les chercheurs ont ainsi obtenu des instantanés dans lesquels les transferts d'électrons étaient mesurés pour des distances entre l'atome d'iode et le groupement méthyl variables.
Ils ont montré que plus les fragments étaient éloignés, moins la probabilité de transfert électronique était importante. Un transfert électronique entre les deux fragments a pu être observé jusqu'à une distance de vingt Ångström, alors que la distance de liaison entre l'iode et le méthyl dans l'iodométhane n'est que de deux Ångström ou 0.2 nanomètres (millionième de millimètre).
Ces résultats sont particulièrement importants car ces mécanismes de transferts électroniques jouent un rôle crucial dans de nombreux processus chimiques comme par exemple la photosynthèse ou les cellules photovoltaïques.
Pour plus d'information voir: http://www.sciencemag.org/content/345/6194/288.abstract