Les développements récents de la simulation numérique en géologie permettent désormais d'étudier des processus dynamiques difficile à modéliser il y a encore peu. L'ouverture continentale en est un exemple. Sur la base d'observations nouvelles dans le Rift Est Africain, des chercheurs de l'ISTeP (CNRS, UPMC), du laboratoire de géologie de l'ENS (CNRS, ENS) et de l'ETH de Zurich ont montré que l'ascension d'un panache venu des profondeurs du manteau expliquait à la fois l'ouverture d'un rift magmatique et d'un autre qui ne l'est pas. La juxtaposition des rifts magmatique et non-magmatique, largement observée géologiquement, a finalement une explication. Ces travaux sont publiés dans la revue Nature Geoscience.
Bien que de nombreux rifts continentaux soient magmatiques, c'est-à-dire jalonnés de volcans ou de fissures avec effusions de laves, tous ne le sont pas. Cette observation a déclenché un débat sur le mécanisme qui détermine le rifting continental, autrement dit la rupture continentale comme celle qui a conduit à l'ouverture de l'Atlantique par exemple. Sur la base de l'observation des rifts magmatiques, certains auteurs proposent que le rifting continental soit le résultat de l'ascension de panaches mantelliques profonds (roches chaudes du manteau remontant vers la surface): c'est le modèle dit "actif". Pour d'autres, sur la base de l'observation des rifts faiblement magmatiques, les rifts continentaux résulteraient de l'étirement de la lithosphère continentale sous l'effet des forces tectoniques lointaines, c'est-à-dire de la tectonique des plaques: c'est le rifting "passif".
La partie centrale du Rift Est Africain est un laboratoire naturel pour étudier le rifting continental car elle juxtapose des branches magmatique (est) et peu magmatique (ouest) de chaque côté du craton Tanzanien. Les auteurs ont cherché à comprendre ce comportement contrasté à l'aide d'un modèle numérique 3D à haute résolution prenant en compte la température et les propriétés mécaniques de la lithosphère et du manteau. Le modèle simule l'ascension d'un panache de roches du manteau sous un craton continental en contexte faiblement extensif.
Les simulations montrent que le panache est dévié par la racine du craton et préférentiellement canalisé le long d'une des bordures du craton. Ceci provoque le développement concomitant d'un rift magmatique et d'un rift peu magmatique de part et d'autre du craton. Les expériences numériques montrent de nombreuses analogies avec l'évolution observée du Rift Est Africain central. Elles réconcilient les modèles de rifting actif et passif au sein d'un même cadre dynamique et démontrent que des rifts magmatiques et peu magmatiques peuvent se développer dans des environnements géotectoniques similaires.