Découverte d'un phénomène de dissociation ultrarapide de la lumière

Publié par Redbran le 06/07/2016 à 00:00
Source: SOLEIL Synchrotron
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Phénomène de dissociation ultrarapide induit par les rayons X durs: un “MUST”

La lumière interagit avec la matière de multiples façons. La lumière peut être absorbée, émise, réfléchie, diffusée. Elle peut réchauffer ou refroidir, détruire ou guérir. Des lumières, ou rayonnements électromagnétiques, possédant diverses caractéristiques spécifiques sont souvent utilisées en recherche pour tenter de comprendre les lois de la Nature, telles que les propriétés de la matière, sa structure, sa formation ou sa dégradation. L'énergie apportée par la lumière absorbée peut provoquer l'ionisation de la matière, ou son passage à des états excités transitoires instables. Le retour à l'état stable, par des phénomènes de relaxation, libère alors l'excès d'énergie (en une ou plusieurs étapes) sous de nombreuses formes: émission de photons et/ou d'électrons, souvent accompagnée de déformations structurelles, telles que des changements dans les longueurs de liaison, la torsion et la rotation des angles de liaison, l'isomérisation ou même la rupture de liaisons.

Habituellement, les déformations structurelles sont assez lentes et se déroulent sur des échelles de temps beaucoup plus longues que l'émission d'électrons ou de photons. Cependant, en utilisant notamment les rayons X mous, des états hautement excités peuvent être atteints ; ils possèdent un très fort caractère dissociatif et, dans ce cas, les échelles de temps de la désintégration électronique peuvent correspondre à celles des mouvements du noyau. L'énergie des rayons X mous correspond typiquement à l'énergie des électrons des couches de cœur peu profondes ; ceux-ci sont alors ionisés par les RX ou passent sur des couches de valence inoccupées. Les durées de vie de ces états de "trou de cœur" sont de l'ordre de quelques femtosecondes (1 fs = 10^-15 s), ce qui peut être suffisant pour que des noyaux légers (atomes H, O ; molécules OH-, CH3-, NH2-) se déplacent suffisamment loin du reste de la molécule pour conduire à la rupture complète de la liaison chimique. Les rayons X durs, d'énergie plus élevée, peuvent quant à eux agir sur des électrons présents dans des couches plus profondes. La durée de vie de ces états "trou de cœur profond" est de l'ordre de 1 fs seulement, voire moins. Les mouvements nucléaires qui se produisent sont alors très faibles et nettement insuffisants pour provoquer une dissociation.

Des chercheurs du LCPMR (CNRS-UPMC), de la Freie University en Allemagne, de l'Université d'Uppsala en Suède, du synchrotron UVSOR au Japon et de SOLEIL ont montré que la création de trous de cœur profonds, induite par les rayons X durs, peut également conduire à d'importantes dynamiques nucléaires et des ruptures de liaisons sur une échelle de temps de quelques fs (~ 10 fs). Ces phénomènes ne se produisent pas au stade du trou de cœur profond lui-même, mais au cours de la cascade de désexcitations qui suit. En outre, les dynamiques qui se produisent dans l'état de cœur excité initialement créé, bien que peu étendues, sont cruciales pour la fragmentation résultante car l'atome acquiert l'élan qui lui permet de s'éloigner de ses voisins, gagnant ainsi la vitesse, ce qui augmente le taux de dissociation dans la cascade qui suit. Un état dissociatif de "trou de cœur profond" d'une durée de vie 1 fs va créer l'impulsion nécessaire à initier l'effet domino d'allongement de liaison pour les cascades de réactions qui suivront, conduisant à une importante dissociation sur une échelle de temps de l'ordre de la fs.

Les mesures ont été réalisées sur des molécules isolées de HCl, grâce à la station expérimentale de spectroscopie de photoélectrons X de la ligne de lumière GALAXIES, à SOLEIL. Actuellement, cet équipement est le seul à permettre de telles mesures en phase gazeuse, en combinant la haute brillance de la source de rayons X durs et le spectromètre d'électrons à haute résolution équipé d'une cellule de gaz nécessaires à ces expériences. Les observations expérimentales ont été appuyées par la théorie, en collaboration avec les groupes de l'Université d'Oulu (Finlande) et du LCPMR, Paris (France).

Le phénomène découvert - appelé MUST UFD (MultiStep UltraFast Dissociation) - doit être un phénomène assez général. Notamment, des états de doubles trous de cœur, et de trou de cœur unique à charges multiples, sont communément produits au cours de la désexcitation en cascade. Ils peuvent être encore plus dissociatifs que les états de trou de cœur uniques excités neutres. Dans le cas de molécules contenant des atomes de la troisième période ou en-dessous, liés à des atomes légers ou par des liaisons faibles, on peut s'attendre à ce que l'absorption des rayons X durs s'accompagne de significatifs déplacements des noyaux par rapport à leur géométrie d'équilibre, dans une échelle de temps de quelques fs.


Figure: Illustration du processus de désexcitation en cascade dû à la relaxation de l'état de cœur profond excité (sigma Cl 1s-> *) de HCl, après absorption de rayons X durs. Les courbes d'énergie potentielle pour l'état de "trou de cœur profond" initialement créé, ainsi que pour les états intermédiaires, sont hautement dissociatives. L'allongement de la liaison H-Cl a lieu à chaque étape du processus de désexcitation en cascade, conduisant à une fragmentation ultrarapide sur une échelle de quelques femtosecondes.
La figure montre qu'une partie de l'énergie est libérée à chaque transition sous forme d'émission d'un électron (représenté par un poisson), et de ce fait la charge des états intermédiaires augmente au fur et à mesure de la relaxation. Les pics de couleur représentent les populations des différents états, chaque couleur correspondant au temps écoulé après l'absorption d'un photon RX dur, soit de 1 à 8 fs par incrément de 1 fs.

Ces résultats pourraient être d'une grande importance dans le domaine de la radiobiologie et avoir des implications directes dans l'interprétation de l'imagerie par rayons X d'objets biologiques.

Pour plus d'information voir:
Travnikova, O., Marchenko, T., Goldsztejn, G., Jänkälä, K., Sisourat, N., Carniato, S., Guillemin, R., Journel, L., Céolin, D., Püttner, R., Iwayama, H., Shigemasa, E., Piancastelli, M. N. and Simon, M.
Hard-X-Ray-Induced Multistep Ultrafast Dissociation.
Physical Review Letters, 2016, 116 (21): art.n° 213001

Contact chercheur:
Oksana Travnikova UPMC
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