Détecter le passage des neutrinos cosmiques de très haute énergie. Telle est la mission du télescope sous-marin Antares, déployé au large de Toulon. Si ce type de particule interagit peu avec la matière, en frappant une molécule d'eau elle peut produire un muon, une particule chargée qui émet des photons lors de son passage. Or c'est cette radiation émise que les quelque 900 photomultiplicateurs que compte le télescope Antares sont chargés d'observer par 2.400 mètres de profondeur. Des profondeurs où 90% des organismes abyssaux qui y vivent et s'y déplacent présentent la particularité d'émettre de la lumière. Or si jusqu'à présent, cette bioluminescence n'avait pas gêné la mission d'Antares, deux épisodes survenus entre mars et juillet des années 2009 et 2010 ont littéralement ébloui cet instrument. En général, le bruit de fond lumineux que mesure Antares est compris entre 40 et 100 kHz. Or lors de ces deux épisodes, ce bruit est passé soudainement à 9.000 kHz.
Vue du détecteur de neutrinos Antares
Un pic qui a coïncidé avec une augmentation de la température de l'eau et de la salinité. D'où le lien fait par les chercheurs entre la bioluminescence et les mouvements de convection qui se produisent dans le golfe du Lion, mouvements qui apportent aux eaux profondes de l'oxygène et des nutriments et boostent l'activité biologique. Or c'est ce pic d'activité biologique qu'a mesuré le télescope sous-marin Antares. Selon les chercheurs, cette mesure de la bioluminescence pourrait devenir la première méthode pour mesurer en continu l'activité biologique en eaux profondes. L'impact sur la vie des mouvements des masses d'eau et la circulation océanique pourrait être alors mieux compris, ce qui est d'autant plus important dans un contexte de réchauffement climatique où ces convections d'eau profonde devraient diminuer significativement au cours du siècle.
Les résultats de ces travaux, menés par une équipe coordonnée par des chercheurs de l'Institut Méditerranéen d'Océanographie (CNRS/IRD/Université Aix-Marseille/Universite du Sud Toulon-Var) et du Centre de Physique des Particules de Marseille (CNRS/Université Aix-Marseille), ont été publiés dans PLoS ONE le 10 juillet dernier.