Les virus ont profondément influencé l'évolution de la vie cellulaire depuis ses origines. En plus de leurs propriétés infectieuses leur permettant de se propager horizontalement dans les populations, certains virus peuvent insérer leur ADN dans le génome des gamètes de l'espèce hôte et être transmis verticalement durant des millions d'années. On a longtemps pensé que ce processus d' "endogénisation" était limité aux rétrovirus, mais une série d'études récentes a révélé que tous les grands groupes de virus pouvaient devenir endogènes. Dans un article paru dans Nature Reviews Genetics, deux Français dont un chercheur du Laboratoire écologie et biologie des interactions - EBI (CNRS / Université de Poitiers) font l'inventaire de ces découvertes.
L'article, en recensant les différentes méthodes de datation moléculaire pouvant être employées pour déterminer l'âge des virus endogènes, montre que certaines familles virales circulant chez l'homme comme les Hepadnaviridae (hépatite B), Bornaviridae (maladie de Borna) et filoviridae (virus de Marbourg et Ebola) sont beaucoup plus anciennes et évoluent bien plus lentement sur le long terme que ne le laissaient entendre les études uniquement basées sur l'analyse des génomes viraux actuels. Ces résultats suggèrent que notre compréhension de la dynamique évolutive des virus est probablement biaisée par l'étude exclusive de virus pathogènes, mal adaptés à leur hôte. Par ailleurs, les génomes viraux endogènes constituent un véritable registre fossile, permettant de reconstruire des virus (ou le plus souvent des fragments de virus) tels qu'ils étaient il y a plusieurs millions d'années. Ces reconstructions aident à mieux comprendre les interactions moléculaires entre les virus actuels et leurs hôtes.
L'article met aussi en avant les conséquences que peuvent avoir les virus endogènes sur les génomes hôtes. Côté négatif, l'insertion de génomes viraux peut provoquer chez l'hôte la perte de fonction de gènes ou la dérégulation de leur expression ainsi que des réarrangements chromosomiques: plusieurs études décrivent une association entre ces phénomènes et certaines maladies génétiques ou certains cancers chez l'homme. Côté positif, les virus endogènes ont donné naissance à de nombreux gènes remplissant désormais des fonctions cellulaires indispensables au développement de l'hôte. Chez l'homme par exemple, deux gènes (syncytin 1 et 2) impliqués dans la formation du placenta dérivent de rétrovirus endogènes ayant infecté les primates il y a environ 40 millions d'années.
Référence:
Endogenous viruses: insights into viral evolution and impact on host biology, Nature Reviews Genetics, Cédric Feschotte & Clément Gilbert.