Six accélérateurs et plusieurs kilomètres de lignes de connexion entre eux amènent les particules au LHC. Là aussi, c'est la complexité qui règne: les particules sont produites, préparées en paquets, synchronisées et envoyées au LHC au moment exact où il peut les recevoir. En d'autres termes, pour qu'il y ait des collisions au bout de la
chaîne, tous les injecteurs doivent fonctionner à la perfection.
Une question revient souvent parmi celles que posent les nombreux visiteurs du CERN: "Pourquoi le LHC n'est-il pas directement en prise avec la source de protons?". En d'autres termes, en quoi est-ce utile d'avoir toute une chaîne d'accélérateurs pour lui servir d'injecteurs ?
Avant d'entrer en collision dans le LHC, les particules passent au préalable dans pas moins de six accélérateurs différents: la source duoplasmatron de 90 keV, le RFQ de 750 keV, le Linac 2 de 50 MeV, le synchrotron
injecteur (“PS Booster” ou PSB) de 1,4 GeV, le synchrotron à protons (PS) de 25 GeV, et finalement le super synchrotron à protons (SPS) de 450 GeV.
Chacune de ces machines a bien sûr pour rôle premier d'amener le faisceau à l'énergie d'injection de la machine suivante. Pour des questions de stabilité du faisceau, le LHC ne pourrait pas recevoir des particules à trop basse énergie. Toutefois, dans le cas de la chaîne d'injecteurs du LHC, les différents maillons ont aussi des rôles supplémentaires.
Prenons par exemple le PSB. C'est le réglage minutieux de son système d'injection multi-tours qui va déterminer les faibles dimensions transversales du faisceau de protons, permettant une grande densité de particules, et donc une haute
luminosité du LHC, le seul accélérateur du CERN qui travaille comme
collisionneur. Le synchrotron à protons, quant à lui, est responsable de la création de la structure en paquets, par découpages successifs du faisceau au moyen de la radio-fréquence. Finalement, c'est au SPS que revient la tâche délicate de placer les trains de paquets au bon endroit du LHC, afin qu'ils entrent bien en collision au centre des expériences.
Toutes ces machines se préparent depuis de nombreuses années à fournir le faisceau au LHC, avec des caractéristiques variables quant au nombre de paquets, leur inter-distance, et leur intensité. Car si les premières collisions d'aujourd'hui n'ont eu lieu qu'entre des faisceaux de deux paquets chacun, la chaîne d'injection est déjà prête à envoyer au collisionneur ses faisceaux nominaux de 2808 paquets de 1011 protons dans chaque sens. Cette longue période de mise au point a commencé à porter ses fruits dès aujourd'hui, mais ses effets se feront véritablement sentir lorsque le LHC sera en mesure d'accepter son intensité nominale.
Le LHC en chiffres
Circonférence ~ 27 km
Distance parcourue en 10 heures par un faisceau ~ 10 milliards de km
(un aller-retour vers Neptune)
Nombre de tours d'anneau par seconde d'un proton 11 245
Vitesse des protons à l'entrée du LHC 299 732 500 m/s
(99,9998 % de la vitesse de la lumière)
Vitesse des protons à la collision 299 789 760 m/s
(99,9999991 % de la vitesse de la lumière)
Température de collision ~ 10^16 °C
(température plus de 1 milliard de fois supérieure à celle qui règne au centre du Soleil)
Température d'exploitation des cryoaimants 1,9 K (-271,3°C)
(température inférieure à celle de l'espace intersidéral (2,7 K, -270,5°C))
Masse d'Hélium nécessaire au refroidissement de l'installation ~ 120 t
Nombre de joints de tuyauterie étanches pour assurer le refroidissement à l'Hélium ~ 40 000
Volume du vide isolant les cryoaimants ~ 9 000 m3
(le volume de la nef d'une cathédrale)
Pression dans l'enceinte à vide des faisceaux ~ 10^-13 atm
(une pression dix fois inférieure à celle régnant sur la Lune)
Puissance consommée en électricité ~ 120 MW
(le double de la puissance du réacteur Rolls Royce 900, utilisé sur certains Airbus A380, lorsque l'avion vole à sa vitesse de croisière)