Un mécanisme d'évolution explique la variété observée des formes des astéroïdes

Publié par Michel,
Source et illustration: CNRS / INSUAutres langues:
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Une nouvelle vision générale expliquant les origines des formes des astéroïdes a été trouvée à travers un ré-examen des théories classiques à l'aide de simulations numériques. En supposant que de petites collisions et autres sollicitations de faible amplitude peuvent remodeler les astéroïdes qui sont déjà partiellement fragmentés, une collaboration dirigée par Paolo Tanga du laboratoire Cassiopée (INSU-CNRS, Université Nice-Sophia Antipolis, Observatoire de la Côte d'Azur) a montré que le résultat de ce processus est une famille de formes correspondant à l'échantillon observé. Ce résultat est publié dans Astrophysical Journal Letters.


A gauche: distribution observée par photométrie des formes ellipsoïdales (rapports des axes).
On considère que l'axe "c" (l'axe mineur) coïncide avec l'axe de rotation, tandis que "b" et "a"
représentent la taille des axes intermédiaire et maximum, respectivement. Une sphère parfaite
se situe dans l'angle supérieur droit de ce graphique. Un sphéroïde aplati (figure de révolution)
se trouve sur l'axe vertical de droite, tandis que le plan en dessous de la diagonale contient
tous les rapports d'axe possibles pour un ellipsoïde à trois axes génériques.
A droite: la distribution de formes produites par la simulation.
Les différentes couleurs représentent différents taux de rotation (moment angulaire),
croissants vers le bas. Comme on s'y attend, les objets à rotation plus rapide ont un aplatissement
plus prononcé (c/a plus petit). La courbe est la “séquence de Jacobi” des formes permises
pour des corps fluides en rotation à l'équilibre théorique,
avec des combinaisons bien précises des deux rapports axiaux.

Si vous videz progressivement un bol de sable dans une assiette plate, il se forme un tas conique. Maintenant, si vous agitez doucement l'assiette, le tas aura tendance à s'aplatir. Après beaucoup d'agitation, on peut obtenir finalement une surface plane, comme si de l'eau avait été versée au lieu du sable.

Cette simple analogie contient les éléments essentiels d'un mécanisme que le groupe a exploité pour expliquer la variété des formes des astéroïdes observés. En fait, si les astéroïdes étaient composés d'un fluide, l'effet de la rotation et de leur propre gravité les aurait façonnés jusqu'à les faire ressembler à des œufs ou à des sphères aplaties, en fonction de leur durée de rotation. En réalité, on pense qu'une majorité d'entre eux sont partiellement ou entièrement fragmentés en blocs distincts (nos "grains de sable" mais de grande taille), tenus ensemble par la seule force de gravité (on parle alors d'"agrégats gravitationnels").

D'autre part, les observations à partir des variations de luminosité montrent des formes qui ne sont pas à l'équilibre "fluide". Mais quelle est la différence entre la forme d'un astéroïde rocheux et celle d'un fluide tournant ?

Les calculs montrent que cette différence est extrêmement faible, comme si votre tas de sable formait un cône de seulement environ 10 degrés de pente.

Cet 'angle critique', spécifique à chaque matériau granulaire considéré, est beaucoup plus petit que celui que des tas de roches pourraient présenter, environ 30 degrés. Alors, comment un astéroïde rocheux peut-il atteindre une telle configuration ?

En effectuant plusieurs simulations par ordinateur, nous avons montré que certaines sollicitations externes pourraient avoir le même effet sur un astéroïde que sur le tas de sable de notre exemple. Sauf que pour les astéroïdes l'"agitation" proviendrait d'impacts mineurs ou de forces de marées dues aux satellites ou aux rencontres proches avec d'autres corps. Au fil du temps, ces sollicitations pousseraient progressivement le matériel constituant l'astéroïde vers un équilibre proche de celui d'un liquide. La seule exigence pour que ce processus fonctionne est que le corps céleste soit déjà partiellement fragmenté de telle sorte que les blocs qui le composent puissent ajuster leur position sous l'effet des sollicitations reçues. Cette structure n'est pas fluide, bien entendu, donc l'état d'équilibre théorique final correspondant ne peut pas être atteint. Cela explique la petite différence de comportement par rapport à l'état fluide que l'on retrouve dans la distribution observée.

Le mécanisme explique aussi les propriétés de certains gros astéroïdes, ayant des satellites, qui se rapprochent plus des formes fluides que le reste de la population. Le satellite déclencherait efficacement le processus décrit ci-dessus en exerçant des contraintes répétées sur le corps primaire autour duquel il est en orbite.

Notre modèle néglige les possibles déviations locales par rapport à la forme moyenne, dues par exemple à la présence de surfaces très inclinées comme les remparts des cratères. Il faut également supposer que l'astéroïde est fait, au moins dans sa couche externe, d'un agrégat de matériau maintenu uniquement par la gravité. Toutefois, le lien solide entre ce modèle et la structure interne des astéroïdes sera la principale caractéristique à tester dans les observations d'astéroïdes futures.
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