L'une des grandes énigmes de la physique concerne une matière inconnue qui représente 85 % de la matière de notre Univers. Surnommée " matière noire ", elle n'interagit pas avec les photons de la force électromagnétique classique et est donc invisible à l'oeil ou au télescope. Bien que la composition et l'origine de la matière noire soient un mystère, nous savons qu'elle existe parce que les astronomes peuvent observer sa force gravitationnelle sur la matière ordinaire visible comme les étoiles et les galaxies.
Vue générale de l'expérience NA64 au CERN. NA64 chasse les photons noirs, d'hypothétiques particules de matière noire. (Photo: Maximilien Brice/CERN)
L'expérience NA64, lancée au début de l'année, utilise un dispositif unique pour traquer un type spécifique de particules de matière noire connues sous le nom de " photons noirs ".
Selon certaines théories, la matière noire est constituée, tout comme notre monde visible, d'une famille de nouvelles particules et forces. Outre la gravitation, les particules de matière noire pourraient interagir avec la matière visible via une force nouvelle qui, à ce jour, n'a pas encore été détectée. De même que la force électromagnétique est transmise par des photons, cette force noire serait véhiculée par une particule que l'on nomme photon noir, agissant ainsi en tant que médiateur entre la matière noire et la matière visible.
" Pour utiliser une métaphore, deux individus ne parlant pas la même langue (la matière noire et la matière visible) peuvent engager un dialogue, qui serait autrement impossible, grâce à un médiateur (le photon noir) qui comprend l'une des deux langues et parle l'autre ", explique Sergei Gninenko, porte-parole de la collaboration NA64.
Vue du montage expérimental de NA64 au CERN. (Vidéo: Christoph Madsen/Noemi Caraban/CERN)
L'expérience NA64 du CERN cherche les signatures de cette interaction entre matière noire et matière visible au moyen d'un concept de physique simple mais puissant : la conservation de l'énergie. Le procédé utilisé consiste à diriger sur un détecteur un faisceau d'électrons dont l'énergie initiale est connue avec précision. Les interactions dans le détecteur entre les électrons incidents et les noyaux atomiques produisent des photons visibles. L'énergie de ce flux de photons est mesurée, et elle doit correspondre à celle des électrons. Mais, si les photons noirs existent, ils s'échappent du détecteur en emportant une grande partie de l'énergie initiale des électron.
La signature du photon noir est ainsi enregistrée dans le détecteur comme un événement auquel il " manque " une grande quantité d'énergie. Comme cela ne peut être attribué à un processus impliquant uniquement des particules ordinaires, c'est un indice sérieux de l'existence des photons noirs.
La première période d'exploitation de l'expérience NA64 a été lancée en juillet et a duré deux semaines. Une deuxième période de quatre semaines s'est terminée le 9 novembre. Aucune trace de photons noirs n'a été découverte à ce jour, mais au vu des résultats, de nouvelles limites ont été atteintes en ce qui concerne l'intensité de l'interaction entre matière noire et matière visible. Davantage de données seront recueillies dans les années à venir, ce qui permettra à l'équipe du NA64 d'affiner ses recherches.
La confirmation de l'existence du photon noir serait une véritable avancée dans notre compréhension du mystère de la matière noire.