La parenté entre parasites, au sein d'un même hôte, s'avère plus fréquente que ne le prévoyaient les scientifiques. C'est ce que viennent de démontrer des chercheurs du CNRS, de l'Université Paris-Sud 11, de l'INRA et du Amherst College (Etats-Unis), en analysant des populations de champignon (parasite), responsable de la maladie du charbon des anthères chez une plante courante, le compagnonblanc. De grande importance, cette problématique influe notablement sur la virulence des maladies affectant l'hôte. Elle pourrait ainsi permettre de mieux comprendre comment cette virulence évolue, en particulier pourquoi certaines maladies provoquent des symptômes plus ou moins graves. Ces travaux constituent une avancée indéniable pour prévoir l'effet des traitements des pathologies causées par les parasites.
Silene latifolia (compagnon blanc)
Lorsqu'un même individu est infecté par plusieurs souches de parasites appartenant à la même espèce (1), on parle d'infections multiples. Ces dernières peuvent avoir des conséquences importantes sur la virulence des maladies. Ainsi, dans des systèmes où plusieurs souches de parasites sont en compétition afin d'exploiter les ressources d'un même hôte, celles qui drainent ces ressources le plus vite se reproduisent davantage et sont, à terme, les plus favorisées. S'ensuit, in fine, une augmentation de la virulence de la maladie. Toutefois, des souches différentes mais apparentées (donc de même famille (2)), d'un parasite identique (même espèce), devraient avoir un comportement plus coopératif et moins compétitif lorsqu'ils infectent le même hôte. Cette baisse de la compétition entre souches entraînerait une diminution de la sévérité des symptômes.
Coordonnée par Tatiana Giraud, chargée de recherche au CNRS, l'équipe de l'unité mixte "Ecologie, systématique et évolution", a analysé des populations naturelles du champignon Microbotryum violaceum. Ce parasite est responsable de la maladie du charbon des anthères (3) chez Silene latifolia, une plante très commune au bord des routes plus couramment appelée le compagnon blanc. Utilisant des marqueurs génétiques pour identifier chaque souche, les chercheurs ont mis en évidence que les infections multiples étaient extrêmement fréquentes: 70 % des plantes malades comportait plusieurs souches différentes du champignon. De plus, ces souches étaient fortement apparentées au sein d'une même plante, suggérant que les champignons acceptent de partager une même plante à l'unique condition d'appartenir à la même famille.
De tels résultats démontrent sans ambiguïté que les infections multiples et la parenté entre parasites d'un même hôte peuvent être très fréquents. Il est donc essentiel de les étudier afin de comprendre l'évolution des maladies. Autre point primordial mis en évidence, le parasite lui-même peut contrôler le degré de parenté au sein de l'hôte, favorisant ses apparentés, comme cela est observé dans de nombreuses sociétés animales (fourmis, hommes). Comprendre l'évolution de la virulence des maladies est capital pour prévoir l'effet des traitements des pathologies causées par les parasites. Certaines vaccinations, par exemple, peuvent augmenter la virulence des maladies pour les individus non vaccinés. Dans ce cas précis, les parasites ayant moins d'hôtes potentiels, ils évoluent afin de capter davantage de ressources dans les rares hôtes qu'ils trouvent.
Notes: (1) Selon la définition la plus fréquente, appartiennent à la même espèce deux individus pouvant donner une descendance fertile. (2) Sont dits de la même famille, deux individus qui ont des ancêtres communs proches, de quelques générations avant la leur. (3) Partie de l'étamine qui renferme le pollen.