Les peintures du désert vont enfin parler

Publié par Michel,
Source: CNRS (Journal)
Illustration: © D.Vigears / Projet de datation des peintures du SaharaAutres langues:
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En novembre, des archéologues français et algériens vont s'installer sur le plateau du Tassili, dans le Sahara. Leur but: enfin dater les somptueuses peintures rupestres de la région.


Les sites des peintures de Tassili constituent un formidable témoignage de la vie au Sahara
avant sa désertification.

Dans un décor grandiose fait de roches et de sable ocres, une immense caravane progresse lentement le long d'un chemin escarpé. Ânes et chameaux portent les outils et les vivres, accompagnant un groupe d'une dizaine de personnes sous un soleil de plomb. L'image pourrait sortir tout droit d'un récit d'anciens explorateurs. C'est pourtant bien ainsi que les membres de la mission archéologique franco-algérienne Tassili vont rejoindre, le 20 novembre prochain et pour un mois, leur lieu de fouilles dans le Sahara algérien. "L'accès au site est très difficile et même un peu dangereux, indique Jean-Loïc Le Quellec, directeur de recherche CNRS au Centre d'études des mondes africains qui codirige la mission avec Malika Hachid, du Centre national de recherches en préhistoire, anthropologie et histoire d'Alger (CNRPAH). Il faut déjà quatre heures pour grimper sur le plateau du Tassili, à plus de 1 000 mètres d'altitude, et il reste encore à rejoindre le site proprement dit, à Sefar. Ce n'est pas vraiment une promenade de santé."

Pourquoi tant d'efforts ? Les archéologues ont un objectif: analyser et dater les peintures rupestres de Tassili. Des peintures célèbres pour leur beauté et leur nombre –il en existe des centaines de milliers dans toute la région– mais que les préhistoriens ont été incapables de dater précisément jusque-là. "C'est l'archéologue français Henri Lhote [ndlr: alors chargé de recherche au CNRS] qui les a fait connaître au grand public dans les années 1950", raconte Jean-Loïc Le Quellec. À l'époque, ces grandes fresques, peintes à l'air libre sous des abris rocheux, fascinent. Il s'agit d'un véritable "documentaire en images", comme l'appelle Jean-Loïc Le Quellec, sur les populations qui vivaient dans la région lorsqu'elle était encore luxuriante. On y voit des animaux –éléphants, girafes, hippopotames...– qui ont depuis longtemps fui le désert. Sont croquées des scènes de la vie quotidienne, comme ces bœufs montés par des hommes. À Sefar, là où l'équipe a décidé d'installer son campement, une peinture haute de trois mètres représente une figure anthropomorphe. Les spécialistes l'appellent le "grand dieu de Sefar" mais d'autres, plus facétieux, aiment y voir un martien. "Les animaux sont représentés de manière si réaliste que ceux qui les ont dessinés les ont forcément vus, estime Jean-Loïc Le Quellec. Or nous savons que ces espèces vivaient bel et bien dans le Sahara alors qu'il était encore vert mais qu'elles l'ont quitté lors de la désertification, environ 2 000 ou 3 000 ans avant notre ère." Voilà qui donne une limite à l'âge de ces peintures. Mais ont-elles été réalisées il y a cinq mille ans ? Dix mille ans ? "Bien qu'elles soient de toute beauté, sans leur âge exact, elles perdent de leur intérêt. Après avoir soulevé l'enthousiasme des préhistoriens, elles sont peu à peu tombées dans l'oubli. Seuls les historiens de l'art et les touristes ont continué à s'en soucier", admet Jean-Loïc Le Quellec.

Aujourd'hui, la donne a changé. Les archéologues disposent de nouvelles techniques bien plus performantes pour dater les vestiges. D'où cette nouvelle expédition, qui va permettre à la fois de prélever des échantillons de peintures, qui seront ensuite analysés dans les laboratoires partenaires, et d'explorer le sol, à la recherche d'indices sur les techniques de peinture. "Grâce aux techniques de datation au carbone 14, explique l'archéologue, nous allons essayer de donner un âge au liant qui a servi à fixer les pigments, lesquels seront aussi analysés afin d'en déterminer la nature exacte." La thermoluminescence, qui permet de dater le moment où des matériaux siliceux ont été exposés au jour pour la dernière fois, devrait dater le sable de remblais, au pied des fresques. C'est également là que les scientifiques vont creuser, à la recherche d'objets laissés par les peintres: pinceaux, colorants, godets à peinture. Des relevés photographiques – tant en lumière visible qu'en infrarouge et en ultraviolet – seront aussi effectués. "Évidemment, nous allons devoir confronter nos résultats à d'autres sites", indique Jean-Loïc Le Quellec. Il espère ainsi mettre en place deux campagnes annuelles pendant trois ou quatre ans et étudier les fresques de l'Ahaggar et de l'Atlas saharien. C'est à ce prix que les peintures rupestres du Sahara deviendront des témoignages utiles de l'histoire du peuplement du continent africain.
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